Les années qui passent semblent n’avoir aucune prise sur
lui. Et la notoriété n’a pas non plus abîmé sa belle simplicité. « Je n’ai jamais fait partie du star-system »
confie Lokua Kanza qui fête cette année ses vingt ans de carrière. Et lorsqu’on
l’interroge sur sa trop rare production (son dernier opus « Nkolo » est sorti en 2010), il répond en riant : « Enregistrer un album demande beaucoup de
maturité. Il faut du temps... »
On se souvient de ses débuts, lorsqu’il chantait en
s’accompagnant à la guitare dans les rues de la Rochelle, tandis que ses aînés
se produisaient au Festival des
Francofolies. Impossible de ne pas s’arrêter pour découvrir ce jeune zaïrois au timbre cristallin.
Quelques années plus tard, Jean-Louis Foulquier choisira de le
mettre en vedette lors d’une soirée baptisée « La fête à Lokua ». « Je n’oublierai jamais cet homme. A l’époque, il a dit : je veux mettre ce
garçon sur la grande scène. Il m’a offert le plus beau des cadeaux. ».
Même émotion, lorsque le chanteur a assuré la première partie de Jean-Louis Aubert
au Zénith. Même si là, le cadeau semblait un peu… empoisonné ! « Quand tu commences à jouer et que tout
le monde se met à crier « casse-toi ! », c’est plutôt dur, mais j'ai continué". Au bout d’une ou deux chansons, le public tombe sous le
charme et la tournée se poursuivra avec succès.
Le succès, l'ancien musicien de la diva Abeti l'a rencontré dès la sortie
de son premier disque éponyme en 1993. On dit volontiers que sa vocation est
née en écoutant Miriam Makeba. Mais on oublie parfois qu’il a eu le bonheur de donner la réplique à la star sud-africaine dans l’album
« Homeland » et qu'il lui a écrit trois chansons. Et il demeure à ce jour l’un des rares artistes
africains (sinon le seul) a avoir composé pour Nana Mouskouri (« Chemin de la joie »). Il a
également coiffé la casquette de producteur pour Sara Tavares (« Mi Ma Bo ») et Pedro Guerra (« Tan Cerca de Mi »), sorti un bel album collégial "Toto, Bona, Lokua" (avec Gérald Toto et Richard Bona), chanté en français dans "Plus vivant" concocté avec la complicité d'auteurs comme Camille, Belle du Berry ou Marie Nimier, a reçu deux prix pour des musiques originales de films...
Chanteur, musicien, arrangeur, compositeur, producteur… Lokua possède bien des talents. « Je ne sais pas tout faire ! Mais certaines choses sont venues naturellement, parfois malgré
moi. Quand tu es un jeune artiste et qu’on te demande combien tu as vendu de
disques avant d’accepter de travailler avec toi…tu es bien obligé de t’y coller
tout seul et d’assumer». Assumer, il a appris à le faire dès son plus jeune âge « J’étais l’aîné de la famille et je suis devenu assez vite le « papa »
de mes frères ». Un sens des responsabilités et de l'engagement qui l’ont conduit naturellement à défendre la
cause des femmes violées en Afrique. Il a récemment signé la musique d’un
reportage qui dénonce ce fléau. « Je
suis allé dans un hôpital où l’on soigne les blessures physiques et
psychologiques subies par ces femmes. J’ai
parfois honte d’être humain » confie-t-il.
Citoyen du monde, il revient de Rio où il a vécu
plus de deux ans. « A chaque fois
que l’on se frotte à une autre culture, il en ressort quelque chose. J’ai
travaillé là-bas avec de nombreux artistes réputés. Leur musique et leur simplicité m'ont touché. On se retrouvait souvent
entre nous, juste pour le plaisir de jouer ensemble. Au Brésil, j’ai retrouvé l’Afrique
mais avec davantage d’harmonies ». Il songe d'ailleurs à franchir l’Atlantique
pour s'immerger dans la culture américaine. Mais c'est une autre histoire...
Pour l'instant, Lokua Kanza a repris le chemin des
studios pour l’enregistrement d’un album qui devrait marquer ses vingt ans de
carrière (sortie prévue en 2015). Il a déjà réuni autour de lui Ray Lema, Manu
Dibango, Richard Bona, Wasis Diop, le batteur et percussionniste de jazz Paco
Sery… « De grands artistes que j’adore. Cela devrait bouger ! J’y mets beaucoup de mon cœur et de mon
âme.» Comme dans tout ce qu'il a produit depuis ses débuts…
Annie Grandjanin
Annie Grandjanin
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