19 déc. 2015

Térez Montcalm électrise les standards français

L'air était doux mardi dernier à Paris, mais dès l'apparition de Térez Moncalm, après la belle et swinguante première partie assurée par Lucy Dixon, on a frôlé la surchauffe ! La chanteuse (et auteur compositeur) québécoise était en effet de passage au New Morning pour présenter son nouvel album "Quand on s'aime". Le premier en français depuis 12 ans.
Alors que l'on ne gagne pas grand chose à quitter son canapé douillet pour aller applaudir sur scène Diana Krall ou Madeleine Peyroux, Térez Moncalm, en live, c'est une vraie valeur ajoutée ! Entourée de sa "gang" de solides musiciens: Jean-Marie Ecay (guitare), Christophe Wallemme (contrebasse), Pierre-Alain Tocanier (batterie, percussions), sans oublier les talentueuses Géraldine Laurent au saxophone et Camelia Ben Naceur au piano, Térez a emballé le public avec son timbre rauque, sensuel et puissant.
Après le suave "Quand on s'aime" , elle a donné une sacrée poussée de sève aux " Feuilles mortes", à "Petite Fleur"," Que reste-t-il de nos amours ?"...
Avec cette superbe vocaliste de jazz,"Le temps s'arrête" , sans jamais se figer. Et que dire de "Chagrin d'amour", un texte inédit de Claude Nougaro qu'elle a mis en musique, de "Black Trombone" de Gainsbourg ou encore de "Docteur", l'adaptation française de "Fever" qui fait dangereusement grimper la température. D'ailleurs, la chanteuse a bien vite tombé la veste pour enchaîner les standards avec une énergie de rockeuse !  Même "La belle vie"dont on a connu des relectures parfois poussiéreuses retrouve ici une seconde jeunesse. Au passage, elle offre aussi un joli clin d'oeil à son compatriote Jean-Pierre Ferland avec "Que veux-tu que je te dise ?".
"On peut marcher sous la pluie, prendre le thé à minuit... on peut voler de soleil en soleil à minuit...quand on s'aime" dit la chanson de Michel Legrand. Nous, en sortant du New Morning, on avait un peu retrouvé cette légèreté, cette joie de vivre qui nous ont tant manqué ces dernières semaines...

Album "Quand on s'aime" (Avalanche Production/L'autre Distribution)

14 déc. 2015

Chanson Plus Bifluorée: les virtuoses de la parodie chantée

(c) Didier Pallagès

Depuis leurs débuts, il y a "25 ans !... et des brouettes" comme l'annonce le titre de leur spectacle, ces joyeux complices renouvellent le genre de la parodie chantée, tout en prêtant leur swing à quelques fleurons du patrimoine. Et leur fantaisie débridée est sans limites. Pas même vocales puisqu'ils passent du rock à la variété, au slam, au jazz ou au lyrique avec la même virtuosité. On se souvient de cette relecture, de haute volée, de "Sound The Trompet" d'Henry Purcell !
Des parodies dont ils proposent ici une sorte de best of. Sur scène, Sylvain Richardot, Michel Puyau et Xavier Cherrier revisitent leurs grands  "classiques" comme "Le moteur à explosion" créé à l'origine pour quatre voix (à l'époque où Robert Fourcade, dit Boubou, était encore à leur côté), "Le tango corse", "Quand un soldat" de Francis Lamarque, "La Marseillaise de la Paix" ou le décapant "Je fais la vaisselle" sur l'air de "J'ai encore rêvé d'elle" (du groupe Il était une fois)...Tout en offrant des sketches visuels et sonores délirants. On participe ainsi, avec une certaine délectation, au stage folk dont une session est consacrée à l'art de peler les noix. On retrouve aussi le fameux 'Ipo I taï taï yé", le numéro de ventriloquie de Pat et Marconi, le radio-crochet...sans oublier le "shaker à chansons", un exercice qui consiste à mélanger les textes et mélodies de standards de la chanson.
Vingt cinq ans ... et des brouettes de carrière, mais Chanson Plus Bifluorée n'a pas pris une ride.
Bien sûr, on aurait aimé entendre "Honte à la trompette", "Aimé" ou "Les micro-ondes", mais  il fallait bien réserver quelques pépites pour le prochain quart de siècle...

Jusqu'au 24 janvier 2016, du jeudi au samedi à 21 heures, le dimanche à 15 heures (relâches les 24, 25 décembre et les 15 et 22 janvier). Dates supplémentaires les 22, 23, 29 et 30 décembre.
Au Théâtre La Bruyère, 5, rue La Bruyère, 75009 Paris. 
Tél.: 01.48.74.76.99. www.labruyere.com

8 déc. 2015

Luce fait le show

(c) Paul Rousteau
"Je suis émue d'être là ce soir" confiait Luce, lors de son récent concert parisien, au Théâtre Antoine. Une émotion palpable dans la salle. Mais le rire était là aussi, libérateur. Il faut dire qu'en ces temps douloureux, les chansons de Luce ressemblent à des bulles d'oxygène, colorées, joyeuses avec quelques accents mélancoliques ou coquins. Des titres tirés principalement de son second opus "Chaud", le premier "Première phalange" n'ayant pas vraiment rencontré son public, comme on dit pudiquement. On se souvient de ses prestations loufoques dans l'émission "Nouvelle Star" dont elle est sortie victorieuse en 2010. Depuis, la demoiselle a perdu quelques rondeurs mais affiche toujours ce côté gamine espiègle et dissipée. Sur scène, elle forme un solide et énergique duo guitare-voix avec le talentueux Mathieu Boogaerts (compositeur et réalisateur de l'album). Ces deux-là se sont bien trouvés ! Dotée d'une voix claire et d'une élocution impeccable, Luce s'amuse avec l'ambigu "Chat doux", vante ouvertement les plaisirs de la chair dans "Le feu au cul", nous embarque dans une dansante "Polka", remet au goût du jour les sonorités sixties avec "Let's go",  tout en offrant un délirant duo sur le fameux "Paroles, paroles", immortalisé par Dalida et Delon. . Puis elle s'interroge avec "Ton crâne" et se fait plus tendre pour le touchant "Dans ma maman". Entre deux chansons, les deux complices échangent des répliques drôles et décalées. Un bien joli moment de divertissement.

En tournée:  le 16 janvier 2016 au Théâtre de Fontainebleau,le 23 janvier à Amiens (80), le 28 janvier 2016 au Centre Culturel d'Avermes (03), le 30 janvier à Magny Le Hongre (77), le 6 février à Argenteuil (95), le 5 mars à Reyrieux (01), le 25 mai à Le Blanc (36)...

17 nov. 2015

Caroline Loeb : "les années 80 étaient créatives, fondatrices et transgressives"

Chanteuse, comédienne, animatrice télé, réalisatrice, auteur de chansons, de chroniques ... Caroline Loeb n'est pas vraiment restée dans son doux cocon depuis le succès de "C'est la ouate" !
Entre deux représentations de son spectacle musical "George Sand, ma vie, son oeuvre" et la mise en scène du "Goujon Folichon" (tous deux à l'affiche du Théâtre du Marais), elle a même trouvé le temps d'écrire "Mes années 80, de A à Z".
Au fil des pages, elle y évoque l'ouverture du Palace, la naissance de la Fête de la Musique, l'âge d'or de la BD, l'aventure Canal +, l'arrivée du CD, la première émission consacrée au hip hop (présentée par Sidney), la chute du Mur de Berlin, le magazine Glamour, Madonna, la new wave, Andrée Putman, les radios libres, Michael Jackson, François Mitterrand, les défilés de Christian Lacroix ou de Jean-Paul Gaultier...
Un ouvrage passionnant, ludique et richement illustré, dont son complice Nols a assuré la direction artistique. Caroline, quant a elle a signé les textes et coiffé les casquettes de directrice de création et d'iconographe.

Résumer une décennie aussi foisonnante en moins de 200 pages, c'était un sacré pari, non ?
J'ai bien essayé de négocier pour obtenir davantage de place mais c'était compliqué. J'ai dû faire des choix...
(c) Richard Schroeder
Commencer par Isabelle Adjani pour terminer par Zouc, c'était aussi un choix ?
La forme abécédaire me semblait la plus évidente. Cela donnait un cadre et apportait quelque chose de ludique. Cela a permis quelques télescopages surprenants comme celui de Gorbatchev avec Chantal Goya !
Tu cites le magazine Actuel qui, dans un édito en 1979, prédisait: "les années 80 seront actives, technologiques, vigoureuses et gaies...".  Ce fut le cas ?
Moi, je dirais qu'elles étaient créatives, fondatrices, transgressives...
C'était le début des grands photographes, des stylistes de mode. Pour les artistes, il y a eu aussi la mise en place d'une reconnaissance et d'une organisation de nos métiers avec, notamment, la loi sur la copie privée. La Sacem est d'ailleurs partenaire de ce livre.
Elles ont aussi été marquées par le sida ?
Nous étions tellement en roue libre. Le sida est arrivé comme une grande gueule de bois. Je vois cela comme les Années Folles: nous dansions sur un volcan !
Comment as-tu procédé pour obtenir toutes ces illustrations ?
J'ai eu une chance incroyable. J'ai pu parler à des gens qu'aucun iconographe ne pouvait appeler et on m'a donné tout ce que je voulais. Cela m'a également permis de rencontrer Jean-Paul Goude que je ne connaissais pas.
Le succès de "C'est la ouate" ouvre encore des portes ?
Je fais ce que je fais malgré la ouate ! C'est vrai que ce titre me colle à la peau. Mais, sans lui, on ne m'aurait sans doute jamais proposé de faire ce livre.
Tu as volontairement occulté le "moi je" ?
C'est ma vision, mon regard sur les années 80. Mais je ne souhaitais pas user du "moi je". A chaque fois que j'ai pu le faire, j'ai fait relire les chapitres par ceux dont je parlais.
Ces dernières années, on surfe beaucoup sur la nostalgie ?
(c) Mondino

Ce n'est pas mon cas. Je n'ai pas du tout la nostalgie des années 80 ni de la personne que j'étais à cette époque. Je m'éclate beaucoup plus aujourd'hui quand je suis sur scène ou que je travaille sur mes projets...


"Mes années 80, de A à Z" (Éditions Vents de Sable), en librairie depuis le 13 novembre. Prix indicatif: 29 €
Caroline Loeb dédicacera son livre demain, mercredi 18 novembre, à partir de 19 heures à "l'Ecume des Pages" 174, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris.

12 nov. 2015

Stacey Kent: "Ma rencontre avec Roberto Menescal était inévitable"

(c) Diane Sagnier


Après avoir posé son timbre jazzy sur des succès de Barbara, Michel Jonasz ou Henri Salvador dans "Raconte-moi..." (2010) puis exprimé sa passion pour la bossa nova avec "The Changing Lights" (2013), Stacey Kent revient aux standards du "Great American Songbook"avec "Tenderly". Un album intimiste et lumineux, enregistré avec une légende de la musique populaire brésilienne, le guitariste, compositeur et arrangeur Roberto Menescal. Rencontre avec la plus internationale des chanteuses américaines, avant son concert parisien, le 12 décembre prochain, au Théâtre des Champs-Élysées et une tournée en France.

Le Brésil et vous, c'est une longue histoire d'amour, non ?
On peut vraiment dire que c'est une partie de moi, comme le fait d'être gauchère !
Cela remonte à l'époque où vous avez découvert l'album "Getz/Gilberto" ?
C'est l'un des premiers disques que j'ai écouté alors que j'avais 14 ans. On ne sait jamais pourquoi certains souvenirs restent ainsi gravés. J'étais fascinée par le rythme, la mélancolie...
Je viens d'une famille qui parle beaucoup. Moi, j'étais la plus calme mais je vivais tout de manière très intense. Et cette intensité, je l'ai retrouvée dans la musique brésilienne. J'ai eu un véritable coup de foudre !
Comme avec Roberto Menescal ?
Nous nous sommes croisés à Rio, lors d'un show qui célébrait le 80ème anniversaire de la statue du Christ Rédempteur. J'avais été invitée par Marcos Valle. Nous avons échangé nos adresses et entamé une longue correspondance. J'ai été surprise d'apprendre qu'il me connaissait et m'appréciait bien avant cette rencontre. Il est d'une autre génération et d'une autre culture mais nous partageons une même philosophie de vie. C'est un homme magnifique, d'une infinie sagesse. Notre rencontre était inévitable.
Il paraît que vous avez même appris le portugais de manière intensive ?
Je suis quelqu'un qui aime communiquer. Roberto ne parlant pas l'anglais nous n'aurions jamais eu cette qualité d'échanges. Il raconte plein d'histoires qui n'existent pas dans les livres. Avec lui, nous avons notamment évoqué la période du Tropicalisme. Pour les artistes brésiliens, la musique est quelque chose de très sérieux. Elle a contribué à la formation de l'identité nationale. Derrière certaines chansons d'amour il y avait en fait des déclarations contre le régime politique. Des années difficiles pour eux qui ont du faire le choix de rester ou de quitter leur pays. Cela nourrit aussi la tristesse...J'ai toujours été passionnée par l'apprentissage des langues. J'envisage prochainement de me mettre au suédois. Je suis attirée par la culture de ce pays et j'adore Ingrid Bergman.
Comment avez-vous procédé pour le choix des titres de "Tenderly" ?
Roberto n'avait jamais fait d'album de jazz même s'il adore cette musique. Nous avons privilégié les morceaux que nous pouvions interpréter de manière intimiste. Je crois que la seule qu'il ne connaissait pas était "If I'm Lucky".
D'où la belle musicalité de l'album ?
Je suis contente que vous disiez cela. L'idée était de mettre en valeur la pureté des chansons. Il y a juste Jim (son compagnon Jim Tomlinson) au saxophone et à la flûte, Jeremy Brown à la contrebasse et bien sûr Roberto à la guitare. Nous avons même renoncé à notre batteur que nous aimons beaucoup. Lorsqu'on a l'opportunité de jouer avec quelqu'un comme Roberto, il faut faire comme lui: approcher chaque note avec amour.
Un journaliste a écrit à votre sujet: "Stacey a une voix de lumières tamisées". Cela vous inspire quoi ?
Attendez, je cherche ce que cela veut dire ! (elle pianote sur son portable). Je trouve cela très joli. Vous savez, quand j'étais plus jeune, je chantais plus fort mais j'ai arrêté quand j'ai découvert ma personnalité musicale. C'est important de se connaître quand on est artiste, d'éviter la démonstration. C'est ma manière de grandir. De la même manière, je suis contente d'avoir rencontré Menescal tardivement.
C'est-à-dire ?
Il y a un auteur portugais qui me bouleverse, c'est José Saramago. Il disait qu'il était content d'avoir développé son métier à un âge avancé. Parce qu'il s'agissait de ses écrits les plus significatifs. Si j'avais rencontré Roberto, il y a dix ans, notre complicité aurait peut-être été moins forte. J'ai l'impression que je le mérite plus aujourd'hui.
Vous êtes impatiente de revenir chanter en France ?
Comme avec le Brésil, j'ai une longue histoire d'amour avec la France. J'ai grandi avec la musique de Léo Ferré grâce à mon grand-père. C'est agréable d'être en studio, mais cela reste un peu superficiel. Se produire sur scène, c'est autre chose. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé à chanter. Pour cette conversation avec le public...


Album "Tenderley" (Okeh/Sony Classical and Jazz), disponible le 13 novembre prochain.
En concert, le 12 décembre, à 20 heures, au Théâtre des Champs-Elysées, 15, avenue Montaigne, 75008 Paris. Tél.: 01.49.52.50.50. Places: de 5 à 65 €. http://www.theatrechampselysees.fr/
Tournée 2016:  le 7 avril à St Priest, le 13 avril à Limoges, le 30 avril au Mans, le 7 mai à Levallois Perret, le 11 mai à Carcassonne, le 13 mai à Perpignan, le 19 mai à la Cigale, les 26 et 27 mai à Bordeaux...

15 oct. 2015

Véronique Sanson: rayonnante !

(c) Christian Meilhan

Il y a des instants de grâce dans cette drôle de vie, des moments où l'on se souvient du fameux "T'es pas cap !" de notre enfance. Ce défi lancé avec insolence et que l'on se promettait de relever, un peu fébrile quand même. Cette même fébrilité que l'on ressent lorsque Véronique Sanson attaque son spectacle avec "Vancouver" a cappella. Le timbre semble encore un peu fragile. Le trac sans doute... Pourtant après 11 concerts sold out à l'Olympia au printemps dernier, une dizaine de festivals et deux magnifiques soirées il y a quelques jours au Palais des Sports, la chanteuse a prouvé qu'elle était cap ! Cap de terrasser ses vieux démons et de reprendre la route comme un petit soldat. Arborant son éternel uniforme: veste à franges et pantalon en cuir, elle nous ramène dans ses "Années Américaines". Des années qui furent incroyablement fécondes avec des titres tels que "Le Maudit", "Monsieur Dupont", "Je suis la seule", "Tu sais que je t'aime bien", "Bernard's Song (il est de nulle part)", "On m'attend là-bas", "Étrange Comédie", "Alia Souza", "Bahia"... 
A ses côtés 2 choristes et 8 musiciens, parmi lesquels les fidèles : Basile Leroux à la guitare, Dominique Bertram à la basse, le trompettiste Steve Madaio...
Dès le morceau "Féminin", la chanteuse retrouve ce vibrato particulier, cette capacité de nous toucher avec des morceaux nostalgiques et de nous emporter, comme en apesanteur, dans des refrains plus joyeux. Et on lui pardonne évidemment de prendre quelques libertés avec le thème des années américaines, rien que pour le plaisir d'entendre "Besoin de personne" ou "Drôle de vie".
Rayonnante,  pratiquant un humour que l'on devine salvateur, Véronique Sanson raconte l'histoire de certaines chansons. Notamment celle qu'elle reprend avec son fils Christopher Stills (qui assure sa première partie) et qui parle du papa !
Puis l'émotion s'installe lorsqu'elle se pose au piano pour plaquer les premiers accords de "Ma révérence" avant d'atteindre des sommets avec "Je me suis tellement manquée".  L'interprétation est bouleversante de vérité, de pudeur aussi. Difficile d'ignorer la larme qui menace de perler à l'écoute de sa voix, à la fois puissante et vibrante, qui confesse: "Dommage qu'il faille qu'on triche avec tous nos chagrins. Je m'étais tellement trahie...".
 Durant plus de deux heures, "Véro" porte le spectacle de bout en bout, avec une énergie époustouflante, comme un boxeur qui reprend possession du ring. Et elle nous laisse tout simplement K.O !

En tournée: au Zénith de Montpellier (le 15/10), au Zénith de Pau (le 17/10), au Zénith de Dijon (le 4/11), au Zénith de Saint-Etienne (le 5/11), Salle 3000 à Lyon (le 6/11), au Théâtre de Beausobre (le 7/11), au Micropolis de Besançon (le 12/11), à l'Axone de Montbéliard (le 13/11),....au Zénith de Nancy (le 20/11), au Palais des Congrès de Strasbourg (le 21/11)... Forest National de Bruxelles (27/11)...

27 août 2015

Gaël Faye: "Legato est un projet qui me fait du bien !"

Gaël Faye, Jearian et Samuel Kamanzi
Il a été l'une des belle surprises du festival "Chansons & Mots d'Amou". Parmi d'autres bien sûr, comme l'énergique prestation de Chloé Lacan, les lectures musicales de Marie-Christine Barrault et Stanislas de la Tousche, le concert d'Arbon ou encore celui de Camille et Simon Dalmas, en hommage à leur père H. Bassam. Mais, à l'évidence, l'artiste franco-rwandais Gaël Faye et ses talentueux complices Jearian et Samuel Kamanzi, ont fait vivre un moment aussi intense que magique au public des Arènes d'Amou avec "Legato". Une création orchestrée avec le soutien de l'Académie Charles Cros, dans laquelle le trio a emmené les spectateurs à la croisée de l'Afrique et de la France.
Comment est né ce trio ?
J'ai rencontré Jearian lors de la remise des Prix de l'Académie Charles Cros en novembre dernier. Nous avons improvisé sur un titre. Avec Samuel Kamanzi que j'ai connu au Rwanda, l'idée de prolonger ce moment a fait son chemin. Nous sommes partis en résidence à la Biscuiterie de Château-Thierry où le projet a pris forme.
Le nom de Legato qui signifie lier des notes est venu naturellement ?
Nous avons grandi tous les trois en Afrique. Nous nous comprenons. Samuel est un guitariste qui a fait des études de musicologie à Poitiers. Jearian vient du Gabon. Il a appris la guitare et la calebasse tout seul. Ensemble, nous tissons un lien entre nos univers, nos influences, le français, les dialectes africains... Avec "Pili Pili sur un croissant au beurre" (son premier album solo, sorti chez Mercury/Universal)), j'étais seul au front. Je portais tout sur les épaules. Là, il y a un vrai partage. Legato est un projet qui me fait du bien.
Vous ne vous sentez plus comme un virevolteur de mots pleins d'amertumes ?
J'avais écrit cela dans le titre "A-France" mais, aujourd'hui,  je n'ai plus le même tiraillement identitaire. J'ai moins de colère en moi. Les gens me disent souvent ; je n'aime pas le slam ni le rap mais vous, je vous aime bien. Cela me chagrine un peu car c'est admettre une forme de méconnaissance. A partir du moment où on aime le verbe, cela peut prendre des formes différentes. Ma grande frustration, c'est de ne pas être chanteur.
Pourquoi ?
Parce qu'un chanteur peut transmettre de l'émotion avec sa voix. C'est plus compliqué avec l'écriture.
Il paraît que vous avez écrit votre premier texte à 13 ans ?
Oui. J'étais plutôt un contemplatif. L'écriture permet d'expliquer les choses. On se sent moins seul. C'était aussi un moyen de soigner ma peur.
Vous dites également: : quand ta vie est tracée, dévie. C'est un peu votre parcours, non ?
Gaël Faye à Amou, le 8 août dernier (c) Joël Mathieu
J'ai eu beaucoup de vies tracées ! J'ai quitté le Rwanda à 13 ans, travaillé dans la finance, fait partie d'un groupe de hip hop baptisé "Milk Coffee and Sugar"... Puis, avec mon premier album solo, j'ai signé dans une major. J'ai même eu un tourneur ! J'aime bien l'idée d'avoir plusieurs vies en une seule. C'est mon père qui m'a transmis ça. Là, je vais repartir au Rwanda car j'ai besoin de me retrouver. J'y terminerai l'écriture d'un roman qui parle d'un groupe d'enfants vivant au Burundi. Il n'a pas encore de titre mais devrait sortir l'an prochain. En fait, j'ai toujours envie de faire un pas de côté !
Ce pas vous ramènera bientôt sur scène ?
Avec Samuel et Jearian nous retournons à Château-Thierry en novembre et nous partirons en tournée. Pour l'instant, nous n'avons fait que des maquettes mais nous espérons enregistrer un album.

Festival "Chansons & Mots d'Amou" (4ème édition), les 7, 8 et 9 août derniers à Amou (40).



27 avr. 2015

Oscar and The Wolf : envoûtant !

(c) Marie Wynants
La scène belge nous réserve souvent de belles surprises ! La dernière en date est le jeune flamand Max Colombie qui se produit sous le nom d’Oscar and The Wolf. Après deux EP remarqués (« Imagine Mountains » en 2011 et « Summer Skin » en 2012) il a sorti en octobre dernier « Entity », un premier album enregistré entre Bruxelles et Londres et mixé par Leo Abrahams ( qui a notamment travaillé avec Brian Eno, Paolo Nutini, David Byrne, Florence and The Machine…). A ceux qui s’interrogent sur le choix de son patronyme, il répond : « parce qu’Oscar évoque pour moi quelque chose de poétique et que The Wolf a à voir avec la lune ». La poésie et la nuit, sont en effet des thèmes qui imprègnent les chansons de cet artiste romantique et sombre. Confessant une égale passion pour les œuvres de Francis Bacon et le film de Luc Besson « Le Cinquième Elément », Oscar et ses solides musiciens créent des atmosphères à la fois baroques et futuristes. Portée par des mélodies qui alternent pop électro, R’n’B et ballades hypnotiques aux allures de cantiques, sa voix profonde a quelque chose d’envoûtant. Tout comme sa gestuelle singulière lorsqu'il évolue sur scène tel un derviche tourneur. Au Café de la Danse où il chantait il y a quelques jours, il a littéralement embarqué le public. Un public recueilli et enthousiaste qu'il ne fallait pas pousser beaucoup pour l'amener à danser sur « Strange Entity ». Un personnage étrange et fascinant qui n’a sans doute pas fini de nous surprendre…

Album « Entity » (Pias).
En tournée : le 25 juin au Festival Rock Werchter (Belgique), le 3 juillet au Montreux Jazz Festival, le 4 juillet aux Eurockéennes de Belfort, le 10 juillet au Festival Les Ardentes (Liège)…


20 févr. 2015

Les Franglaises en VF



(c) Victor Delfim
C’est une évidence, les  français (hormis la jeune génération) ne sont pas vraiment les champions lorsqu’il s’agit de s’exprimer dans la langue de Shakespeare !  Ce qui ne les empêche pas d’affectionner les tubes anglo-saxons qu’ils ânonnent en « yaourt » ou par cœur, sans en saisir toujours les subtilités ! Partant de ce postulat, Les Franglaises proposent l’un des spectacles les plus désopilants du moment. Le principe ? Traduire mot à mot en français quelques « morceaux choisis » en demandant au public de deviner de quelles chansons sont tirées des phrases aussi inoubliables que : « Je reste autour, de ville en ville, je garde l’esprit tranquille, je fais du très bon pain » ou encore « Bienvenue à l’Hôtel Californie. Oh ! quelle belle surprise. Ramène ton alibi ». 
On ne vous donnera évidemment pas les réponses car il faut absolument découvrir sur scène ces chanteurs, musiciens, danseurs, auteurs…menés par Yoni Dahan, une sorte de Maître de Cérémonie aux allures de G.O. On avoue tout de même un coup de cœur pour le très barré Quentin Bouissou, impayable notamment dans la peau de Michel Fils-de-Jacques (Michael Jackson). Quant à ses camarades de jeu, ils ne ménagent pas non plus leur énergie et leur talent pour offrir au public ce drôle de blind-test. Les Franglaises ont déniché leurs pépites dans les répertoires d’artistes et groupes tels que Les Scarabées (Les Beatles), Les Garçons de la Plage (Te Beach Boys), Guillaume Farelle (Pharrell Williams) ) Les Filles Epicées (Spice Girls) ou encore Les Petits Pois aux Yeux Noirs (The Black Eyed Peas). Les morceaux sont mis en scène avec des chorégraphies décalées, des effets spéciaux, des bruitages… Seul petit, mais alors très petit bémol, un final qui n’est pas tout-à-fait à la démesure de ce show déjanté.
Désormais, vous ne pourrez plus fredonner le fameux « Hello Goodbye » des Beatles sans savoir que vous répétez inlassablement : « Tu dis oui, je dis non. Tu dis stop et je dis va, va, va. Je ne sais pas pourquoi tu dis au revoir, je dis bonjour… ».
Annie Grandjanin
 
Jusqu’au 22 mai, du mercredi au samedi à 21 heures, mat. samedi à 16h30, à Bobino, 14/20, rue de la Gaîté, 75014 Paris. Tél. : 01.43.27.24.24. Places : de 22 à 52 €. www.bobino.fr

13 févr. 2015

Pascal Mary: un artiste à fleur de peau


« Me v’là enfin bien dans mes traces, avec mes sourires, mes grimaces, me v’là à l’aise dans mes godasses… » chante Pascal Mary au début de son spectacle « Tout compte fait »,  créé au festival off d’Avignon, l’été dernier, avec la collaboration artistique de Marina Tomé. 

(c) Bertrand Soubrier
Ses godasses, il les a traînées sur toutes les routes de France et de Navarre pour faire entendre ses chansons. Bon nombre d’entre nous ont d’ailleurs croisé son visage souriant à l’entrée des salles parisiennes où il distribue lui-même les flyers de ses concerts. Car cet auteur compositeur est un artisan, un passionné qui n’hésite pas à aller au devant du public.
Tendre, tourmenté, volontiers sarcastique, le timbre tour à tour puissant ou caressant, il fait vibrer toutes les cordes sensibles. Qu’il  nous invite à partager l’ennui des dimanches de son enfance, s’amuse de tous ces « j’aime » qui fleurissent sur les réseaux sociaux ou confesse son penchant pour la mélancolie et les hommes. On peut préférer son registre plus fantaisiste, comme son tube « Joyeux Noël » (qu’il annonce modestement), dans lequel sa verve et son humour caustique sont impressionnants. "Tout compte fait", Pascal Mary est un artiste à découvrir dans l'intimité de ce piano-voix.
Annie Grandjanin

Jusqu’au 31 mars, les lundis et mardis, à 20 heures, à l’Essaïon, 6, rue Pierre au Lard 75004 Paris. Tél. : 01.42.78.46.42. www.essaion.com


5 févr. 2015

Anne Baquet: un talent fou !

Après ses deux récitals « J’aurais voulu dev’nir chanteuse » et « Non, je ne veux pas chanter », Anne Baquet revient avec : « Cette nuit, c’est mon jour ». Une création ou plutôt une récréation dans laquelle elle affirme ses talents de chanteuse, de comédienne, de danseuse et un sacré grain de folie. Et son registre est aussi étendu que sa tessiture de soprano !

(c) Pascale Angelosanto
Dès l’entrée, elle apparaît, juchée sur un piano, enveloppée dans un immense voile blanc, genre cocon. Un cocon dont elle se défait pour se métamorphoser…en onze personnages complètement loufoques.En un peu plus d’une heure, elle se glisse ainsi dans la peau d’une diva russe carburant à la vodka, de Jason, un rockeur romantique, de deux bonnes copines (enfin pas si bonnes que ça !), d’une jeune fille rêvant de gloire, de profs de chant, de théâtre et de danse distillant conseils et préventions…
L’occasion pour ce pétillant bout de femme d’évoquer avec humour les affres de l’adolescence, les mères castratrices, le père absent (parti jouer les pères Noël !), les douleurs de l’apprentissage pour devenir une star…
Arborant veste de smoking et baskets, une tenue qui sied bien à une artiste qui navigue à contre-courant des modes, Anne alterne avec une égale maestria sketches et chansons. Elle a signé certains textes, avec la complicité d’auteurs comme Frank Thomas, Frédéric Zeitoun, Flannan Obé et les musiques sont de Juliette, Thierry Escaich,  Gounod ou encore Tchaïkovski. A ses côtés, le pianiste Damien Nédonchelle délaisse volontiers son clavier pour l’accompagner dans des tableaux délirants comme la parodie des « Parapluies de Cherbourg » (rebaptisés "Les parasols de Deauville").
« Pour être artiste, il faut mériter son tour de piste » clame l’un des personnages de « Cette  nuit, c’est mon jour ». Ses galons d’artiste, Anne Baquet les a gagnés depuis belle lurette. Mais, avec ce spectacle, elle confirme que l’on peut avoir un talent fou, sans se prendre au sérieux.
Annie Grandjanin

Jusqu'au 28 février, du jeudi au samedi, à 19h30, au Théâtre Essaïon, 6, rue Pierre au Lard, 75004 Paris. Tél. : 01.42.78.46.42. Places : 20 et 15 € (tarifs réduits).


3 févr. 2015

Les rêveries musicales de Pierre Faa

(c) Jay Alansky
Son nom fait penser à une note de musique qui se prolonge puis s’échappe pour prendre l’air. Comme une incitation au voyage et à la rêverie, à l’image de son deuxième album « Ginkgo Biloba » (un arbre très ancien dont on dit qu’il fut le premier à repousser après la catastrophe d’Hiroshima). 
Douze chansons aériennes, graves et légères, portées par des mélodies entraînantes, dans lesquelles cet auteur-compositeur (et arrangeur) raconte le temps qui accélère, les rivières qui prennent des détours pour trouver la mer ou les sortilèges de l’Asie. S’il faut chercher une filiation, on la trouvera peut-être du côté de William Sheller : « Je n’arrive pas à attraper un uniforme de travail, à être d’une famille ou d’une autre, mais je me reconnais dans sa manière d’exprimer, en douce, les sentiments. » confie-t-il.
Il y a chez Pierre Faa, une évidente et élégante pudeur lorsqu'il nous invite  à sa fenêtre pour découvrir  des « Statues qui dansent » (en duo avec Elisa Point), parle d’une « Porte » ouverte sur la beauté et le mystère, esquisse le portrait d'une "Parisienne" ou nous interpelle sur les grandes phrases toutes faites dans « Nébuleuse ». A l’écoute du morceau qui donne son titre à l’opus, on est intrigué par des bruits d’insectes. Vrais ou faux ? « En fait, c’est un mélange des deux. J’ai capté des sons sur internet et mon ami, le musicien japonais Yamori Kota s’est occupé des « insectes électroniques ».
Sur scène, il entrecoupe chaque chanson de quelques phrases décalées, notées dans un petit carnet. « Elles m’ont été inspirées par la lecture de magazines scientifiques. Je me suis amusé à faire des collages (il en a plus de 500 !). Je trouve que les chanteurs sont parfois trop sérieux".
 Avec son timbre feutré, Pierre nous transporte, comme en apesanteur, dans un univers à la fois joyeux, poétique et mélancolique qui nous fait oublier, l’espace de quelques morceaux, le chaos ambiant. Alors, même s’il chante avec une rare humilité, « Je n’attends rien », nous, on attend son prochain concert.
Annie Grandjanin

Le 28 avril, à 20 heures, en co-affiche avec Nicolas Vidal, à la Dame de Canton, Port de la Gare, 75013 Paris. Tél. : 01.53.01.08.49. www.damedecanton.com
« Ginkgo Biloba », distribution Sonic Rendez-vous (Hollande/export). Prochain EP (5 titres) à paraître courant avril.

16 janv. 2015

La grâce subtile et délicate d'Emma Solal

(c) Laurence Guenoun
« Françoise Hardy est une artiste qui m’a toujours accompagnée dans mes états d’âmes » confie Emma Solal en préambule de son spectacle « Messages personnels ». Des messages aux accents jazzy qu’elle délivre d’un timbre suave, accompagnée par deux musiciens : Paul Abirached (guitare) et Philippe Istria (percussions). L’ensemble dégage évidemment une certaine mélancolie, mais aussi des moments joyeux et légers. Dès les premières notes, on tombe sous le charme d’Emma Solal qui revisite des titres connus et moins connus comme « Le premier bonheur du jour », "Rêver le nez en l’air », « Fais-moi une place », « Effeuille moi le cœur », « Comment te dire adieu » (texte de Gainsbourg ), « Faire à nouveau connaissance » (écrit pour Diane Tell), « J’ai coupé le téléphone » ou encore « Mon amie la rose », qu’elle interprète a cappella, tout juste soutenue par quelques percussions… 
Hormis la lecture de phrases extraites du livre de Patrick Modiano « Dans le café de la jeunesse perdue », les commentaires entre les morceaux semblent presque superflus.  
On se souvient qu’à 23 ans, Françoise Hardy chantait déjà « Ma jeunesse fout le camp » avant d’abandonner la scène un an plus tard. L’exercice était donc périlleux car ses chansons sont rarement reprises. Mais, avec « Messages personnels », Emma Solal apporte à ce répertoire une grâce subtile et délicate. Un bonheur à goûter d’urgence, le soir, dans la salle intimiste La Bohème.
Annie Grandjanin

Jusqu’au 28 février, les mercredis et samedis, à 21 h 30, au Théâtre Les Déchargeurs, salle La Bohème, 3, rue des Déchargeurs. Tél. : 01.42.36.00.50. www.lesdechargeurs.fr


15 janv. 2015

Serge Hureau, l'alchimiste de la chanson



(c) Pascal Lafay
Le 17 décembre dernier, le Hall de la Chanson proposait une soirée exceptionnelle pour fêter sa première année d’installation dans l’ancien café des bouchers de la Villette. L’occasion pour Serge Hureau, le directeur, d’enfiler sa blouse blanche pour parler de son « laboratoire ».
Un laboratoire dans lequel, avec la complicité du talentueux Olivier Hussenet et de son équipe, ce drôle d'alchimiste analyse, réarrange et ressuscite des chansons du patrimoine. Soucieux de transmettre sa passion,  il enseigne également au Conservatoire National d'Art Dramatique, organise des conférences chantées, des stages, des concerts, des animations... 
Le Hall de la Chanson est un lieu unique en France, non ?
C’est vrai. Nous sommes des fondateurs. Il y a des opéras, des musées, la Comédie Française…mais il n’y avait pas encore de lieu pour la chanson.
Comment l’expliquez-vous ?
Comme c’est un objet populaire, étroitement lié au quotidien, on ne le considère pas comme quelque chose de rare, qu’il faut protéger. On a parfois noyé des trésors dans l’oubli. La chanson n’est pas considérée comme un objet de valeur de la part de ceux qui ont la charge de la culture et de l’éducation. Pour l’instant, les moyens que nous avons ne sont pas décents.
Contrairement à ce que l’on demande aujourd’hui aux jeunes artistes, vous défendez le statut d’interprète ?
Tout-à-fait car cela demande beaucoup d’humilité. Les interprètes représentent un peu le public d’une époque. Le grand malheur de la chanson, c’est qu’elle est souvent utilisée comme un outil commercial. Les médias fabriquent du culte, de la renommée. Nous, nous essayons de faire de la culture. Grâce à une chanson, on peut parler des rapports entre les hommes et les femmes, de la sexualité, de l’oppression, de l’inégalité…C’est un matériau d’éducation. On y apprend notamment comment les hommes s’adressaient aux femmes au XIIIème siècle. Nous avons d’ailleurs baptisé notre récent spectacle autour du répertoire de Nougaro « Sous ton balcon », pour rappeler qu’autrefois, les garçons chantaient en bas des fenêtres des filles.
Justement, Nougaro fait partie des artistes dont on ne revendique pas forcément l’héritage ?
C’est peut-être mieux pour lui. Cela redonne une certaine virginité à son répertoire. Certains de nos élèves ne le connaissaient pas et ils nous ont offert leur version, leur interprétation. Il ne suffit pas de se fier à la partition, il faut imaginer le résultat sur scène.
D’où votre attachement à l'idée de « laboratoire » ?
Nous nous  livrons à des expériences qui doivent donner des résultats très vite pour en faire la démonstration en public. C’est aussi notre cuisine : on cherche, on élabore, on sort le plat et on le partage avec le public !
Quel est donc le menu des prochaines semaines ?
Nous préparons « Le dernier des idiots ». Une création (le 21 février) dans l’esprit des cafés-concerts où chaque rôle est distribué en fonction des emplois : il y a le gommeux, la gommeuse, le chanteur et la chanteuse à voix ou encore l’idiot qui venait souvent de la campagne et que l’on confondait parfois avec le comique troupier. Nous reprendrons aussi  « Parade fauve » (le 30 janvier), « Fleur au fusil » (les 6, 7 et 8 mars), « On chantait quand même »( la chanson sous l'occupation). Et le 28 mars « Ma vie à l’envers » sur Réda Caire qui fut notamment le prof d’Yves Montand et dont la carrière a été occultée par celle de Tino Rossi. Ses chansons sont d’une beauté folle…
Nous avons également « Du Coq à l’âne », un spectacle de chansons pour les enfants. Mais, avec les récentes mesures de sécurité, ils ne pourront sans doute pas venir à la Villette. Nous prévoyons donc d’aller le jouer dans les écoles…

Propos recueillis par Annie Grandjanin

Hall de la Chanson, Centre National du Patrimoine de la Chanson, des Variétés et des Musiques Actuelles. Parc de la Villette, Pavillon du Charolais, 211 av. Jean-Jaurès, 75019 Paris. Infos et réservations : 01.53.72.43.01. www.lehall.com