17 nov. 2015

Caroline Loeb : "les années 80 étaient créatives, fondatrices et transgressives"

Chanteuse, comédienne, animatrice télé, réalisatrice, auteur de chansons, de chroniques ... Caroline Loeb n'est pas vraiment restée dans son doux cocon depuis le succès de "C'est la ouate" !
Entre deux représentations de son spectacle musical "George Sand, ma vie, son oeuvre" et la mise en scène du "Goujon Folichon" (tous deux à l'affiche du Théâtre du Marais), elle a même trouvé le temps d'écrire "Mes années 80, de A à Z".
Au fil des pages, elle y évoque l'ouverture du Palace, la naissance de la Fête de la Musique, l'âge d'or de la BD, l'aventure Canal +, l'arrivée du CD, la première émission consacrée au hip hop (présentée par Sidney), la chute du Mur de Berlin, le magazine Glamour, Madonna, la new wave, Andrée Putman, les radios libres, Michael Jackson, François Mitterrand, les défilés de Christian Lacroix ou de Jean-Paul Gaultier...
Un ouvrage passionnant, ludique et richement illustré, dont son complice Nols a assuré la direction artistique. Caroline, quant a elle a signé les textes et coiffé les casquettes de directrice de création et d'iconographe.

Résumer une décennie aussi foisonnante en moins de 200 pages, c'était un sacré pari, non ?
J'ai bien essayé de négocier pour obtenir davantage de place mais c'était compliqué. J'ai dû faire des choix...
(c) Richard Schroeder
Commencer par Isabelle Adjani pour terminer par Zouc, c'était aussi un choix ?
La forme abécédaire me semblait la plus évidente. Cela donnait un cadre et apportait quelque chose de ludique. Cela a permis quelques télescopages surprenants comme celui de Gorbatchev avec Chantal Goya !
Tu cites le magazine Actuel qui, dans un édito en 1979, prédisait: "les années 80 seront actives, technologiques, vigoureuses et gaies...".  Ce fut le cas ?
Moi, je dirais qu'elles étaient créatives, fondatrices, transgressives...
C'était le début des grands photographes, des stylistes de mode. Pour les artistes, il y a eu aussi la mise en place d'une reconnaissance et d'une organisation de nos métiers avec, notamment, la loi sur la copie privée. La Sacem est d'ailleurs partenaire de ce livre.
Elles ont aussi été marquées par le sida ?
Nous étions tellement en roue libre. Le sida est arrivé comme une grande gueule de bois. Je vois cela comme les Années Folles: nous dansions sur un volcan !
Comment as-tu procédé pour obtenir toutes ces illustrations ?
J'ai eu une chance incroyable. J'ai pu parler à des gens qu'aucun iconographe ne pouvait appeler et on m'a donné tout ce que je voulais. Cela m'a également permis de rencontrer Jean-Paul Goude que je ne connaissais pas.
Le succès de "C'est la ouate" ouvre encore des portes ?
Je fais ce que je fais malgré la ouate ! C'est vrai que ce titre me colle à la peau. Mais, sans lui, on ne m'aurait sans doute jamais proposé de faire ce livre.
Tu as volontairement occulté le "moi je" ?
C'est ma vision, mon regard sur les années 80. Mais je ne souhaitais pas user du "moi je". A chaque fois que j'ai pu le faire, j'ai fait relire les chapitres par ceux dont je parlais.
Ces dernières années, on surfe beaucoup sur la nostalgie ?
(c) Mondino

Ce n'est pas mon cas. Je n'ai pas du tout la nostalgie des années 80 ni de la personne que j'étais à cette époque. Je m'éclate beaucoup plus aujourd'hui quand je suis sur scène ou que je travaille sur mes projets...


"Mes années 80, de A à Z" (Éditions Vents de Sable), en librairie depuis le 13 novembre. Prix indicatif: 29 €
Caroline Loeb dédicacera son livre demain, mercredi 18 novembre, à partir de 19 heures à "l'Ecume des Pages" 174, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris.

12 nov. 2015

Stacey Kent: "Ma rencontre avec Roberto Menescal était inévitable"

(c) Diane Sagnier


Après avoir posé son timbre jazzy sur des succès de Barbara, Michel Jonasz ou Henri Salvador dans "Raconte-moi..." (2010) puis exprimé sa passion pour la bossa nova avec "The Changing Lights" (2013), Stacey Kent revient aux standards du "Great American Songbook"avec "Tenderly". Un album intimiste et lumineux, enregistré avec une légende de la musique populaire brésilienne, le guitariste, compositeur et arrangeur Roberto Menescal. Rencontre avec la plus internationale des chanteuses américaines, avant son concert parisien, le 12 décembre prochain, au Théâtre des Champs-Élysées et une tournée en France.

Le Brésil et vous, c'est une longue histoire d'amour, non ?
On peut vraiment dire que c'est une partie de moi, comme le fait d'être gauchère !
Cela remonte à l'époque où vous avez découvert l'album "Getz/Gilberto" ?
C'est l'un des premiers disques que j'ai écouté alors que j'avais 14 ans. On ne sait jamais pourquoi certains souvenirs restent ainsi gravés. J'étais fascinée par le rythme, la mélancolie...
Je viens d'une famille qui parle beaucoup. Moi, j'étais la plus calme mais je vivais tout de manière très intense. Et cette intensité, je l'ai retrouvée dans la musique brésilienne. J'ai eu un véritable coup de foudre !
Comme avec Roberto Menescal ?
Nous nous sommes croisés à Rio, lors d'un show qui célébrait le 80ème anniversaire de la statue du Christ Rédempteur. J'avais été invitée par Marcos Valle. Nous avons échangé nos adresses et entamé une longue correspondance. J'ai été surprise d'apprendre qu'il me connaissait et m'appréciait bien avant cette rencontre. Il est d'une autre génération et d'une autre culture mais nous partageons une même philosophie de vie. C'est un homme magnifique, d'une infinie sagesse. Notre rencontre était inévitable.
Il paraît que vous avez même appris le portugais de manière intensive ?
Je suis quelqu'un qui aime communiquer. Roberto ne parlant pas l'anglais nous n'aurions jamais eu cette qualité d'échanges. Il raconte plein d'histoires qui n'existent pas dans les livres. Avec lui, nous avons notamment évoqué la période du Tropicalisme. Pour les artistes brésiliens, la musique est quelque chose de très sérieux. Elle a contribué à la formation de l'identité nationale. Derrière certaines chansons d'amour il y avait en fait des déclarations contre le régime politique. Des années difficiles pour eux qui ont du faire le choix de rester ou de quitter leur pays. Cela nourrit aussi la tristesse...J'ai toujours été passionnée par l'apprentissage des langues. J'envisage prochainement de me mettre au suédois. Je suis attirée par la culture de ce pays et j'adore Ingrid Bergman.
Comment avez-vous procédé pour le choix des titres de "Tenderly" ?
Roberto n'avait jamais fait d'album de jazz même s'il adore cette musique. Nous avons privilégié les morceaux que nous pouvions interpréter de manière intimiste. Je crois que la seule qu'il ne connaissait pas était "If I'm Lucky".
D'où la belle musicalité de l'album ?
Je suis contente que vous disiez cela. L'idée était de mettre en valeur la pureté des chansons. Il y a juste Jim (son compagnon Jim Tomlinson) au saxophone et à la flûte, Jeremy Brown à la contrebasse et bien sûr Roberto à la guitare. Nous avons même renoncé à notre batteur que nous aimons beaucoup. Lorsqu'on a l'opportunité de jouer avec quelqu'un comme Roberto, il faut faire comme lui: approcher chaque note avec amour.
Un journaliste a écrit à votre sujet: "Stacey a une voix de lumières tamisées". Cela vous inspire quoi ?
Attendez, je cherche ce que cela veut dire ! (elle pianote sur son portable). Je trouve cela très joli. Vous savez, quand j'étais plus jeune, je chantais plus fort mais j'ai arrêté quand j'ai découvert ma personnalité musicale. C'est important de se connaître quand on est artiste, d'éviter la démonstration. C'est ma manière de grandir. De la même manière, je suis contente d'avoir rencontré Menescal tardivement.
C'est-à-dire ?
Il y a un auteur portugais qui me bouleverse, c'est José Saramago. Il disait qu'il était content d'avoir développé son métier à un âge avancé. Parce qu'il s'agissait de ses écrits les plus significatifs. Si j'avais rencontré Roberto, il y a dix ans, notre complicité aurait peut-être été moins forte. J'ai l'impression que je le mérite plus aujourd'hui.
Vous êtes impatiente de revenir chanter en France ?
Comme avec le Brésil, j'ai une longue histoire d'amour avec la France. J'ai grandi avec la musique de Léo Ferré grâce à mon grand-père. C'est agréable d'être en studio, mais cela reste un peu superficiel. Se produire sur scène, c'est autre chose. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé à chanter. Pour cette conversation avec le public...


Album "Tenderley" (Okeh/Sony Classical and Jazz), disponible le 13 novembre prochain.
En concert, le 12 décembre, à 20 heures, au Théâtre des Champs-Elysées, 15, avenue Montaigne, 75008 Paris. Tél.: 01.49.52.50.50. Places: de 5 à 65 €. http://www.theatrechampselysees.fr/
Tournée 2016:  le 7 avril à St Priest, le 13 avril à Limoges, le 30 avril au Mans, le 7 mai à Levallois Perret, le 11 mai à Carcassonne, le 13 mai à Perpignan, le 19 mai à la Cigale, les 26 et 27 mai à Bordeaux...