23 déc. 2018

L'itinéraire lumineux de Christina Rosmini

(c) Franck Harscouet
Il y a quelques jours, le public parisien de l'Alhambra a pu applaudir Christina Rosmini dans le spectacle musical "Tio, itinéraire d'une enfant de Brassens" (créé en juillet  2017 au Festival off d'Avignon), habilement mis en scène par Marc Pistolesi. 
Dès les premières minutes, on la découvre une valise à la main, habillée comme un garçon. Accompagnée de deux solides musiciens Bruno Caviglia (guitares) et Xavier Sanchez (percussions) elle raconte l'arrivée en France de ses grands-parents italiens, espagnols et corses. 
Une histoire d'exil certes, mais aussi de découvertes qui passent par la musique et la poésie, "tricotée" (selon son expression) en puisant dans les textes, les chansons, les lettres, les interviews et le journal intime de Brassens. 
Pour illustrer son propos, Christina a réalisé un véritable travail d'orfèvre, un petit bijou dont les facettes nous révèlent tour à tour ses talents de chanteuse, de conteuse, de musicienne, de comédienne, sa grâce de danseuse...
On ne parlera pas d'hommage avec ce qu'il peut avoir de  compassé mais plutôt d'un clin d'oeil malicieux et joyeux à Tonton (Tio) Georges. Et il ne s'agit pas davantage de reprises car cette belle artiste emmène véritablement les chansons dans son univers, les habillant de mots en espagnol, de rythmiques métissées, du soleil de son enfance à Marseille. 
Le coeur léger et l'esprit curieux, on la suit à "La chasse aux papillons" au son du "Petit joueur de flûteau",  on se rafraîchit "Dans l'eau de la claire fontaine" avant un détour par "Saturne" ou "Gastibelza" avant de se laisser envoûter par sa version très inspirée de "Je vous salue Marie"...
(c) Paul Evrard
Un itinéraire lumineux pour cette enfant de Brassens. 
Une enfant espiègle, touchante, rieuse et tout-à-fait légitime pour mettre ses pas dans ceux de l'auteur de "J'ai rendez-vous avec vous".   

En tournée cet été au Festival d'Avignon,
du 5 au 30 juillet 2019, à 17 heures, au Théâtre Le Cabestan, 11 rue Collège de la Croix, 84000 Avignon. Tél.: 04.90.86.11.74. 

9 déc. 2018

"J'ai des doutes": un spectacle pélillant d'intelligence et d'humour

 François Morel tient une place particulière dans le coeur de chacun d'entre nous. Un peu comme un grand frère que l'on suit les yeux fermés, parce qu'il nous promet toujours de belles et passionnantes aventures. Sa poésie, sa générosité et la clairvoyance de son regard sur la société en font l'un des comédiens et chroniqueurs les plus attachants du moment.
On le présente volontiers comme le digne héritier de Bourvil avec qui il partage le don de nous émouvoir et de nous faire rire.
Alors lorsqu'il met toutes ces qualités (et il n'a pas fini de nous surprendre !) au service d'un "monument" comme Raymond Devos, on peut s'attendre à tutoyer les sommets !
Avec "J'ai des doutes", François Morel nous invite à le suivre dans l'univers du maître de l'absurde, des paradoxes et des jeux de mots. Pas question pour autant d'endosser le fameux costume bleu ciel car si le comédien marche dans les pas du colosse franco-belge, il ne cherche jamais à l'imiter.
Une escapade, tendre et joyeuse, qui débute justement dans les cieux lorsqu'il campe Dieu pour interpeller Saint-Pierre sur un tonitruant : "Je m'ennuie, convoquez-moi Devos !"
(c) Giovanni Cittadini Cesi
L'occasion de retrouver des morceaux savoureux comme "Caen", "Sens dessus dessous", "Mon chien c'est quelqu'un", "J'ai des doutes"  ou "Je hais les haies" dont le texte défile sur un écran, en fond de scène. Entre deux sketches, il nous régale de chansons courtes, donne la réplique à son facétieux complice, le pianiste (et compositeur) Antoine Sahler, nous rejoue des séquences du fameux Grand Échiquier de Jacques Chancel, avec une marionnette...
Plus qu'un hommage à celui qui affirmait : "le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter", François Morel propose ici un spectacle pétillant d'intelligence et d'humour.
Sans doute, l'un des plus réjouissants de cette fin d'année.

Jusqu'au 6 janvier 2019, à 18h30 (relâche les lundis, les 9 et 25 décembre et le 1er janvier et représentation du dimanche 6 janvier à 15h, au Théâtre du Rond-Point, salle Renaud-Barrault, 2 bis, avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris. Tél.: 01.44.95.98.21. Prix: 38 € et tarifs réduits de 12 à 28 € (sur justificatifs).
 http://www.theatredurondpoint.fr/

12 nov. 2018

Une exaltante "vie de pianiste"

(D.R.)
Faire ses premières gammes dans la Roumanie de Ceaucescu n'est pas forcément le plus sûr chemin pour intégrer le Conservatoire National de Paris !
Avec "Une vie de pianiste", joyeusement mise en scène par sa complice Agnès Boury, Paul Staïcu nous raconte, en musique, son parcours atypique.
"Bienvenue dans la Ceauceschool" proclame-t-il en ouverture de ce spectacle où humour et virtuosité se conjuguent sans fausse note.
En évoquant l'école classique sous un régime où la culture était loin d'être une priorité, son évasion rocambolesque, sa mère bloquée à Bucarest, sa découverte inavouée du jazz, l'obtention de l'asile politique... Paul Staïcu aurait pu nous tirer les larmes. Un peu comme un roman de Dickens, version roumaine ! Mais l'artiste se garde bien de jouer sur ce registre.
"Je kiffe" répète cet incorrigible optimiste tout au long de ce seul en scène. Et on kiffe avec lui tant sa passion et son énergie sont communicatives. Un maestro capable de jouer dans le noir complet et qui, entre deux confidences, interprète sur un double clavier des morceaux de Prokofiev, Elton John, Boney M, Eroll Garner, Oscar Peterson, Bobby Mc Ferrin, Led Zeppelin, Chopin...
Au passage, il nous régale aussi d'une séquence rap, imite la posture de Ray Charles, joue le générique de Dallas, une série qui lui a permis d'apprendre l'anglais ou se livre à de savants calculs sur le pourcentage de mélomanes qui abandonneront l'apprentissage en cours de route.
Le visage et le jeu de Paul Staïcu sont bien connus du public puisqu'il a tourné avec "Duel Opus 1 et 2" durant une quinzaine d'années. Un duo dans la veine frondeuse du Quatuor ou de La Framboise Frivole. Leur credo ? Mettre leur art (récompensé par de prestigieux diplômes) au service du rire et de la fantaisie. Le tout, sans partition, évidemment.
A l'issue de ce show (qui passe bien trop vite), plutôt que le sempiternel "si vous avez aimé dites le à vos amis.." Paul Staïcu invite les spectateurs à lui envoyer, via les réseaux sociaux,  une photo avec leur instrument préféré. Pas sûr que l'on retrouve la flûte remisée dans un placard depuis belle lurette, mais cette belle et exaltante vie d'artiste nous donne indiscutablement envie de (re)faire de la musique !

Chaque mardi, à 21 heures, jusqu'au 18 décembre 2018, à la Comédie Bastille, 5, rue Nicolas Appert, 75011 Paris. 
Tél.: 01.48.07.52.07. Prix: 27 et 32 € (- de 26 ans à 10 €).
http://www.comedie-bastille.com/

8 nov. 2018

Charlotte Valandrey: "L'important, c'est d'avoir de belles partitions".

On se souvient de son pétillant minois dans "Rouge baiser", le film de de Véra Belmont. A l'époque, elle a tout juste 16 ans et les rêves d'une jeune fille de son âge. Comédienne pour le cinéma, la télévision et le théâtre, auteur de plusieurs ouvrages évoquant son long et douloureux combat contre la maladie et un coeur trop fragile, Charlotte Valandrey s'est toujours accrochée à ses rêves... Celui d'être chanteuse notamment, qu'elle concrétise avec un premier EP aux sonorités pop, dont elle fêtera la sortie officielle, le 29 novembre prochain, au Zèbre de Belleville, le jour de ses cinquante ans !
Des chansons graves et légères qui parlent de la Bretagne de son enfance, de cinéma, de ses luttes quotidiennes et de ces petits et grands bonheurs qu'il faut prendre le temps de savourer.
Rencontre avec une artiste sensible et émouvante, impatiente de retrouver la scène.

Lors d'une interview, vous avez confié que si le cinéma n'était pas venu vous chercher, vous auriez été chanteuse ?
C'est vrai que c'était mon rêve lorsque j'étais adolescente. A l'époque, dans ma famille, le projet était de faire polytechnique. J'ai fait du cinéma pour échapper à cela.
On a parfois oublié votre présence dans le clip "As The World Falls Down" de David Bowie ?
Sans doute parce qu'il n'est quasiment pas connu en France. Il m'avait remarquée dans le film "Rouge Baiser". Je suis allée à Londres pour le tournage. Et je suis vite rentrée à Paris pour retrouver mon amoureux. Mais je peux dire que j'ai fait un clip avec David Bowie !
C'est aussi par amour que vous avez laissé passer l'occasion de travailler avec Serge Gainsbourg ?
En fait, lorsqu'il a proposé de m'écrire des chansons, je ne le connaissais pas bien. Je ne savais pas vraiment ce qu'il représentait. Avec le recul, je me dis qu'il avait peut-être décelé quelque chose en moi. Et que  j'aurais pu enregistrer l'album de Vanessa Paradis !
Vous n'avez pas de regrets ?
C'était une période où j'étais un peu livrée à moi-même. Je me souviens qu'à 20 ans, je rêvais d'en avoir 50. Je suis bien plus sereine aujourd'hui.
Vous avez écrit plusieurs ouvrages. Pourquoi pas les textes de vos chansons ?
Ce n'était pas ma priorité. Je me considère comme une interprète. J'ai eu la chance de croiser quelqu'un qui m'a cernée au point que les gens sont persuadés que les mots viennent de moi ! L'important, c'est d'avoir de belles partitions. Avec la musique, je me fais plaisir. J'ai passé 15 ans à me sortir de l'enfer. Quand les gens viennent me voir après un concert je me sens portée par leur bienveillance. J'ai débuté au Nez Rouge (une péniche amarrée Quai de l'Oise, dans le 19e) et, avec mes trois musiciens, nous avons déjà assuré une quinzaine de dates. Lorsque je chante, je ne joue pas un rôle. S'il y a une chose qu'on ne peut pas m'enlever, c'est ma spontanéité ! Je n'ai jamais pris de cours de chant mais j'apprends chaque soir, je trouve mes marques. Mon rêve serait de partir en tournée et de me produire dans des petites salles un peu partout en France.
En parlant de vous produire, c'est vous qui assurez le financement de ce disque, non ?
C'est vrai.Ce serait flatteur de trouver quelqu'un qui souhaite partager la production. Être sa propre productrice, c'est prendre des risques mais c'est aussi une grande liberté.
Celle peut-être de vous mettre un soir au piano ?
Ma mère était pianiste et, si l'aventure continue, je pourrais bien me laisser tenter.
Vous envisagez d'abandonner votre carrière de comédienne ?
Pour l'instant, je ne me pose pas la question. Je profite de l'instant présent...

Le 29 novembre 2018, à 20h30, au Zèbre de Belleville, 63, boulevard de Belleville, 75011 Paris. Tél.: 01.43.55.55.55. Prix des places: 20 €. www.lezebre.com

26 oct. 2018

Foé: un artiste en phase avec son époque

(c) Louis Canadas
Depuis la sortie de son premier album "Îl", au printemps dernier, Foé ne cesse d'alimenter les pronostics des médias.
Son flow qui le situe entre Stromae et Gaël Faye, son timbre étonnamment grave, capable de s'épanouir dans des envolées vocales quasiment lyriques sont déjà impressionnants. Ajoutez à cela une densité et une maturité dans l'écriture et la composition assez inattendues chez un garçon de tout juste 21 ans... et il n'en faut pas davantage pour ouvrir les paris sur son avenir artistique. Et, histoire de nourrir encore un peu le personnage, son nom de scène lui aurait été inspiré par Daniel Defoe, l'auteur britannique de "Robinson Crusoé".
Quant à son répertoire, bien malin celui qui aurait l'idée saugrenue de le faire entrer dans une case !
Pop, chanson, hip hop, électro ? Foé picore dans les multiples inspirations qui passent à sa portée. "Je m'arrive pas à m'inscrire dans un style. Je pense que c'est ça qui fait que différentes personnes arrivent à aimer mes chansons. Cette caractéristique peut faire ma différence aujourd'hui" expliquait-il récemment dans une interview.
Pour sa première date parisienne, le 17 octobre dernier, au Café de la Danse, le public a eu une sacrée surprise en découvrant Vianney, venu seul avec sa guitare pour interpréter quelques titres, en début de soirée ! "Je suis honoré d'assurer sa première partie" a confié l'auteur de "Je m'en vais".
Dans un décor stylisé, sensé représenter la chambre dans laquelle il a concocté les chansons de l'album, Foé évolue sur scène avec l'énergie de sa jeunesse. Entre rythmiques digitales et mélodies sophistiquées jouées sur son drôle de piano (rapporté de Toulouse), il passe des accents protecteurs de "Bouquet de fleurs", une chanson écrite pour sa petite soeur, au touchant "Mommy", au lyrisme envoûtant, entre rap et mélopées orientales, de "Nuria", aux interrogations de "Alors Lise", l'histoire d'un garçon qui s'est fait larguer pour une fille...
En rappel, il offre également une relecture inspirée du "Coup de soleil" de Richard Cocciante. De quoi faire encore grimper la température dans la salle... qui était pourtant à son maximum !
A l'instar de Tim Dup ou Eddy de Pretto, Foé semble rallumer, auprès des jeunes, une certaine flamme pour la chanson française.

En concert le 17 novembre 2018 au Cargo de Nuit à Arles, le 27 novembre à Cebazat (Le
Sémaphore), le 1er décembre au Charabia Festival de Reims, le 6 décembre au Trianon Transatlantique de Rouen, le 7 décembre au Café de La Marine de Sotteville-Lès-Rouen... 

18 oct. 2018

Nina Papa: "sans mes musiciens, je n'existerais pas".

(c) Jc Pouget
Elle est brésilienne mais cela fait quelques années déjà qu'elle a choisi de poser ses pénates dans la ville de Nice. C'est d'ailleurs dans les clubs de la Côte d'Azur que les amoureux de la bossa-nova ont pu apprécier cette belle interprète dans des reprises de Tom Jobim,  Gilberto Gil ou Vinicius de Moraes.
Après un premier album dans lequel elle rendait hommage à ses illustres aînés, Nina Papa vient de sortir "Evidência" dont elle a signé la plupart des textes. Douze titres qui balancent entre jazz et sonorités brésiliennes,  enregistrés avec un solide combo de musiciens (Marc Peillon à la contrebasse, Cédric Le Donne et Alain Ruard à la batterie, Franck Le Donne aux percussions), et la complicité de la compositrice et pianiste Béatrice Alunni, de l'inventif saxophoniste alto Baptiste Herbin et du grand batteur André "Dédé" Ceccarelli.
Outre "Evidência" qui donne son titre à l'opus, on craque littéralement pour le bienfaisant "Vento", le tourbillonnant "Férias", "Agora"... sans oublier une version aussi enlevée qu'originale de "La Javanaise" de Gainsbourg.
Rencontre avec une artiste solaire, quelques jours avant son concert parisien au Studio de l'Ermitage, le 24 octobre prochain.

Ton premier album est sorti en 2005 et celui-ci il y a quelques jours. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
En fait, je n'ai jamais cru que c'était important de faire un album ! Il fallait que je rencontre les bonnes personnes et que je me sente prête.
Que cela apparaisse comme... une évidence ?
Tout-à-fait. C'était le bon moment pour moi.
Peux-tu nous parler de ta rencontre avec Béatrice Alunni ?
Elle était ma prof de solfège il y a deux ou trois ans. Avec elle, je me suis tout de suite sentie à l'aise. Elle a composé quasiment toutes les musiques des chansons originales de l'album (sauf "Easy Road", musique de Marc Peillon et "Brincar de amor"musique de Nina). La veille de l'enregistrement en studio, elle est arrivée avec la chanson "Ces mots pour toi" qu'elle a écrite en pensant à son amoureux ! C'est aussi elle qui a imaginé les arrangements sur "La Javanaise".
As-tu songé à d'autres reprises en français ?
Sur l'album, j'interprète également "Plus fort que nous" de Francis Lai, une chanson extraite du film "Un homme et une femme" de Claude Lelouch. Et, dans mon premier album il y avait "De t'avoir aimé" de Charles Aznavour. Mais j'avoue que chanter du Gainsbourg me faisait un peu peur. "La Javanaise" est une chanson tellement sensuelle et marquée par son auteur. J'aime la chanson française et des artistes comme Brel, Nougaro... Mais j'adore aussi "Happy" de Pharrell Williams.

Tu retournes parfois au Brésil ?
Je suis partie à l'âge de 19 ans mais j'essaie d'y retourner au moins une fois par an. Mes frères et mon oncle sont musiciens. J'ai débuté au Brésil dans une chorale. J'ai commencé à chanter des oeuvres de Villa-Lobos ou des airs d'opéra comme "La Bohème" de Puccini.
Sur scène, tu présentes tes musiciens en affirmant que, sans eux, tu n'existerais pas ?
Je ne suis pas musicienne. Je me vois plus comme une interprète et j'aime ça. Alors, sur scène, j'ai vraiment besoin d'eux. Ils sont devenus ma famille.
Une famille qui s'est agrandie avec l'arrivée du saxophoniste alto Baptiste Herbin ?
Je l'ai rencontré grâce à un docteur qui vit à Nice. Il aide les musiciens en les invitant régulièrement chez lui. J'y ai croisé Baptiste un dimanche... et le lundi, il était en studio avec nous ! C'est un artiste qui a vraiment quelque chose en plus. Il respire la musique...

- Album "Evidência" (Distribution Socadisc), disponible depuis le 28 septembre 2018
En concert le 24 octobre 2018, à 20h30, au Studio de l'Ermitage, 8, rue de l'Ermitage, 75020 Paris.
Tél.: 01.44.62.02.86. Prix: 15 € (13 € en prévente). http://www.studio-ermitage.com/

30 sept. 2018

Pierre-Yves Duchesne: "Plus jeune, je rêvais d'un lieu comme AICOM"

Pierre-Yves Duchesne
En 2004, il avait créé avec quelques amis et artistes l'Académie Internationale de Comédie Musicale (AICOM), la première école en France permettant à des jeunes de se former, dans un même lieu,  au chant, à la danse et au théâtre.
Des élèves (Les Aicomiens) dont certains intégreront des productions à succès comme "Le Roi Lion", "Cabaret", "Grease", "Un Violon sur le toit", "Résiste", "Mamma Mia !"... La renommée des cours dispensés est telle que Pierre-Yves Duchesne doit songer à déménager. C'est maintenant chose faite puisque le Campus AICOM (d'une superficie de 1500 m2) vient d'ouvrir ses portes à Créteil, dans le quartier où a été donné le coup d'envoi officiel du Grand Paris.
Rencontre avec un homme passionné...et pressé puisque, entre deux répétitions d"Il était une fois... Broadway" ( bientôt à l'affiche du Palais des Congrès), Pierre-Yves Duchesne s'envole pour l'Australie où il met en scène la version anglophone de "Madiba".

Le terme académie, c'est une référence à vos origines belges ?
Tout-à-fait. Cela n'a rien de pompeux; Chez moi, en Belgique, c'est ainsi qu'on désigne l'espace où on apprend les bases de la musique.
Lors de la présentation, vous avez dit que, lorsque vous étiez plus jeune, vous auriez rêvé d'un lieu comme AICOM ?
A l'époque, tout était plus compliqué. Les disciplines comme la danse, le théâtre et le chant étaient enseignées séparément, dans des endroits différents. Et, hormis, le temps passé à courir de l'un à l'autre, cela coûtait évidemment plus cher. J'ai vite réalisé que le bon réflexe était de se polyformer avant l'heure.
Pourquoi à Paris ?
J'avais commencé à faire quelques trucs en Belgique et je rêvais de conquérir la capitale !
Vous avez débuté dans l'opérette, non ?
J'ai toujours considéré que lorsque je chantais dans la "Veuve Joyeuse" ou "La Vie Parisienne", c'était déjà de la comédie musicale !
Vous avez aussi été le premier artiste francophone à obtenir le rôle-titre du "Fantôme de l'Opéra" ?
Oui, c'était à Hambourg. J'ai aussi chanté dans "Les Misérables"à Mogador et à l'Opéra de Bonn, dans "Titanic" (Opéra de Liège et Avignon), "Cats" (à Mogador)... J'aime l'idée de transmettre ce que j'ai appris.  Quand je pense que je vais être prochainement sur scène avec mes poulains, je suis très fier !
Pouvez-vous nous parler de ces deux spectacles dont vous assurerez la direction artistique ?
Il s'agit de "Il était une fois...Broadway" qui reprend des classiques de la comédie musicale (Les Misérables, Grease, West Side Story, Cabaret,  Le Fantôme de l'Opéra...), avec 100 choristes, 60 musiciens et des invités comme Liane Foly et Hélène Ségara. Et aussi "Clémenceau, le musical".
Trois représentations seulement, ce n'est pas un peu frustrant ?
Pas du tout. Quand j'ai "accouché" d'un spectacle, que ce soit pour 2 ou 100 représentations, je ressens toujours le même plaisir.
Ce ne sont pas vos seuls projets ?
En effet. Je pars à l'autre bout du monde pour la mise en scène de "Madiba" qui sera en tournée en Australie pour 150 dates. D'autres sont prévues en Afrique du Sud, à Londres... Outre des partenariats d'AICOM avec l'Allemagne, l'Italie et le Canada, nous allons ouvrir une antenne au Québec avec le soutien de Lara Fabian. Et enfin, je sors d'un tournage de 10 jours pour une émission de télévision qui passera sur une chaîne nationale. Mais je ne peux pas encore vous confier son nom...

Campus AICOM, 10, rue Albert Einstein, 94000 Créteil. Tél.:01.45.23.52.69. site: http://www.aicomparis.com/
- "Il était une fois... Broadway", le 6 octobre à 16h et 20h30 et le 7 octobre 2018, à 16h, au Palais des Congrès, 2, Place de la Porte Maillot, 75017 Paris. Places: de 39 à 115 €. Réservation au 08.92.05.00.50.  et sur http://www.viparis.com/
Pour cause de succès, une date supplémentaire est d'ores et déjà prévue le 25 janvier 2019 !
- "Clémenceau", le 10 novembre à 16h et 20h30 et le 11 novembre 2018 à 15h. Places: de 39 à 78 €.

23 avr. 2018

Louis Arlette: "Pour moi, l'artiste à un rôle d'observateur"

(c) Laurent Seroussi
Rock dans la forme et chanson sur le fond, avec une bonne dose d'électro, "Sourire carnivore", le premier album de Louis Arlette dégage une énergie intense, rebelle à tout formatage. A 32 ans, cet auteur-compositeur, qui a suivi de classiques études de violon et piano, est loin d'être un novice. Il a multiplié les expériences et collaborations artistiques, notamment comme violoniste au sein d'un orchestre de musique de chambre ou avec Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, du groupe Air.
Féru de machines et de culture anglo-saxonne, il confesse également une véritable passion pour la chanson française et des auteurs comme Proust ou Victor Hugo.

Vous semblez baigner dans la musique depuis toujours. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour sortir ce premier album ?
J'ai passé une dizaine d'années en studio à bosser pour les autres. J'avais besoin de m'abreuver, de me nourrir encore, même si j'avais déjà la volonté de m'enregistrer moi-même.
Outre les textes et les musiques, vous avez également assuré la réalisation, le mixage, les claviers, la programmation... C'était important pour vous ?
Même si je ne peux pas tout maîtriser, j'ai besoin d'avoir une vision globale, une liberté totale. C'est l'avantage d'être indépendant et de prendre son temps. Ma démarche pourrait s'apparenter à celle d'un peintre dans son atelier.
Un peintre dont la palette présente des couleurs assez sombres, voire engagées comme dans la chanson "Le naufrage"
C'est vrai que mes textes sont assez tourmentés, mais il y a quand même des portes de sorties ! Pour moi, l'artiste a un rôle d'observateur. Derrière un bon morceau, il doit y avoir un message.
Chanter en français, c'est une forme de résistance ?
Pas forcément, mais je trouve qu'il y a un vrai complexe vis-à-vis du français. Pour moi, cela a du sens de s'exprimer dans sa langue. D'autant plus que je la trouve très musicale. En ce qui me concerne, je vise davantage la sincérité qu'une possible carrière internationale...
En concert, vous reprenez d'ailleurs "Je suis un soir d'été" de Brel , un titre qui n'est pas le plus connu de son répertoire ?
Je n'avais pas envie de m'attaquer à quelque chose de vu et revu. J'aime bien l'idée que les gens puissent l'entendre pour la première fois. 

Il paraît que vous avez été bouleversé en écoutant Didier Lockwood ?
J'ai été violoniste dans un orchestre de musique de chambre. C'est un beau souvenir. Nous avons fait plusieurs tournées dans les pays d'Europe de l'Est. Mais j'avoue que lorsque j'ai vu Lockwood en concert, j'ai été fasciné par son violon électrique. Au point que j'en ai acheté un aussitôt.
Vous jonglez volontiers entre la modernité et une certaine forme de classicisme, non ?
On est héritier d'un passé. J'ai toujours eu un goût prononcé pour la littérature classique romantique. J'estime que les auteurs donnent souvent des clefs. Alors je prends des notes et peut-être qu'un jour jour, j'aurai le courage de m'isoler et d'en faire quelque chose....

Album "Sourire carnivore" (Le Bruit Blanc/Wagram)
En concert: le 3 mai 2018 au Pop-Up du Label (12 rue Abel, 75012 Paris), le 25 mai à Valenciennes, le 26 mai à Vincennes (Festival de la Jeunesse), le 29 mai à l'International, le 16 juin à Guyancourt...








26 mars 2018

Tristan Lopin: addiction assurée !

(c) Thomas Braut
Dès l'entrée dans la salle, Tristan Lopin  accueille le public avec un grand bocal de confiseries. Une invitation à goûter la douceur des bonbons, des saveurs plus acidulées ou des friandises un peu dures qui réveillent des petites douleurs occultées. Une palette de sensations, à l'image de son spectacle "Dépendance affective", mis en scène par Yoann Chabaud.
La force de ce jeune humoriste est de passer d'un humour corrosif à de grands élans de tendresse, de la franche rigolade à des instants touchants, avec un égal talent. N'hésitant pas au passage à appuyer, sans vulgarité, sur les zones encore sensibles. Et même s'il confesse "moi j'aime les garçons", chacun d'entre nous se retrouve à coup sûr dans ses déboires amoureux et ses illusoires retrouvailles.
Une quête ponctuée de délirantes considérations sur l'apport des chansons de Céline Dion pour accompagner les soirs de déprime, l'éducation des enfants, l'utilité de posséder un extracteur à jus ou l'inévitable déception qui suit le réveil auprès d'un  dénommé Kevin. Si en prime, il arbore un marcel et une gourmette en or avec son prénom gravé, la déconfiture est consommée !
Entre deux sketches et pas de danse suggestifs, cet incorrigible romantique se console en puisant goulûment dans un pot de Nutella. Un remède nettement plus efficace qu'une insipide salade de fruits.
Généreux et attentif, il joue aussi le rôle du confident auprès de sa copine déprimée. Une copine guère mieux armée lorsqu'il s'agit de débusquer son prince charmant !
En un peu plus d'une heure, Tristan Lopin nous embarque dans un énergique tourbillon d'émotions et de rires dont on ressort avec une  addiction assurée !

Jusqu'au 22 juin 2018, les mardis et mercredis à 21h15, à la Comédie de Paris, 42, rue Pierre Fontaine, 75009 Paris. 
Tél.:  01.42.81.00.11. Infos et réservations sur le site http://www.comediedeparis.com/

28 févr. 2018

Le spleen flamboyant de Pierre Lapointe

(c) John Londono

Soyons clairs, malgré une homonymie avec notre célèbre chanteur de Pézenas, le répertoire de Pierre Lapointe n'est pas franchement à se rouler par terre de rire, même s'il n'a pas son pareil pour entrecouper ses chansons de considérations aussi drôles qu'insolites. Reconnu depuis une quinzaine d'années de ce côté-ci de l'Atlantique, cet auteur compositeur québécois s'est forgé une solide réputation en faisant rimer désamour avec toujours (ou presque !).
Avec lui, la carte du tendre prend mille et un détours pour nous emmener dans les sombres sentiers de "La forêt des mal-aimés" (son troisième album), nous faire découvrir l'histoire d'un mutant dans sa quête du bonheur ("Mutantès")... tout en affichant sa passion pour la pop, la littérature et les arts visuels.
Hasard du calendrier ou boutade digne de ce facétieux dandy, sa tournée a fait escale à la Cigale les 13 et 14 février derniers. Et passer la soirée de la Saint-Valentin avec ce poète du spleen, aussi flamboyant soit-il, aurait pu décourager les moins aguerris. Mais les deux concerts affichaient complets. Il faut dire qu'un artiste qui écrit : "...nous sommes deux rois, deux étalons fous, plus forts que tout. L'amour flotte dans la pièce, comme une messe, comme un vent doux. L'amour est un spasme qui grise et embrasse la vie..." a de quoi faire chavirer les coeurs.
Car outre un timbre prenant qui joue plus sur le registre de l'émotion que sur celui de la démonstration, la force et le talent de Pierre Lapointe est aussi de savoir débusquer les petits et grands travers de l'humain, les tourments de l'amour, pour en faire des chansons lyriques et bouleversantes, redoutables de cynisme parfois.
(c) John Londono
Constitué de titres extraits de ses deux derniers albums "Paris tristesse" et "La science du coeur" (enregistré notamment avec les cordes de l'Orchestre Symphonique de Montréal), le spectacle présente une oeuvre dense dans laquelle il met en musique (avec la complicité de David François Moreau) la moindre de nos pulsations défaillantes. Et lorsqu'il chante "Je t'écris cette chanson comme une lettre, une carte postale que tu liras peut-être, une photo qui j'espère mettra un peu de lumière sur les restes de nos joies...", on sent poindre juste ce qu'il faut d'espoir et de tendresse, pour ne pas sombrer dans une vaine mélancolie...

album "La science du coeur" (Columbia/Sony Music) sorti en octobre 2017
En tournée: le 9 avril 2018 au Havre (Le Tetris), le 10 avril à Sotteville Les Rouen (Festival Café de la Marine/Le Trianon Transatlantique), le 11 avril à Bruxelles (La Madeleine), le 13 avril à Genève (L'Alhambra/Voix de Fête), les 19 et 20 avril à Rennes (Festival Mythos /L'Aire Libre), le 29 juin à Toulouse (Théâtre Sorano), le 22 octobre à Paris (Salle Pleyel)...

12 févr. 2018

Ben l'Oncle Soul groove sur les succès de Sinatra

(c) Quentin Curtat
Après un concert sold out au Trianon en avril dernier, Ben l'Oncle Soul était salle Pleyel, vendredi soir, pour présenter les titres de l'album "Under My Skin" en hommage à Frank Sinatra (voir interview sur ce blog le 4 novembre 2016).
Toujours audacieux et décalé, on se souvient que le chanteur d'origine caribéenne avait rencontré un franc succès avec sa soul française. Cette fois, il a choisi de s'attaquer au répertoire d'un véritable monument !
Accompagné par un efficace combo de musiciens, le "Black Moon Band" (platines, guitares électriques, batteries, cuivres...), il évite le piège d'une relecture scolaire pour nous emmener sur des territoires inexplorés par le légendaire crooner américain.
De "My Way" à "I've got you under my skin" en passant par "Fly me to the moon" ou  "New York New York",  c'est tout un florilège de tubes incontournables qui flirtent ici avec le reggae, le blues, la soul, le funk-jazz ou le trip-hop.
Le résultat est d'autant plus saisissant que Ben l'Oncle Soul insuffle un incroyable groove à chacune de ses interprétations.
Au passage, l'artiste a remisé le look un brin rétro de ses débuts (noeud pap', costume et petit chapeau rigolo) pour endosser une tenue plus tendance: lunettes sombres, jean déchiré et blouson lamé.
Avec les années, le timbre a gagné en intensité et en profondeur. Et il faut avouer que ce show, qui tisse de solides passerelles entre les époques et les styles, est à la hauteur du challenge.
Les plus jeunes, nombreux dans la salle, ont ainsi découvert des chansons qui ne figuraient pas forcément dans leur iPod. Quant aux "anciens", les premiers instants de surprise envolés, ils ont manifestement apprécié ce vibrant hommage à celui que l'on surnommait "The Voice".

Album "Under My Skin" (Blue Note/Universal)
Dernières dates de la tournée en France: le 15 février 2018 au Centre Culturel de Provins (77), le 16 février au Centre Culturel Juliette Drouet à Fougères (35), le 17 février au Théâtre de Thalie à Montaigu (85) et le 6 mars au Théâtre Paul Eluard de Bezons.

8 févr. 2018

"Moustache Academy": un show drôle et percutant

(c) Stella K
 D'entrée de jeu, le trio donne le ton d'un spectacle qui se veut à la fois ludique et porteur de messages.
Une sorte de manuel du savoir-vivre ... ensemble !
Mais un manuel rigolo, percutant et musical à destination des plus jeunes. Rien à voir avec un cours ennuyeux et moralisateur puisque les joyeux complices s'expriment en rap et ne lésinent pas sur les loufoqueries en tous genres pour rappeler, s'il en était besoin, qu'il s'agit avant tout d'un divertissement.
Les plus grands se remémoreront les batailles à la cantine, les joies et les angoisses de la rentrée des classes, les rêves de devenir princesse ou Batman, les rivalités pour prendre la place du chouchou auprès de la maîtresse... Mais au-delà de la franche rigolade, "Moustache Academy" (un spectacle sous-titré "Back To School !") parle aussi de la tolérance, des chagrins d'amour, des conflits à la maison, d'écologie, de l'acceptation de l'autre et de ses différences.
(c) Stella K
Derrière les moustaches de cette drôle d'Academy se cachent Astien Bosche, Mathurin Meslay (les auteurs, sur des musiques de Jonathan Oberlander) et Ed Wood.
Avec leurs baskets colorées, ils ont déjà écumé les scènes du Théâtre du Rond-Point, des Trois Baudets, du Gymnase, de l'Européen ou du Festival d'Avignon avec "Le Grandiloquent Moustache Poésie Club".
Il n'y a évidemment rien de grandiloquent ni de paternaliste dans leur démarche mais plutôt une approche tendre, bourrée d'humour et d'intelligence pour lutter contre les clichés et évoquer le quotidien de certains gamins.
Des gamins difficiles à berner lorsqu'il s'agit de capter leur attention. Et à voir leurs bouilles réjouies, la spontanéité de leurs réactions et de leurs applaudissements, on se dit que le pari est gagné haut la capuche !

Jusqu'au 8 avril 2018, les dimanches à 15h30 (sauf le 25 février), au Grand Point Virgule, 8 bis, rue de l'Arrivée, 75015 Paris. Places à 20 € et 15 € (tarif réduit). Offre pack "famille" sur le site.
Infos au 01.42.78.67.03 et billetterie sur http://www.legrandpointvirgule.com/


5 janv. 2018

Stéphane Corbin : "j'aime les artistes qui poétisent le réel"

(c) Vanessa Buhring
Il a décroché son premier contrat à Paris comme pianiste sur la comédie musicale "Chance" d'Hervé Devolder, joué et chanté dans "La vie parisienne" d'Offenbach, mise en scène par Alain Sachs, composé des musiques pour le cinéma et le théâtre, enregistré deux albums sous son nom ("Optimiste" et "Les Murmures du temps"), assuré les premières parties de Juliette, Thomas Fersen, Dick Annegarn et pas moins de 500 concerts en tournées et sur des festivals...
Depuis quelques années Stéphane Corbin s'est lancé dans la belle aventure des Funambules, un collectif qui lutte, en chansons, contre l'homophobie. Il manquait encore une casquette à l'accomplissement de cet artiste, celle de l'écrivain. Une lacune brillamment comblée avec "Nos années parallèles" (Éditions LamaO). Un ouvrage émouvant, d'une tendresse rare qui se présente un peu comme un double journal. "Lui" parle de son enfance solitaire, de ses premiers émois amoureux, de ses débuts dans la musique... "Elle", sa mère, se souvient de ses nuits à refaire le monde en écoutant du rock'n'roll, de ses rêves de devenir Anna Karénine ou Manon Lescaut, de sa maladie...
Entretien avec un homme apaisé qui répond aux préjugés en composant des chansons comme "J'ai rien demandé", "Nos différences","Histoires d'amour"...

Comment est née l'idée de ce livre à deux voix ?
Ma mère est morte il y a déjà 17 ans et je me suis rendu compte qu'il y avait des choses dont on ne parlait plus, que j'avais peur d'oublier. C'est un livre très intime et cela n'était pas évident pour moi mais j'ai ressenti une certaine urgence à le faire. J'ai eu besoin et envie de parler de son enfance à elle. De cette femme pleine de folie qu'elle était plus jeune et que je n'ai pas connue. C'était une chercheuse renommée. J'ai consigné tout ce qui me revenait. Plus tard, après une rupture amoureuse, je suis parti seul à Saint-Malo avec mon ordinateur et j'ai commencé à retranscrire mes notes. Le deuil amoureux m'a permis de me reconnecter. "Nos années parallèles" est une histoire à la fois personnelle et universelle.
Il y a notamment ce moment à la fois drôle et émouvant où tu penses faire ton "coming out" ?
Lorsque j'ai essayé de lui faire cette confidence, elle m'a répondu qu'elle le savait déjà. Et elle a enchaîné en me demandant si je préférais manger des frites ou de la blanquette ! Ou peut-être aussi une tarte aux pommes...
Tu as demandé conseil à ton père et à ton frère ?
Non mais je leur ai fait lire le livre avant d'entamer les démarches pour sa publication. Mon père a apporté quelques précisions sur leur rencontre. C'était important de lui faire honneur à elle mais aussi à eux.
Tu évoques aussi ce "truc injuste qui s'appelle l'enfance" ?
C'est une période durant laquelle on n'a pas de pouvoir, pas de libre arbitre. Les enfants sont impitoyables entre eux. Je n'ai aucune nostalgie de cette période. Aujourd'hui, j'ai 40 ans et ce qui m'obsède, c'est de lutter contre le déterminisme.
D'où l'idée de créer la troupe des Funambules ?
Elle m'est venue pendant les manifestations contre le mariage pour tous. J'ai été tellement choqué par ce qui se passait. C'était la première fois que des gens défilaient dans la rue pour dire qu'ils ne voulaient pas qu'une catégorie d'hommes et de femmes aient les mêmes droits que les autres. J'ai réfléchi à ce que je pouvais faire et le déclic est venu lorsque j'ai regardé le documentaire "Les invisibles" (écrit et réalisé par Sébastien Lifshitz). Moi, j'ai choisi de m'exprimer en musique parce que ce que je sais faire, ce sont des chansons. Aujourd'hui, nous sommes une troupe de 400 personnes.
 Pourquoi ce nom de Funambules ?
Je ne voulais pas choisir un nom stigmatisant. J'aimais bien cette image qui conjugue les notions de danger, de grâce et de détermination qui sont nécessaires pour se déplacer sur un fil.
Le prochain déplacement parisien aura lieu à l'Alhambra ?
Oui. Nous tournons avec deux types de spectacles. Il y a la formule réduite que nous avons présentée dernièrement au Studio Hébertot et une plus importante qui réunit 50 à 60 personnes sur scène. C'est cette dernière qui sera à l'affiche de l'Alhambra en juin prochain. Toutes les chansons sont mises en scène, comme un concert théâtralisé. Chacun raconte une histoire très personnelle sur l'homosexualité.
Contrairement à la violence de certains discours, ta démarche semble plus ouverte, moins revendicatrice ?
Je ne sais faire que dans la douceur. Je suis pour l'inclusion et non pas l'exclusion. Ce que j'aime avant tout, ce sont les artistes qui poétisent le réel. C'est ce que j'essaie de faire...

"Nos années parallèles", Editions LamaO, disponible depuis le 7 novembre 2017
En concert : les 11 et 12 juin 2018, à 20 heures, à l'Alhambra, 21, rue Yves Toudic, 75010 Paris. 
Tél.: 01.40.20.40.25. Places: 25 et 28 €, carré or à 35 €. http://www.alhambra-paris.com/