« Longtemps,
longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent
encore dans les rues… » chantait Trénet. Pourtant, vingt ans après la
mort de Marcel Mouloudji, on peut s’interroger sur la place qu’il occupe encore
dans les mémoires. Pour certains, il demeure l'interprète de
« Comme un p’tit coquelicot ».
Une chanson qu’il n’a pas écrite (le texte est de Raymond Asso) mais qui est
marquée, de manière indélébile, par son timbre si particulier. Les cinéphiles
avertis se souviendront de ses talents d’acteur (« Les disparus de Saint-Agil » de Christian-Jaque,
« Nous sommes tous des
assassins » de Cayatte…), les amateurs de l’esprit rive gauche
rappelleront sans doute ses tours de chant consacrés à Vian ou Prévert au
Vieux-Colombier…mais le public a parfois oublié le peintre, le producteur et
éditeur qui lança notamment la carrière de Graeme Allwright, l’homme de
convictions qui chantait dans les usines et participa notamment à un gala de
soutien à la gauche chilienne, l’auteur d’ « Enrico », un ouvrage de mémoire, écrit alors qu’il
avait tout juste 20 ans, couronné par le Prix de la Pleiade ou encore le pacifiste qui interpréta pour la première fois « Le déserteur » en 1954, le jour même
de la chute de Diên Biên Phu.
«Je voulais faire
découvrir aux jeunes générations l’artiste qu’il a été » confiait
récemment Annabelle Mouloudji, lors de la présentation de l’album « Hommage à Mouloudji – En souvenir des
souvenirs… » et du livre « Mouloudji,
athée ô grâce à Dieu » dédiés à son père. Un travail auquel elle s’est attelée avec son frère Grégory et la complicité artistique de Laurent
Balandras.
Au travers d’anecdotes, de documents
exclusifs et de photos inédites, l'ouvrage permet aux enfants de Mouloudji de raconter ce père avec lequel le dialogue s’est
interrompu le 14 juin 1994. « Il est toujours avec moi » ajoute
Gregory dont le timbre et les traits rappellent étrangement la figure
paternelle. Plus jeune, Annabelle a moins de souvenirs mais elle a réécouté
tous ses vinyles pour le choix des chansons de l’album réalisé et arrangé par Frédéric Lo. Ce dernier lui donne d’ailleurs la réplique
sur « Enfin, tu me viendras »
(la chanson préférée d’Annabelle !). « Vous
dites Mouloudji et aussitôt, on vous accueille avec bienveillance »
explique Laurent Balandras. Louis Chedid, Christian
Olivier (des Têtes Raides), Alain Chamfort, Daphné, Jil Caplan…ont volontiers participé à cet hommage en revisitant des titres tels que « Un
jour tu verras », « Faut vivre »,
« L’un à l’autre étranger »… et des raretés comme « Six feuilles mortes de San Francisco », Un disque qui se termine par «Il est né à Paris » un texte de Mouloudji, lu par son fils.
D’autres événements comme la réédition d’ « Enrico » ou la sortie chez
Universal, des concerts au Théâtre de la
Renaissance en 1975, devraient célébrer le vingtième anniversaire de la disparition
de celui qui se définissait ainsi: « Catholique
par ma mère, musulman par mon père. Un peu juif par mon fils, bouddhiste par
principe. Alcoolique par mon oncle, névrosé par grand-mère. Sans classe par
vieille honte. Dépravé par grand-père. Athée, ô grâce à Dieu ! »…
Annie Grandjanin
Annie Grandjanin
Album « Hommage à Mouloudji - En
souvenir des souvenirs... » (Discograph) et livre « Mouloudji, athée ô
grâce à Dieu » (Editions Carpentier).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire