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- C'est vrai que l'idée vient de Bruno Coquatrix?
Il me disait toujours: "vous êtes le seul à pouvoir le faire. Observez, écoutez et prenez des notes".
Après notre première rencontre, il m'a demandé de lui apporter tout ce que j'avais. Il a tout remis en ordre et a proposé de commencer en racontant mon enfance.
- Des années de galères à la tournée mondiale en compagnie des Platters, vous avez parcouru un sacré chemin ?
C'est vrai que ce n'était pas gagné ! D'autant plus qu'à une époque, j'étais un vrai voyou. J'ai fréquenté des malfrats, des clodos et j'ai dû faire plein de petits boulots pour survivre.
- Mais vous avez croisé la route de deux hommes providentiels ?
Le premier était Joseph Bouglione. Il m'avait engagé au Cirque d'Hiver. Bruno Coquatrix qui cherchait du personnel pour la salle qu'il comptait remettre en état est passé voir son copain Joseph. Ce dernier lui a dit: "je peux te prêter mon décorateur pendant 8 jours". Je suis resté 34 ans !
- Vous ne cachez pas votre affection pour Edith Piaf et Jacques Brel ?
Comme moi, Edith avait connu des débuts difficiles et modestes. Cela nous a évidemment rapprochés. Elle m'avait surnommé "ma p'tite gueule". Nous avons partagé tellement d'émotions avec elle. A son enterrement, j'ai jeté dans sa tombe un petit bout du rideau de l'Olympia que j'avais découpé pour elle. Quant à Brel, je peux dire avec fierté que nous étions amis. Il était d'une incroyable timidité mais il pouvait aussi pousser de grands coups de gueule. Après, il s'excusait toujours en disant que c'est lui qui avait été mauvais. Un soir, par exemple, il est sorti furieux parce qu'il avait chanté deux fois le même couplet. Je crois que le public ne s'en était même pas aperçu. La grande peur de Brel c'était la fausse note. Il vomissait avant chaque concert. J'ai été impressionné mais pas vraiment surpris lorsqu'il a décidé de tout arrêter parce qu'il n'avait plus rien à dire. Avec Piaf et Brel, j'avais l'impression de partager les mêmes valeurs.
- Vous êtes nettement moins tendre avec Claude François ?
Il n'a pas su gérer le succès. Il s'emportait très vite et pour un rien. Je me souviens que la seule personne qu'il craignait c'était Bécaud ! Dans ce métier, il y a toujours l'angoisse du désamour car si le public n'est pas au rendez-vous, il n'y a pas d'artiste !
- Dans le chapitre sur Brassens, on perçoit un sentiment de tristesse ?
Le petit père ! Il souffrait de coliques néphrétiques depuis plusieurs années. En 1962, c'était devenu infernal mais, par amitié pour Coquatrix, il avait accepté de se produire une nouvelle fois à l'Olympia. Chaque soir, après la piqure du médecin, il serrait les dents et me broyait les mains avant de monter sur scène. Après le spectacle, une ambulance le ramenait à l'hôpital. Lorsque je passais le voir dans sa chambre, il ne se plaignait jamais. Il me demandait juste des nouvelles de ses chats. Cela a duré trois semaines !
- Vous avez regretté l'époque de la vedette anglaise, américaine, du numéro de music-hall... ?
Bien sûr. La mode du récital a commencé avec Aznavour. Certains artistes estimaient que les premières parties étant trop chères ils ne pouvaient pas augmenter leurs cachets. Brel trouvait ce raisonnement assez con. Il disait qu'il ne ferait jamais un truc pareil. Et son manager Charley Marouani était d'accord avec lui.
- Vous avez aussi connu les grands soirs de premières ?
Ça avait de la gueule tout ce monde en robe longue et smoking. Je ne sais plus de quel spectacle il s'agissait mais je n'oublierai jamais l'arrivée de Liz Taylor, au bras de Richard Burton !
- "Je les ai tous vus débuter", Editions de l'Archipel, février 2021. Prix: 20 Euros.
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