4 déc. 2021

Amina: "je me considère comme une nomade des temps modernes"





Personne n'a oublié la chanson "C'est le dernier qui a parlé qui a raison", qui l'avait propulsée à la première place, ex-aequo avec la Suède, au concours de l'Eurovision en 1991. Une subtilité du règlement n'avait pas permis à Amina de remporter cette distinction. Mais elle en a eu bien d'autres ! Dès son premier album "Yalil" (en 1990), elle s'était imposée comme une pionnière de la fusion des cultures orientales et occidentales, du jazz, du reggae, du rap... Le disque sera d'ailleurs classé 5ème dans le prestigieux magazine Billboard. Un succès confirmé, deux ans plus tard, avec "Wa di yé", co-produit par Wasis Diop. Parallèlement, on découvre ses talents d'actrice dans des films de Lelouch, Bertolucci, Maïwen... tandis qu'elle prête sa voix pour la BO de "IP5" de Jean-Jacques Beinex.

Plus de 20 ans après "Annabi",  paru en avril 1999, elle présente "La lumière de mes choix". De magnifiques variations sur le thème de l'amour, réalisées et composées par Léonard Lasry sur des textes d'Elisa Point, dont Amina a signé les deux chansons en arabe "Radwoi" et "Taffi Nari". 

Rendez-vous  pour un entretien qui reprend comme si nous l'avions interrompu la veille... Avant de la retrouver sur la scène du Café de la Danse, en "Guest" lors du concert de Léonard Lasry,  le 9 décembre prochain. 

- Ce nouvel album est tout en douceur et retenue vocale. On vous a connue plus rebelle ?

J'étais plus jeune ! Avec l'âge on arrondit les angles. Ici, je suis dans le registre d'une actrice qui chante. Chaque morceau est comme un petit film et j'adore ça. J'aborde toutes les facettes de l'amour: la séduction, la passion, la trahison...

- C'est d'ailleurs l'amour qui vous a fait quitter la France ?

J'ai suivi un grand viking en Suède ! Nous habitions une cabane en bois au milieu des forêts. Là-bas, j'ai chanté avec des lapons,  par moins 25 degrés, sur des tapis de cérémonie. J'ai découvert combien les femmes étaient libres dans ce pays. Tout est organisé autour d'elles. J'ai aussi appris cette phrase: "n'attends pas la liberté, prends-la". Quand on est comme moi une chanteuse originaire du Maghreb, c'est un véritable dépaysement. J'ai aussi enregistré un album. 

- En fait, vous n'avez jamais cessé de chanter ?

J'ai donné des concerts en Chine, au Qatar, dans des clubs de jazz à New York...

- Et dans un opéra à Vienne ?

J'ai été contactée per le metteur en scène Luc Bondy. Il voulait que je chante dans l'opéra "Helena" au Burgtheater de Vienne. C'était une expérience totalement inédite pour moi, d'autant plus qu'il m'a également demandé d'écrire les parties pour les chanteurs alors que je ne sais pas lire une note ! Il voulait quelque chose de moderne et il a été tellement persuasif que j'ai accepté.  J'aime trouver le point de rencontre entre les cultures.

- Vous avez été une des pionnières dans ce domaine ?

C'est vrai que j'ai ouvert la porte et je  ne l'ai jamais laissée se refermer sur moi. Je ne m'autorise pas à m'ennuyer dans la vie. Je me considère comme une nomade des temps modernes. 

(c) Fabienne Carreira

- Quels ont été les arguments de Léonard Lasry pour vous convaincre ?

Cela n'a pas été très compliqué. J'avais adoré un court-métrage dont il était le compositeur. Je suis quelqu'un de spontané. J'ai dit à Léonard que j'aimais beaucoup ce qu'il faisait et que j'aimerais travailler avec lui. Nous avons échangé nos numéros de téléphone. 

- Votre collaboration a démarré de manière insolite , non ?

Il m'a contactée pour une publicité destinée à la Maison Cartier. Il s'agissait de la chanson "Radwoi" qui figure sur l'album. Un peu avant l'heure du rendez-vous, je me suis retrouvée à la porte de chez moi, sur le palier et en robe de chambre. Je n'avais plus le temps d'appeler un serrurier. J'ai donc demandé à une voisine de me prêter des foulards et des boucles d'oreilles et je suis partie comme ça !

- Comment avez-vous travaillé pour ce nouvel album ?

- J'avais très envie de chanter à nouveau en français. J'ai réalisé à quel point la poésie de cette langue me manquait. Léonard a travaillé comme un grand couturier qui crée une robe sur mesure. Il sublime le féminin et vous guide, l'air de rien, vers le beau et la lumière.  Dans notre duo sur "On est prié de se plaire", j'ai eu le sentiment qu'il épousait ma voix. Il a aussi révélé ma fragilité.

- Dans la chanson "Quand Jeanne M elle aime", vous rendez un bel hommage à Jeanne Moreau ?

- Je l'avais rencontrée sur un plateau de télévision et nous avons chanté ensemble dans un grand théâtre en Belgique. Nous avons partagé une belle complicité. 

- C'était une femme indépendante.  Un peu comme votre mère et votre grand-mère ?

Je suis professeur de yoga depuis 25 ans. Ma mère l'était également. Elle a été l'une des premières à l'époque. Quant à ma grand-mère, elle jouait du Oud et dansait le charleston en bas résilles ! Je me souviens que lorsque nous allions la voir pour nous plaindre de choses sans gravité, elle répliquait: "qui est mort ?" 

(c) Kilian Thomas

- C'est vous qui avez choisi le titre "La lumière de mes choix" ?

Oui parce que je trouve qu'il me ressemble. Une culture, une religion peuvent vous enfermer. Ce n'est pas un hasard si les pays guerriers empêchent les femmes de chanter. J'enseigne le yoga du son. Mon chant, c'est ce qui me relie aux étoiles et à la terre. Je pense que cet album nous élève. C'est important d'aller vers le rêve et de vivre en paix...


- Album "La lumière de mes choix" (29Music/Kuroneko), disponible depuis le 22 octobre dernier.

- Sur scène, lors du concert de Léonard Lasry, le 9 décembre 2021, à 20 heures, au Café de la Danse (5, Passage Louis-Philippe 75011 Paris).

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