Sa créativité, son groove, le son particulier de ses drums
ont fait de Manu Katché l’un des batteurs les plus polyvalents et recherchés de
sa génération. Il a accompagné les grands noms de la pop internationale et
du jazz, de Peter Gabriel à Sting en passant par Marcus Miller, Herbie Hancock,
Jan Garbarek… Des rencontres, qu’il évoque dans
« Road Book », un
ouvrage sorti il y a quelques jours….
Comment qualifier ce
livre : mémoires, souvenirs ?
- S’il s’agissait de mémoires, il ferait 600 pages ! Ce
sont juste des anecdotes avec des artistes internationaux et une récapitulation
très succincte de mes années françaises. L’idée était de témoigner de mon parcours. Celui d’un môme
de banlieue qui a joué avec des dinosaures de la musique.
Vous n’avez pas la
réputation de « brosser les gens dans le sens du poil ». Pourtant,
ici, vous ne parlez que de gens que vous aimez ?
Généralement, quand vous évoquez vos souvenirs, ce sont les
jolies choses qui vous reviennent. Même avec Mark Knopfler, un mec difficile d’accès,
mais cela s’est arrangé à la fin…
On découvre notamment
que vous avez refusé de travailler avec Mick Jagger ?
J’étais évidemment flatté qu’il m’appelle et je me souviens
que lorsque j’ai dit non, il y a eu un blanc au bout du fil. J’ai beaucoup aimé
les Stones. Mick est quelqu’un d’élégant et de sympathique mais, à l’écoute de
la cassette, je ne voyais pas ce que je pouvais apporter de plus avec mon
style. Nous aurions été frustrés tous les deux. Il faut connaître ses limites.
C’est d’ailleurs pour ça que je suis
resté en France.
C’est-à-dire ?
Parce que je ne serais peut-être pas allé à l’essentiel. Je
me serais banalisé.
Vous ne tarissez pas
d’éloges sur Peter Gabriel en affirmant qu’il a déclenché ce que vous
alliez devenir ?
J’ai eu la chance de suivre une formation classique. J’ai
appris les rudiments de la musique avec une approche complètement neutre. J’avais
quelques références dans le jazz et la soul mais, au début, je lisais les
partitions. En séance d’enregistrement, on me disait de jouer comme untel. Lorsque
j’ai rencontré Peter, il m’a demandé de jouer comme je le sentais. Cela m’a un
peu paniqué car c’était la première fois qu’on me tenait ce discours. Il m’a
fait confiance et est allé chercher chez moi ce qui était en gestation. C’est à
partir de là que j’ai vraiment développé mon style. Peter est un humaniste, à l’écoute
des autres.
Vous lui avez
pourtant raccroché au nez deux fois ?
C’est vrai. Il m’a téléphoné alors que j’étais au ski avec
des copains et j’ai cru à une blague de leur part. Ce n’est qu’au troisième
appel que j’ai réalisé que l’accent de mon interlocuteur était vraiment très
british. Je n’ai jamais su comment il avait trouvé le numéro de mon hôtel à l’Alpe
d’Huez !
Vous terminez « Road
Book » sur Herbie Hancock, que vous appelez le patron ?
Herbie, c’est toute mon enfance. Je suis dingue de lui
depuis toujours. Mon destin est incroyable et le rencontrer, ce fut la cerise
sur le gâteau.
Vous n’avez jamais
raté de rendez-vous ?
Si, bien sûr. L’une de mes frustrations est de ne pas avoir
joué avec Miles Davis !
Peut-on dire que ce
livre prouve qu’on n’est pas forcément né du mauvais côté de la Manche ou de l’Atlantique ?
C’est en effet l’idée. Même si, dans le jazz, les musiciens européens n'ont rien à envier aux américains ! Bien
au-delà de la bonne étoile, j'ai voulu montrer qu’il y a des rencontres qui doivent se
faire. C’est la force du milieu artistique. Quand j’étais jeune, on ne parlait
pas d’intégration. Si j'ai un message à faire passer, c'est qu'il faut bosser, se donner les moyens. Il n’y a pas de
gens inaccessibles…
Propos recueillis par Annie Grandjanin
Propos recueillis par Annie Grandjanin
« Road Book » (Ed. Le Cherche Midi), 224 pages,
16,50 €.
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