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(c) Versilio |
Première femme à accéder en France au grade de commissaire
divisionnaire, Danielle Thiéry est l’auteur d’une vingtaine de romans policiers
et de la série télévisée « Quai
n°1 ». En 2013, elle a reçu le Prix du Quai des Orfèvres
pour « Des clous dans le cœur ».
Dans son dernier ouvrage « Echanges », un polar sombre et captivant, elle met une nouvelle fois en
scène son héroïne Edwige Marion. Victime d’hallucinations après avoir reçu une
balle dans la tête, l'enquêtrice de la Crim s’attache pourtant à
résoudre une affaire vieille de vingt ans.
Les 6 et 7 septembre prochains à Fouras, l’auteur
coiffera cette fois la casquette de marraine pour le lancement du Festival
« Tribus Polar ».
En acceptant d’être
la marraine de cette première édition, vous affirmez votre esprit pionnier, non ?
Sans doute. Je déteste mettre mes pieds dans des pantoufles
et emprunter des sentiers battus. J’aime les défis parce qu’il y a toujours
quelque chose à la clef. On va tout mettre en œuvre pour qu’il y ait une
deuxième, une troisième édition, etc… Pour moi, c’est un honneur. Je serai une
marraine présente et attentive.
Vous avez participé à
de nombreux jurys. Quels sont vos critères pour juger un polar ?
Je ne
juge jamais mais un auteur qui prend des libertés. Je pratique moi-même la licence littéraire. Mais si l’on fait parler un médecin, même
pour deux ou trois phrases, il faut éviter de lui
faire dire des bêtises. Lorsque je mets le nez dans un bouquin, j'attends qu'il soit bien écrit, qu'il y ait un vrai travail éditorial. Après, c’est
le page-turner, le mouvement…
Justement, on
reproche souvent aux séries policières françaises de manquer de rythme ?
Il y a comme une malédiction sur le sujet. Il y a des
années, je me suis fait jeter lorsque j’ai proposé un concept sur la police
scientifique. On m’a répondu que ce n’était pas l’avenir ! On prétendait que ce n'était pas visuel et que les téléspectateurs risquaient de d’ennuyer. A l’époque, on
ne voyait que par les profilers. Les anglais savent faire de bonnes
séries, raconter une histoire, faire monter la tension. On n’a pas forcément besoin de faire des trucs
décalés. Pourquoi, par exemple, aller
chercher des flics en fauteuil roulant ?
Comment
expliquez-vous cet engouement pour le polar qui fut longtemps considéré comme
un genre mineur ?
C’est vrai qu’à une certaine époque on parlait de
sous-littérature, de romans de gare. Le succès commercial n'est pas forcément synonyme de qualité ! IL y a eu un signal important lorsque
de plus en plus d’auteurs se sont lancés dans la littérature policière. Le
genre s’est aussi enrichi avec les écrivains du Nord. Cela relève de la
fascination parce qu’on touche à la mort. On porte tous une certaine violence
en nous.
« Echanges »
est la dixième aventure d’Edwige Marion. Son parcours professionnel ressemble
un peu au vôtre ?
Oui, sauf que moi, je n’ai jamais travaillé au 36 ! On
met tous un peu de nous dans les bouquins. Mais je songe de plus en plus à me
séparer d’elle.
Vous allez la
tuer ?
Un personnage récurent est un confort mais c’est aussi pesant. J’ai un lectorat fidèle et lorsque j’ai émis l’idée de la faire disparaître,
il y a eu des réactions surprenantes. Un éditeur allemand a dit que si elle
mourait, il ne poursuivrait pas sa collaboration avec nous. On n'est pas dans Conan Doyle mais quand il a tué Sherlock Holmes, il a bien été obligé
de le faire revivre avec des bouts de ficelle. Les gens s'attachent et cela n'est pas sans conséquences. Alors, non, je ne vais pas la
tuer mais je vais probablement cesser d’écrire sur elle. Edwige m'empêche de dévier vers d'autres choses. Et je suis farouchement libre !
Propos recueillis par Annie Grandjanin
« Echanges »
(Editions Versilio)
Festival « Tribus
Polar », les 6 et 7 septembre 2014, sur la presqu’île de Fouras (près de la
Rochelle). Infos sur la page Facebook "Festival Tribus Polar".