26 déc. 2021

André Manoukian: une brillante et savoureuse leçon de musique



Pianiste, compositeur, chroniqueur sur France Inter, ex-juré de l'émission Nouvelle Star sur M6... André Manoukian est aussi réputé pour son lyrisme verbal et son goût pour des apartés aussi savantes que savoureuses. Des qualités que l'on retrouve dans "Les notes qui s'aiment", un seul en scène truffé d'anecdotes dans lequel il évoque pêle-mêle sa jeunesse à Lyon, ses rencontres avec des chanteuses comme Liane Foly ou Michèle Torr,  ses racines arméniennes, Mozart, Beethoven, le jazz...
Entouré d'un clavier et d'un piano dont on aperçoit le mécanisme, il s'installe pour jouer, dos au public et sans partition,  avant de confesser "Je me suis tellement caché derrière les chanteurs !".  
Des chanteuses principalement car ce grand sentimental s'épanouit volontiers dans le rôle de Pygmalion. Revenant sur certaines ruptures,  il compare d'ailleurs la douleur à celle de la coupe du cordon ombilical avec une hache rouillée, sans anesthésie ! 
Entre deux savantes explications sur le bon usage "des notes qui s'aiment", il tord le cou à quelques idées reçues pour affirmer que la naissance du jazz se situerait à Paris, plus exactement dans les jardins des Tuileries où le peuple fêtait la mort de Robespierre (le 28 juillet 1794) et la fin de la terreur en exécutant le fameux "Quadrille des Tuileries" qui prendra plus tard le nom de cake-walk en Louisiane.
Il raconte ensuite l'histoire de "La lettre à Elise" de Beethoven qui s'adressait en fait à Thérèse, nous offre un résumé très personnel de Phèdre, la tragédie de Racine, rappelle que le pianiste Arthur Rubinstein fut le premier a être invité à se produire en Chine, sous Mao, nous montre comment modifier un son à l'aide d'une carte de crédit, cite le philosophe Gilles Deleuze... avant de nous résumer l'improbable lien entre le périnée d'une chanteuse et la transpiration dans la moustache du pianiste !
"Un compositeur, c'est quelqu'un qui entend ce que disent les notes" explique encore André Manoukian. Et, à n'en pas douter, ce dernier s'y entend pour rassembler néophytes et mélomanes autour d'une brillante et savoureuse leçon de musique.

- Le 27 décembre 2021, à 20h, au Théâtre de l'Oeuvre, 55, rue de Clichy, 75017 Paris. Tél.:01.44.53.88.88. www.theatredeloeuve.com.
En tournée: Les 12, 13, 14 janvier 2022 à Coppet (Suisse), le 21/01 à Livry-Gargan, le 28/01 à Wissou (91), le 29/01 à l'Arbresle (69), le 4/02 Le Locle (Suisse), le 13/03 à Avignon (84), les 16 et 17/03 à Montélimar (26)... et durant une semaine en septembre 2022 à l'Européen (5 rue Biot, 75017 Paris).

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8 déc. 2021

Caroline Montier: un sensuel et malicieux hommage à Juliette Gréco

(c) Matthieu Camille Colin

Lorsqu'elle ne se produit pas avec ses pétillantes et virevoltantes complices les Swinging Poules, Caroline Montier se pose au piano (ou prend son ukulélé) , le temps de rendre hommage à des icônes de la chanson française. 

Après son sensible et élégant récital consacré à Barbara en avril 2017, elle a troqué  sa tenue noire contre une longue robe rouge. Une couleur qui sied bien au sensuel et malicieux spectacle "Juliette Gréco, La Femme". Avec la collaboration artistique de Caroline Loeb, accompagnée à la contrebasse par Stephen Harrison ou Sylvain Dubrez (en alternance), Caroline donne, une fois encore, la mesure de son talent dans un exercice toujours périlleux. 

(c) Matthieu Camille Colin

Formée au lyrique,  sa voix s'adapte comme un gant à des chansons qui portent pourtant l'empreinte de leurs interprètes. Mais, comme pour son précédent spectacle, la chanteuse nous emmène avec intelligence et une évidente gourmandise dans des sentiers moins fréquentés. 

Ainsi, entre quelques citations de celle qui chantait si bien les poètes et des versions inspirées de "Jolie môme" ou "Déshabillez-moi"  on  (re)découvre les refrains de "La Lelluia" de Maurice Fanon, "Ta jalousie" de Jean-Loup Dabadie, "A la mort de Juju" d'Henri Tachan... 

Un tendre et joli moment de grâce..

Jusqu'au 25 janvier 2022, les lundis et mardis, à 21h à l'Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, 75004 Paris. Tél.:01.42.78.46.42. www.essaion.com

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4 déc. 2021

Amina: "je me considère comme une nomade des temps modernes"





Personne n'a oublié la chanson "C'est le dernier qui a parlé qui a raison", qui l'avait propulsée à la première place, ex-aequo avec la Suède, au concours de l'Eurovision en 1991. Une subtilité du règlement n'avait pas permis à Amina de remporter cette distinction. Mais elle en a eu bien d'autres ! Dès son premier album "Yalil" (en 1990), elle s'était imposée comme une pionnière de la fusion des cultures orientales et occidentales, du jazz, du reggae, du rap... Le disque sera d'ailleurs classé 5ème dans le prestigieux magazine Billboard. Un succès confirmé, deux ans plus tard, avec "Wa di yé", co-produit par Wasis Diop. Parallèlement, on découvre ses talents d'actrice dans des films de Lelouch, Bertolucci, Maïwen... tandis qu'elle prête sa voix pour la BO de "IP5" de Jean-Jacques Beinex.

Plus de 20 ans après "Annabi",  paru en avril 1999, elle présente "La lumière de mes choix". De magnifiques variations sur le thème de l'amour, réalisées et composées par Léonard Lasry sur des textes d'Elisa Point, dont Amina a signé les deux chansons en arabe "Radwoi" et "Taffi Nari". 

Rendez-vous  pour un entretien qui reprend comme si nous l'avions interrompu la veille... Avant de la retrouver sur la scène du Café de la Danse, en "Guest" lors du concert de Léonard Lasry,  le 9 décembre prochain. 

- Ce nouvel album est tout en douceur et retenue vocale. On vous a connue plus rebelle ?

J'étais plus jeune ! Avec l'âge on arrondit les angles. Ici, je suis dans le registre d'une actrice qui chante. Chaque morceau est comme un petit film et j'adore ça. J'aborde toutes les facettes de l'amour: la séduction, la passion, la trahison...

- C'est d'ailleurs l'amour qui vous a fait quitter la France ?

J'ai suivi un grand viking en Suède ! Nous habitions une cabane en bois au milieu des forêts. Là-bas, j'ai chanté avec des lapons,  par moins 25 degrés, sur des tapis de cérémonie. J'ai découvert combien les femmes étaient libres dans ce pays. Tout est organisé autour d'elles. J'ai aussi appris cette phrase: "n'attends pas la liberté, prends-la". Quand on est comme moi une chanteuse originaire du Maghreb, c'est un véritable dépaysement. J'ai aussi enregistré un album. 

- En fait, vous n'avez jamais cessé de chanter ?

J'ai donné des concerts en Chine, au Qatar, dans des clubs de jazz à New York...

- Et dans un opéra à Vienne ?

J'ai été contactée per le metteur en scène Luc Bondy. Il voulait que je chante dans l'opéra "Helena" au Burgtheater de Vienne. C'était une expérience totalement inédite pour moi, d'autant plus qu'il m'a également demandé d'écrire les parties pour les chanteurs alors que je ne sais pas lire une note ! Il voulait quelque chose de moderne et il a été tellement persuasif que j'ai accepté.  J'aime trouver le point de rencontre entre les cultures.

- Vous avez été une des pionnières dans ce domaine ?

C'est vrai que j'ai ouvert la porte et je  ne l'ai jamais laissée se refermer sur moi. Je ne m'autorise pas à m'ennuyer dans la vie. Je me considère comme une nomade des temps modernes. 

(c) Fabienne Carreira

- Quels ont été les arguments de Léonard Lasry pour vous convaincre ?

Cela n'a pas été très compliqué. J'avais adoré un court-métrage dont il était le compositeur. Je suis quelqu'un de spontané. J'ai dit à Léonard que j'aimais beaucoup ce qu'il faisait et que j'aimerais travailler avec lui. Nous avons échangé nos numéros de téléphone. 

- Votre collaboration a démarré de manière insolite , non ?

Il m'a contactée pour une publicité destinée à la Maison Cartier. Il s'agissait de la chanson "Radwoi" qui figure sur l'album. Un peu avant l'heure du rendez-vous, je me suis retrouvée à la porte de chez moi, sur le palier et en robe de chambre. Je n'avais plus le temps d'appeler un serrurier. J'ai donc demandé à une voisine de me prêter des foulards et des boucles d'oreilles et je suis partie comme ça !

- Comment avez-vous travaillé pour ce nouvel album ?

- J'avais très envie de chanter à nouveau en français. J'ai réalisé à quel point la poésie de cette langue me manquait. Léonard a travaillé comme un grand couturier qui crée une robe sur mesure. Il sublime le féminin et vous guide, l'air de rien, vers le beau et la lumière.  Dans notre duo sur "On est prié de se plaire", j'ai eu le sentiment qu'il épousait ma voix. Il a aussi révélé ma fragilité.

- Dans la chanson "Quand Jeanne M elle aime", vous rendez un bel hommage à Jeanne Moreau ?

- Je l'avais rencontrée sur un plateau de télévision et nous avons chanté ensemble dans un grand théâtre en Belgique. Nous avons partagé une belle complicité. 

- C'était une femme indépendante.  Un peu comme votre mère et votre grand-mère ?

Je suis professeur de yoga depuis 25 ans. Ma mère l'était également. Elle a été l'une des premières à l'époque. Quant à ma grand-mère, elle jouait du Oud et dansait le charleston en bas résilles ! Je me souviens que lorsque nous allions la voir pour nous plaindre de choses sans gravité, elle répliquait: "qui est mort ?" 

(c) Kilian Thomas

- C'est vous qui avez choisi le titre "La lumière de mes choix" ?

Oui parce que je trouve qu'il me ressemble. Une culture, une religion peuvent vous enfermer. Ce n'est pas un hasard si les pays guerriers empêchent les femmes de chanter. J'enseigne le yoga du son. Mon chant, c'est ce qui me relie aux étoiles et à la terre. Je pense que cet album nous élève. C'est important d'aller vers le rêve et de vivre en paix...


- Album "La lumière de mes choix" (29Music/Kuroneko), disponible depuis le 22 octobre dernier.

- Sur scène, lors du concert de Léonard Lasry, le 9 décembre 2021, à 20 heures, au Café de la Danse (5, Passage Louis-Philippe 75011 Paris).

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3 déc. 2021

Les vies multiples de Léonard Lasry

(c) Kilian Thomas

Quand on se penche sur son parcours, on a du mal à réaliser qu'il n'a pas encore fêté ses quarante ans ! Boulimie artistique ? Peur du vide ? Et si Léonard Lasry était tout simplement un passionné dont les compositions intemporelles sont justement dans l'air du temps ? Il a imaginé ses premières mélodies à 10 ans, enregistré son premier disque "Des illusions" à 24 ans. Après avoir monté son propre label "29 Music", il s'est associé avec son frère pour lancer une marque de lunettes "Thierry Lasry", s'est attelé au projet "L'Exception", une performance vidéo autour du cinéma des années 60, a travaillé avec la photographe et styliste Maripol avec qui il a enregistré quelques chansons... Et lorsqu'il avait encore un peu de loisir, il a composé les bandes-son de collections de mode (Hugo Boss, Valentino, Dior...), animé "Les mercredis de Léonard Lasry" chez Castel et assuré la production du titre "Strip-Tease-moi" pour le Crazy Horse, un cabaret où a d'ailleurs été l'un des rares artistes masculins à se produire.

Récemment, il a également composé cinq chansons sur le dernier album de Sylvie Vartan, persuadé  Amina de rompre un long silence discographique pour "La lumière de mes choix" dont il a signé la réalisation et les mélodies et, le 19 novembre dernier, il a réédité son opus "Au hasard cet espoir" dans lequel on trouve notamment un beau duo avec Charlotte Rampling sur "Via Condotti". Rencontre avant son concert parisien au Café de la Danse, le 9 décembre prochain.

- En découvrant votre biographie, on a le sentiment que vous avez déjà vécu 2 ou 3 vies ? 

Mon premier album est sorti il y a tout juste 15 ans. Depuis, il y a eu des envies, des rencontres avec artistes que j'aime beaucoup et des projets qui ne se refusent pas. C'est mon moteur. Là, je suis en train de terminer un cycle.

- Dans l'album "Au hasard cet espoir", vous ne parlez que d'amour ?

Essentiellement ! Mais pas les aventures passagères. L'idée était plutôt de parler du grand amour. Celui qui laisse des traces, des empreintes. La chanson "Les archives du coeur" par exemple est auréolée de mystère, entre fiction et réalité.

- C'est-à-dire ?

J'habite Square Récamier et j'avais sur ma commode le livre "Croire au merveilleux" (de Christophe Ono-dit-Biot) qui a justement remporté le Prix Récamier du roman en 2017. Je l'ai emporté en vacances et un homme que j'ai croisé là-bas m'a indiqué qu'il avait été écrit exactement à l'endroit où je me trouvais. Le dernier chapitre s'intitule "Les archives du coeur" qui est également le titre d'une exposition de Boltanski, présentée au Grand Palais. Cet ouvrage m'a bouleversé et troublé. Il a joué un rôle dans ma vie.

- Comment s'est passé la rencontre avec Charlotte Rampling  ?

Je savais qu'elle avait déjà chanté sur un album d'Alain Chamfort. Je pensais souvent à elle. Lors d'une discussion avec un ami qui me demandait quel était mon top 4 des actrices que j'aimerais faire chanter, j'ai cité Charlotte Rampling.Peu de temps après, il m'a indiqué qu'elle aimait ce que je faisais. Ensuite, tout s'est passé assez simplement: mon téléphone a sonné et c'était elle. Elle a une vraie conscience du micro. Quand je l'ai entendue, je me suis dit que la chanson avait rencontré sa voix.

- Et avec Sylvie Vartan ?

J'ai eu le sentiment de réaliser l'un des rêves de ma mère qui allait la voir en concert. Je trouve que la discographie de Sylvie Vartan  n'est pas assez estimée. Elle a de très belles chansons. Quand on m'a contacté, je suis parti sur une veine intimiste qui est assez naturelle pour moi. J'ai eu un retour dix minutes après l'envoi des titres. Elle était très enthousiaste. 

- Comment avez-vous persuadé Amina d'enregistrer un nouvel album en France, plus de 20 ans après "Annabi" ?

J'avais fait chanter Gabrielle Lazure et je l'ai rencontrée à cette occasion. Là aussi, les choses se sont passées simplement. Je voulais que l'album soit joyeux, positif et solaire. Même les mélodies un peu mélancoliques sont tournées vers la lumière. Ce sont des valeurs que je partage avec Amina.

(c) Wahib Chehata

- Musicalement, vous semblez inspiré par des décennies que vous n'avez pas vraiment connues ?

Parce que j'aime mon regard sur ces périodes que je trouve intemporelles. Je pense que mes chansons sont faciles d'accès, mais je n'ai jamais le sentiment de cultiver quelque chose de rétro. Pendant une dizaine d'années, j'ai surtout écouté de la musique classique puis j'ai glissé progressivement vers la pop internationale et la variété. Lorsque j'aime un artiste, j'achète toute sa discographie ! J'ai travaillé avec Marie-France car il y a chez elle un truc qui me fascine. J'aimerais bien rencontrer Vanessa Paradis, par exemple.  J'adore son timbre et je pense qu'il collerait bien avec mes musiques.

- Vous avez également publié sur votre label les trois derniers albums de l'artiste suédois Jay-Jay Johanson ?

Et j'ai un certain nombre de projets avec de jeunes artistes. Ce label me permet de disposer d'une grande liberté.  J'ai été surpris et fier quand Jay-Jay Johanson a choisi de quitter une major pour travailler avec moi.

- Vous avez ressenti la même fierté lorsque Madonna vous a contacté pour vous acheter des lunettes ?

Au départ, nous avons cru avec mon frère qu'il s'agissait d'un faux mail ! Elle demandait des codes d'accès pour consulter la collection. Très rapidement, elle a commencé à porter les modèles "Thierry Lasry" et cela a beaucoup contribué à faire connaître la marque à ses débuts.

- Avec l'auteur Elisa Point, vous avez trouvé votre alter ego ?

Nous travaillons ensemble depuis dix ans et nous formons un vrai tandem.  Un peu comme Julien Clerc et Etienne Roda-Gil ! Elisa est assez plurielle dans son écriture.  Nous travaillons parfois en simultané. Elle commence à écrire, ses mots m'inspirent une mélodie et... à la fin il y a une chanson ! 
 



- Réédition de l'album "Au hasard cet espoir" (29Music/Kuroneko), disponible depuis le 19 novembre dernier.

- En concert, le 9 décembre 2021, à 20h, au Café de la Danse, 5, Passage Louis Philippe, 75011 Paris. Tél.: 01.47.00.57.59. Loc. points de vente habituels et sur le site www.cafedeladanse.francebillet.com

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23 nov. 2021

Lulu Gainsbourg: "Avec "Replay", j'ai voulu me réinventer musicalement"

(c) Yann Orhan

Quatre ans après "T'es qui là ?", le musicien, compositeur et arrangeur Lulu Gainsbourg prend un nouveau virage avec "Replay", sorti le 12 novembre dernier. Un bel album électro en 14 chapitres, dont deux instrumentaux, enregistré entre New York, Bruxelles et Amsterdam.  Sa compagne Lilou a écrit tous les textes. Des histoires d'amour qui parlent de l'enfance, d'insomnie, d'électron libre, de la complexité des femmes... et défilent comme la bande son d'une oeuvre cinématographique ouvrant sur "Play" et se terminant logiquement sur "Replay" (les seules chansons en anglais). Une invitation à reposer le disque sur la chaîne ou à réécrire l'histoire ? Rencontre à l'Hôtel Amour avec un artiste discret et talentueux, qui aime défricher de nouveaux terrains de jeu.


- Avec "Replay", vous abordez un nouveau chapitre musical ?

Je parle plus que je ne chante. Je voulais faire  quelque chose que je n'avais jamais réalisé avant.  L'album est conçu comme un livret dans lequel je me réserve le rôle du narrateur. Il y a beaucoup de recherche dans l'électro. Avec "Replay", j'ai voulu me réinventer musicalement. J'ai beaucoup travaillé sur l'improvisation. L'idée est venue à New York, avec mon ami et complice le réalisateur Jérémy Loucas. Tout a été composé avant les textes. 

- C'est votre seconde collaboration avec votre compagne Lilou ?

Dans "T'es qui là ?", j'avais juste co-écrit une chanson. Là, elle a signé tous les textes. Travailler avec elle est d'une simplicité incroyable. Sans doute parce qu'elle me connaît bien.

- En fait, elle a écrit des histoires d'amour que vous interprétez et qui s'adressent à elle ?

On peut le sous-entendre mais ce n'est pas un album de chansons personnelles. Hormis peut-être "Insomnia" dans laquelle je parle d'expérience car l'amour peut rendre insomniaque. Quant au titre "La femme est complexe", je souhaitais que ce texte soit écrit par une femme et chanté par son homme.

- Dans la chanson "L'enfance", il y a une variation sur le thème musical de la comptine "Pirouette cacahuète" ?

C'est un petit clin d'oeil à l'enfance. Je l'ai arrangé à ma façon. C'est le seul morceau piano-voix.

- Vous êtes toujours fan de Michael Jackson et des vieux Disney ?

Pour moi, Jackson a révolutionné  le vidéo clip. J'aime aussi sa vision artistique. Quant aux vieux films de Disney, cela me ramène en arrière. A l'époque où nous regardions des cassettes avec papa. J'ai d'ailleurs un Peter Pan tatoué sur le bras.

- Votre premier album s'appelait "From Gainsbourg to Lulu" ?

Je n'avais pas pu faire de cadeau à papa car j'avais 5 ans au moment de sa disparition. Je l'ai fait 20 ans plus tard. J'ai réalisé un vrai travail sur les arrangements. C'était ambitieux de ma part car je n'avais que 25 ans, mais je l'ai fait. Maintenant, j'ai mes propres compositions et j'essaie de tracer mon chemin.


(c) Yann Orhan

 - Vous aviez aussi composé la musique du titre "Quand je suis seul" pour Marc Lavoine ?

C'est une composition qui m'a permis d'entrer dans le milieu de la musique. Je n'ai pas eu forcément l'occasion de recommencer car j'étais concentré sur mon travail. Je suis plutôt passionné par les musiques de film. J'ai d'ailleurs des projets dans ce domaine mais je ne peux pas en parler car ce n'est pas encore d'actualité. 

En parlant de cinéma, vous avez joué dans le film de François Armanet "La bande du drugstore"?

C'est mon unique expérience. Je reste ouvert mais je ne me considère pas comme un acteur.

- D'un autre côté que avez affirmé lors d'une interview que vous que vous ne vouliez pas devenir musicien ni chanteur. C'est un peu raté, non ?

 J'ai aussi dit que je ne voulais pas chanter en français. Je vais arrêter de tenir ce genre de propos ! En fait, j'avais du mal à faire comme papa mais la musique fait partie de moi. Je suis allé étudier au Berklee College of Music aux Etats-Unis où je pouvais être comme tout le monde. C'est là que tout s'est débloqué. 

- Dans le clip qui accompagne la sortie de l'album, les comédiens réécrivent un peu l'histoire. Si vous aviez la possibilité d'appuyer sur replay, vous changeriez quoi ?

C'est vrai que j'ai voulu donner un double sens.  On peut en effet essayer de réécrire l'histoire ou se laisser une multitude de choix. Il y a toujours le désir de changer quelque chose.  J'ai tendance à être perfectionniste mais il faut aussi se donner la possibilité d'être satisfait, de lâcher prise. 

- Vous avez étudié le piano assez tôt et vous êtes monté sur scène encore plus tôt ?

C'est vrai. J'ai commencé à apprendre le piano à l'âge de 4 ans et j'ai fait mes premiers pas sur la scène du Zénith de papa en 1988. J'avais 2 ans !

- Depuis, on ne vous a pas beaucoup vu en concert ?

J'ai mis du temps à trouver ma place dans le live. J'ai donné quelques concerts au Japon. Lorsque je suis passé au Café de la Danse après la sortie de l'album "T'es qui là ?", il a fallu vaincre la boule au ventre, les mains qui tremblent.  Le piège quand on est musicien, c'est de rester dans sa bulle parce que c'est une protection, un réconfort. La scène, c'est à chaque fois un combat. Je compte bien y remonter l'été prochain.


- Album "Replay (Kuroneko/Why Music), disponible depuis le 12 novembre 2021
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15 nov. 2021

Le blues authentique et envoûtant de Natalia M King

 

(c) Philip Ducap

D'origine dominicaine, née dans le quartier de Brooklyn à New York, Natalia M King a un parcours pour le moins atypique. Après des études de sociologie et d'histoire, elle a tout lâché pour parcourir les Etats-Unis, en bus et en stop, un carnet de notes en poche, à la manière de Jack Kerouac. Elle a ainsi enchaîné les petits boulots et a même embarqué à bord d'un chalutier en Alaska ! On la retrouve quelques années plus tard, dans les couloirs du métro parisien, la guitare en bandoulière, dans un répertoire rock alternatif. Remarquée par une major, elle enregistre au début des années 2000 un premier album "Milagro". Puis "Furry & Sound", "Soulblazz", Bluezzin Til Dawn"... 
Le 5 novembre dernier, elle a sorti son 7ème opus "Woman Mind Of My Own" (mixé par Yves Jaget, produit et réalisé par Fabien Squillante). Accompagnée d'une solide section de musiciens,  Natalia s'offre une authentique et envoûtante incursion dans le blues. Outre ses compositions, elle s'approprie littéralement trois reprises: "One More Try" de George Michael, "(Lover)You Don't Treat Me No Good" du groupe Sonia Dada et "Pink Houses", un titre de John Cougar Mellencamp dans lequel elle donne la réplique à son compatriote Elliott Murphy. 
Rencontre avec une bourlingueuse qui, depuis quelques années déjà, a posé ses bagages en Provence, près d'Arles.

- Comment définiriez-vous le titre de votre album ?

Je dirais : femme libre, têtue, avec des convictions !

- En évoquant votre période alternative vous avez dit que cela vous avait permis de cracher votre venin ?

A l'époque, j'avais des choses à prouver et d'autres à évacuer. Malheureusement, cela se fait souvent dans la colère.  J'ai vécu toutes les étapes de l'adolescence à la quarantaine à 100%. Tout ce que j'avais à cracher, je l'ai fait. Aujourd'hui, à 52 ans, je me sens totalement sereine.

- Vous avez également confié qu'il fallait apprendre à s'aimer ?

Je pense qu'on passe son temps à se chercher. Avec les expériences vécues, on comprend que le plus important, c'est d'apprendre à s'aimer. Cela permet de devenir responsable.

(c) Philip Ducap

- Comme Elliott Murphy avec qui vous faites un beau duo sur "Pink Houses", vous avez choisi vous installer en France ?

J'aime beaucoup la France. Je vis à côté d'Arles depuis un certain nombre d'années. Dès le matin, je peux entendre le chant des oiseaux, profiter de l'air et du soleil. Ce duo avec Elliott était un très beau moment de partage. C'est quelqu'un qui a énormément de talent.

- Après avoir enregistré chez une major, vous avez opté pour un label plus "familial" ?

C'est beaucoup plus personnel et spirituel. Chez Dixiefrog, j'ai le sentiment d'être en famille. 

- Dans "Woman Mind of My Own", vous alternez les ballades et des morceaux plus musclés?

C'est à l'image de la vie qui n'est pas un long fleuve tranquille ! Mon parcours s'apparente parfois aux montagnes russes. J'ai traversé des périodes difficiles, j'ai même fait un break de plusieurs années, entre deux albums, pour me ressourcer. Il faut souvent toucher les profondeurs pour remonter à la surface et respirer. 

- La chanson "Aka Chosen" est un vibrant plaidoyer pour la tolérance et le droit à la différence. C'était important pour vous de l'écrire ?

La  sociologie et les voyages m'ont permis de comprendre la façon de réagir des gens, en fonction du contexte, de leur culture, de leurs croyances. Cela empêche de juger. Dire que c'était important de l'écrire, je ne sais pas. C'est comme le fait d'ouvrir une bouteille de Châteauneuf-du-Pape de 2008. On ne peut pas dire que c'est important ou nécessaire, mais qu'est-ce que ça fait du bien !

- Le blues, c'est un retour aux racines ?

Il y a des rites de passage avant d'atteindre le but. J'ai longtemps refusé d'appartenir à une filiation, de croire aux soit-disant traditions socio-ethniques. Aujourd'hui, je peux dire que c'est le blues qui m'a adoptée.  On ne se dit pas un jour, tiens et si je faisais du blues ? En ce qui me concerne, le bus a un peu traîné, il s'est arrêté plusieurs fois et, là, je suis arrivée exactement au point où je voulais être.

- Vous avez fait au passage quelques détours par le jazz ?

Oui, notamment avec l'album "Soulblazz". J'ai eu la chance de travailler avec de grands musiciens comme le saxophoniste Pierrick Pedron et le trompettiste Stéphane Belmondo. Le jazz m'a permis d'arriver au portail. Il fallait juste le pousser un peu pour toucher au blues. J'aime bien cette expression: la fille prodige est retournée à la maison ! 

- Vous semblez apaisée aujourd'hui ?

J'ai longtemps marché sur le feu. Maintenant, je suis à la recherche du graal. J'ai le sentiment que c'est le bon moment et le bon album pour ça... 


- Album "Woman Mind Of My Own" (Diwiefrog), CD et vinyle disponibles depuis le 5 novembre 2021

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11 nov. 2021

Igit: "J'aspire à trouver comment lier la noblesse et l'élégance du piano-voix"


(c) Bastien Burger

Lors de l'émission " The Voice", en 2014, son beau timbre grave, teinté de blues, son aisance scénique avaient fait craquer les téléspectateurs (et Garou !) dans un registre allant des "Bonbons" de Brel,  à "Vous les femmes" dans la version d'Arno, en passant par "New York, New York" ou encore "I Put a Spell On You" de Screamin' Jay Hawkins. Depuis, Igit (de son vrai nom Antoine Barrau) a sorti a sorti plusieurs EP,  un album "Jouons" et prêté sa plume à des artistes comme Christophe Willem, Barbara Pravi, Yannick Noah... 
Le 28 septembre dernier, il a reçu le prix "Voix du Sud" (Fondation de la Poste), des mains de Francis Cabrel. A cette occasion, il a offert au public du Studio Raspail à Paris, la primeur de quelques titres de son second album piano-voix, attendu l'an prochain. 
Rencontre avec un auteur-compositeur qui n'a pas son pareil pour trousser de belles et poétiques histoires, avant la sortie en janvier de l'EP "Belle époque" et son concert parisien à la Boule Noire, le 25 janvier 2022.

- Avant "The Voice", vous vous produisiez dans les rues de Montmartre ?
Oui, mais à part des titres de Bob Marley, je ne faisais que des chansons à moi, du blues en anglais et en français.

- Vous avez également étudié le commerce et le droit des affaires à Ottawa et à Reims ?
Mes parents pensaient qu'avec ces bagages je pourrais toujours me débrouiller. Mais j'ai lamentablement échoué car je passais beaucoup de temps à faire de la musique. Notamment dans les soirées "Open-mic" (micro ouvert) à Ottawa.

- Il paraît que vous avez aussi joué de l'électro en Slovénie ?
Pendant deux ans. Nous avions transformé un cinéma en studio éphémère. Je travaillais avec cinq groupes et nous avons même sorti un album. Je composais  également de la musique pour des spectacles de danse contemporaine. Mes potes sont tous DJs et je suis fan de synthé, mais je suis le seul à avoir la chanson française dans mon ADN.

- Francis Cabrel vous a remis récemment le prix "Voix du Sud"(Fondation de la poste). C'est une belle reconnaissance ?
En toute honnêteté, les rencontres d'Astaffort figurent parmi les plus souvenirs de ma vie. Lorsque j'y suis allé, j'étais déjà un peu installé. J'étais le seul à avoir une maison de disques et un éditeur. 

- Pouvez-vous nous parler du duo avec Catherine Deneuve sur le titre "Noir et blanc" de votre premier album ?
 Pour cette chanson, je m'étais inspiré d'une histoire vraie. Ma belle-mère m'avait confié que lorsque ma femme était petite, elle pensait que le monde était en noir et blanc. Il fallait que quelqu'un puisse incarner ça. J'ai appris que Catherine Deneuve regardait "The Voice". La connexion s'est faire grâce à mon directeur artistique de l'époque et elle a accepté tout de suite. Elle était très à l'écoute et m'a notamment confié "J'aimerais avoir votre liberté musicale !"

(c) Bastien Burger


- Vous avez écrit tous les textes de ce nouvel album dont on ne connaît pas encore le titre ?
J'ai une idée pour le nom mais je ne peux pas encore vous le confier. J'ai co-composé les musiques avec Nino Vella, qui m'accompagne sur scène et j'ai écrit tous les textes sauf "Traverser l'existence". A l'origine, il devait être interprété par Barbara Pravi. Elle avait sélectionné 15 titres pour son nouvel album et elle m'a confié qu'elle ne se sentait pas de chanter celui-ci. Je lui ai demandé si je pouvais le prendre et je n'ai pas changé une ligne.

- C'est une chanson qui pose beaucoup de questions ?
C'est vrai. Mais une question n'appelle pas forcément de réponse. L'important, c'est de réfléchir. Aujourd'hui, nous somme dans des trucs très affirmés, des bulles cognitives sans porosité.

- Dans "Belle époque", vous écrivez: "Paraît que c'était mieux avant. C'est quand même mieux maintenant que demain" ?
Je trouve que c'est assez mathématique, non ? 

- Les chansons ont été crées pendant le confinement ?
Pas du tout. J'ai fait un bloquage total. Pour l'écriture, il faut que je sois dehors car j'ai besoin de mouvements, de m'installer aux terrasses des cafés, de croiser des gens. Cela me permet d'avoir un angle, une dimension supplémentaire. Dans ce domaine, je suis un peu de la vieille école. Durant les périodes de confinement, j'ai juste refait mon studio 3 fois. !

- Vous avez fait le choix d'un disque intimiste, très épuré ?
Je l'ai abordé plus détendu, presque  nonchalant. On a tout enregistré en deux jours et je ne me lasse pas de l'écouter. J'aspire à trouver comment lier la noblesse et l'élégance du piano-voix.

 - Vous évoquez des thèmes comme les années qui passent, la fin de vie,  en donnant l'impression que cela n'est pas si grave ?
(c) Bastien Burger
C''est ce que j'ai essayé d'exprimer en y mettant un peu de poésie. J'utilise souvent l'expression: "Ça n'empêchera pas les arbres de pousser !". Quand j'ai quitté le Canada, un garçon avec qui je bossais en cuisine m'a laissé ce message: "Tu m'a appris que la vie était bien trop sérieuse pour être prise au sérieux". Cela m'a touché.
 
- Vous êtes d'une nature résolument optimiste ?
L'optimisme, c'est un choix. Je suis le premier à m'émouvoir des violences et des drames que nous traversons mais je pense que nous allons globalement vers plus de douceur. Ma pensée est un élément modulable pour être le plus heureux possible... 

- EP "Belle époque", sortie annoncée en janvier 2022, single "Traverser l'existence", disponible sur toutes les plateformes.
- En concert, le 25 janvier 2022, à 19h30, à la Boule Noire, 
120, Bd de Rochechouart, 75018 Paris. 
Tél.: 01.49.25.81.75. Tarif unique à 18 Euros. www.laboule-noire.fr
- Retrouvez cet article, ainsi que l'ensemble de l'actualité culturelle (musique, théâtre, festivals, littérature, évasion) sur le site www.weculte.com 

 

8 nov. 2021

Les virtuoses délires du MozART Group

(c) Ottavio Tomasini

 Ils se sont connus sur les bancs du lycée puis à l'université et, depuis, ils ont conservé un esprit indiscutablement potache. Pourtant, ces virtuoses (deux violons, un alto et un violoncelle) sont tous diplômés de prestigieuses académies de musique de Varsovie et de Lodz. 
Mais, à l'instar du fameux Quatuor, ils ont choisi de servir leur art, sans jamais se prendre au sérieux, même s'ils endossent la traditionnelle tenue des musiciens classiques (smoking et noeud papillon).
"... Malgré les fans de rock, de rap ou de la pop que la musique classique effraie, nous traitons notre musique avec un humour ironique et nous sommes sûrs qu'elle n'aura rien contre !" affirment-t-ils, en choeur. 
Une démarche qui a fait recette puisque depuis la création de MozART Group en 1995, en Pologne, ils ont déjà séduit plus de 5 millions de spectateurs, aux quatre coins de la planète. 



Depuis quelques jours, ils ont choisi de poser leurs archets à Bobino pour présenter  "Globe-trotters". Un nouveau spectacle dans lequel ils rendent hommage au répertoire français avec le fameux "Voyage, voyage" de Desireless, un French cancan endiablé (avec tentative de grand écart !), des morceaux  de Georges Bizet... mais aussi à l'opéra italien, aux Beatles, au rap, aux thèmes musicaux des westerns américains ou en sifflotant le fameux "Hello, le soleil brille" du célèbre "Pont de la rivière Kwaï". 
Tout cela évidemment sans partition car ils ne se servent des pupitres que pour les faire danser. Et ils sont même capables de faire de la musique en utilisant l'air d'un ballon !
Transformant tour à tour leurs archets en lassos, en raquettes de tennis ou en baguettes de tambour, les joyeux complices font également quelques incursions dans l'oeuvre de leur maître, le grand Amadeus.
En une heure et demi, ces facétieux guides nous concoctent un délirant périple musical qui, de Paname en passant par le botte italienne ou les grandes plaines du Far-West, fait souffler un sacré grain de folie rue de la Gaîté...  


- Jusqu'au 12 décembre 2021, à 19h, mat. dim. à 15h, à Bobino, 14-20, rue de la Gaîté, 75014 Paris.
Réservation: 01.43.27.24.24.
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7 nov. 2021

Manou Gallo "Je veux que ma basse sonne comme un tambour !"


 Depuis une vingtaine d'années, cette artiste originaire de Divo, en Côte d'Ivoire, s'est imposée sur la scène internationale comme l'une des rares femmes bassistes.  Après avoir créé son groupe Djiboi, Manou Gallo a enregistré des albums remarqués comme "Dida" ou "Lowlin", partagé la belle aventure des Tambours de Brazza et de Zap Mama... Elle revient cette fois avec un ambitieux projet : un opus en deux volumes, intitulé "ALISO"   (dont le premier single  "Lady", est sorti le 11 juin 2021 et le second "Mario-Ma lettre à Yacé", le 11 septembre dernier), dans lequel elle rend  hommage aux artistes qui l'ont inspirée comme Féla Kuti, Manu Dibango, Franco Luambo, Ernesto Djé Djé et Marcellin Yacé. 
Entretien avec celle que l'on surnomme "L'Afro Groove Queen", avant son concert parisien au Studio de l'Ermitage, le 16 novembre prochain.

- Parmi les artistes auxquels vous rendez hommage, le célèbre arrangeur, musicien, chanteur et producteur Marcellin Yacé tient une place particulière, non ?
Il m'a offert ma première basse et m'a appris le solfège alors que j'avais 12 ans. Il était un peu comme mon père adoptif. En 2002, il a été tué par balle en sortant de son studio à Abidjan. Dans le titre "Mario- Ma lettre à Yacé", j'ai eu envie de chanter ma frustration et ma colère. Aujourd'hui, je n'ai plus peur de donner mon avis sur la politique africaine. Je n'aime pas lorsqu'on utilise l'expression "au  mauvais endroit, au mauvais moment ". Je veux qu'il y ait une enquête pour savoir ce qu'il s'est vraiment passé, il y a 19 ans !

- Etre reconnue comme une  femme bassiste en Afrique, c'était compliqué ?
Je savais que le chemin allait être long et difficile. Lorsque j'ai sorti mon premier album, on disait que j'étais danseuse, chanteuse, musicienne, percussionniste... Moi, je voulais juste qu'on dise Manou Gallo, la bassiste. C'était mon combat. 

- Mais vous êtes aussi chanteuse ?
Je ne chante que pour accompagner ma musique.  Pour moi, la voix est juste complémentaire. Petit à petit, je fais des morceaux où la basse est au coeur de tout., je veux qu'elle sonne comme un tambour !

- Comme celui sur lequel vous tapiez lorsque vous étiez petite fille ?
Et ce n'était pas vraiment dans la tradition ! Mais j'ai eu une chance énorme. J'ai été élevée en partie par ma grand-mère. Lorsque j'ai commencé à taper sur tout ce qui était à ma portée,  elle m'a dit: "si c'est ton destin, je l'accepterai". 

- Il y a eu aussi le soutien et la collaboration avec Bootsy Collins ( James Brown,  George Clinton...)  ?
C'est vrai. C'est un peu fou de se dire que tu travailles dans ta cave avant de poster une vidéo et que quelqu'un comme lui t'encourage après l'avoir vue. Quand j'ai commencé la musique, il n'y avait pas internet et je ne savais pas ce qui se passait dans le monde. Aujourd'hui, j'explique aux petites filles à qui je donne des cours combien elles ont de la chance de voir et d'entendre ce qui se passe ailleurs. 

- Vous avez fait le choix de vivre à Bruxelles ?
C'est venu quand j'ai intégré le groupe Zap Mama et je suis restée. La Belgique est mon pays d'adoption. Il y a beaucoup d'amour entre nous. Il y a même un portrait de moi sur les murs de Bruxelles. 

- Manu Dibango vous avait invitée sur sa dernière tournée et son concert au Grand Rex ?
Il m'a toujours soutenue et donné des conseils. Cela fait avancer d'être entourée d'artistes comme ça. On a toujours des doutes, même si on a un caractère bien trempé. Ça prend du temps pour que les choses et les mentalités évoluent. Je crois qu'on commence à entendre ce que je veux faire.

 - Il paraît que les jeunes ivoiriens vous appellent "la vieille mère" ?
Oui et cela me touche. Chez nous, c'est un signe de respect.

- Album "ALISO" en deux volumes de 5 titres chacun (Contre-Jour/Believe)
- En concert le 16 novembre 2021, à 20h30, au Studio de l'Ermitage, 8, rue de l'Ermitage, 
75020 Paris. Tél.: 01.44.62.02.86. www.studio-ermitage.com
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4 nov. 2021

Boris Bergman chante "Gaby oh! Gaby" et "Vertige de l'amour" en Yiddish

(c) Maho
Auteur prolifique, il a signé des chansons pour Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Christophe, Carla Bruni, Dalida, Jean-Louis Aubert, Vanesa Paradis, Nicoletta, Nana Mouskouri, Paul Personne... 
On lui doit notamment le fameux "Rain and Tears" pour les Aphrodite's Child, "Vertige de l'amour" et "Gaby oh! Gaby" pour Alain Bashung. 
Au total, pas moins de 1000 chansons et des adaptations pour Franz Ferdinand ou Marianne Faithfull. 
A l'occasion du Festival Jazz'N'Klezmer (du 4 au 18 novembre à Paris, Nogent, Aubervilliers et Lyon),  accompagné  de son "Quartet moins 1" Boris Bergman se produira le 7 novembre prochain, au New Morning" pour un concert "yiddish rock". 


- La casquette de chanteur est plutôt inhabituelle pour vous ?
 Je me considère plutôt comme un acteur qui chante. J'avais préparé un spectacle dans le cadre du centenaire Boris Vian, qui a malheureusement été annulé. Laurence Haziza, directrice artistique du Festival Jazz'N'Klezmer m'a entendu interpréter une chanson que mon père affectionnait et elle m'a invité à participer au festival. Au départ, nous devions passer à la Bellevilloise et finalement, nous serons en première partie du pianiste Denis Cugnot et son Kuartet Klezmer, au New Morning.

- Parlez-vous de vos complices sur scène ?
En fait, nous avons créé un groupe pour l'occasion: Renaud Bernal (banjo, guitare, ukulélé), Norbert Miguel (guitares) et moi au chant. Je pensais l'appeler Le Trio, mais il y avait un risque de confusion avec Tryo. Du coup, on a décidé d'opter pour le "Quartet moins 1". Sauf que Brad Scott, le bassiste d'Alain Bashung sur sa dernière tournée a décidé de nous rejoindre. 

- Et vous allez interpréter des titres que vous avez écrits pour Bashung, en yiddish ?
Il y aura aussi des classiques du répertoire yiddish comme "Le chant des partisans de Vilna",  ou "Papirossen". Comme je  me suis aperçu que tout cela ne sonnait pas franchement gai,  j'ai décidé de choisir aussi des chansons avec de l'énergie. J'ai donc adapté "Gaby oh!Gaby" et "Vertige de l'amour" en yiddish ! L'idée était de faire du "yiddish rock" mais aussi du blues et de la country. Nous avons changé certains tempos. Il y aura aussi "Rain and Tears" et on va peut-être terminer par "Jérusalem Tomorrow" que j'avais découverte par Emmylou Harris mais dont la version originale est de David Olney. Ce que j'aime dans les chansons yiddish c'est que ce sont des petits films, même si c'est un peu mélo. Du coup, on va se moquer un peu de nous. Dans "Gaby oh! Gaby", par exemple j'évoque  le côté plaintif des Ashkénazes. L'intérêt, c'était de reconstituer une sorte de cabaret yiddish comme cela existait après-guerre. 

- Vous avez déjà envisagé la suite ?
Honnêtement, ce concert c'est pour la beauté du geste et une manière de rendre hommage à mes racines. On tournera peut-être si les gens nous demandent. Sinon, ce sera one shot !

Le dimanche 7 novembre, à 17 h (en première partie de Cuniot Kuartet), au New Morning, 7/9, rue des Petites Ecuries, 75010 Paris. www.newmorning.com
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26 oct. 2021

Stéphane Mondino: "aujourd'hui, j'assume totalement d'être un chanteur de variété"

(c) Lori Besson

Quatre ans après "Les rêves de Babylone", Stéphane Mondino vient de sortir "Sous les abat-jours du soleil". Un nouvel opus dans lequel ce musicien autodidacte a signé toutes les mélodies,  la plupart des textes et assuré les parties clavier et guitares. Comme il l'affirme dans la chanson qui donne son titre à l'album : "On devrait toujours se fredonner une chanson d'amour...". Tout au long des onze chansons qui baignent dans une atmosphère intimiste, le chanteur se prête à l'exercice avec élégance, pudeur et poésie. Entretien avant son prochain concert parisien, le 5 novembre, aux Trois Baudets.

- Pour ce nouvel album, vous parlez d'un retour à la chanson ?
J'ai eu des tentations de rock parce que, plus jeune, j'avais une passion pour les Clash et j'ai beaucoup écouté les groupes anglo-saxons. Mais mes racines premières sont Jacques Higelin, Jean Guidoni, Daniel Balavoine... J'avais une sorte de complexe avec la variété qu'on taxait parfois de variétoche.  C'est une question de forme car j'ai toujours trouvé que Barbara et Brel avaient un côté rock'n'roll. Aujourd'hui, j'assume totalement d'être un chanteur de variété.

- Et de fredonner des chansons d'amour ?
C'est un thème universel mais on en a tellement besoin en ce moment. Quitte à passer pour un bisounours, c'était mon idée lorsque j'ai enregistré  "Les abat-jours sous le soleil". Je me souviens qu'à 20 ans, j'étais passé à côté de Barbara. Quand j'écoute maintenant "Du bout des lèvres", je trouve que c'est très beau. Il n'y a pas que le mal de vivre...

- Vos abordez des thèmes graves, mais vous restez toujours dans la suggestion ?
C'est parfois un piège parce que certaines chansons passent à côté ! Quand j'évoque, par exemple, cette histoire d'amour pendant la déportation dans "Orage", les gens ne saisissent pas forcément le propos. J'ai été inspiré par un reportage que j'ai vu à la télévision. J'ai choisi de ne pas aborder certains sujets de manière frontale parce que je trouve ça trop dur.

(c) Lori Besson

- La photo de la pochette, c'est un clin d'oeil à "L'année des méduses" ?
Pas du tout ! En fait, je n'ai jamais été fan de ma tête sur les pochettes . Il s'agit d'une photo que j'ai prise à l'aquarium de Montpellier. En voyant ces méduses, j'ai trouvé que cela avait un côté abat-jours qui collait bien avec le titre de l'album. J'y vois également quelque chose de spatial, tourné vers le ciel plutôt que vers les profondeurs.

- Vos deux premiers albums ont été produits par Francis Cabrel. Quels souvenirs gardez-vous de votre passage aux fameuses rencontres d'Astaffort ?
Faire tout ce qu'on aime, c'est-à-dire écrire et composer pendant une semaine, c'est un monde merveilleux. J'y suis allé complètement détendu, sans imaginer que Cabrel allait me remarquer. Il m'a même emmené en tournée. Nous nous sommes perdus de vue mais il m'a vraiment mis le pied à l'étrier.

- Romain Roussoulière qui a réalisé l'album n'est pas un inconnu pour vous ?
Il est guitariste et a joué avec moi sur "Les rêves de Babylone". Il a un studio à Paris et lorsque je lui ai fait écouter les nouvelles chansons, il m'a dit qu'il avait envie de travailler sur la réalisation. Ce qui est surprenant, c'est qu'il est guitariste et que le piano est très présent sur les morceaux. Cela me permet d'envisager des concerts en piano-voix, une formule que j'affectionne.

- Pouvez-vous nous parler de la chanson "Uma Thurman" ?
C'est un peu un OVNI sur le disque. Je ne l'ai jamais rencontrée mais je trouve qu'elle dégage une certaine aura. C'était un prétexte pour dire que malgré les périodes difficiles que nous traversons tous, l'art nous libère et nous fait du bien. J'aurais pu tout aussi bien parler d'un tableau de Rubens ou d'un prélude de Chopin.

- Sur l'album, vous remerciez vos parents de vous avoir donné la vie ?
C'est assez fondamental, non ?

- C'est le père qui parle ?
C'est vrai que dans la chanson "Petit royaume", je chante "Moi j'étais le roi avant toi d'un petit royaume: mon égo". J'ai eu une petite fille en 2017 et cela a complètement bouleversé mon univers.

- D'où l'apaisement que l'on ressent à l'écoute de "Sous les abat-jours du soleil" ?
En vieillissant, les choses se simplifient. On ne se prend plus la tête avec des postures. 

- Album "Sous les abat-jours du soleil" (Inouïe Distribution/TeamZic), disponible depuis le 1er octobre 2021.
- En concert, le 5 novembre 2021, à 20 h, aux Trois Baudets, 64, bd de Clichy, 75018 Paris. Tél.: 01.42.62.33.33. www.lestroisbaudets.com
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18 oct. 2021

Un vibrant plaidoyer pour rappeler le combat de pionnières

(c) Stéphane Kerrad - KBStudios

Ecrit à quatre mains, en 2012, par Jean-Louis Debré et sa compagne Valérie Bochenek l'ouvrage "Ces femmes qui ont réveillé la France" (Editions Fayard) a inspiré une pièce de théâtre, jouée par les auteurs et mise en scène par Olivier Macé. 

Ancien Ministre de l'Intérieur, Président de l'Assemblée Nationale et du Conseil Constitutionnel, écrivain à succès, Jean-Louis Debré aura attendu l'âge respectable de 77 ans pour monter sur les planches... d'un théâtre ! L'occasion de revêtir sa robe de magistrat pour un vibrant plaidoyer en hommage au combat de femmes dont l'histoire a parfois oublié le nom. 

(c) Stéphane Kerrad - KBStudios

Sur scène, des bustes de Marianne, un bureau, la talentueuse pianiste Valérie Rogozinski et un écran où défilent les portraits de ces pionnières qui ont du bousculer les institutions pour obtenir le droit d'exercer des fonctions jusqu'ici réservées aux hommes. 

Outre Olympes de Gouges, rédactrice en 1791 de "La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" stipulant notamment que "la femme naît libre et demeure égale à l'homme", personne n'a oublié  Simone Veil, Marie Curie, Marguerite Yourcenar, Colette, Louise Michel, George Sand... mais qui se souvient de Jeanne Chauvin, première femme a revêtir la tenue d'avocate, de Madeleine Brès diplômée de médecine,  de la bachelière Julie-Victoire Daubié ou encore de la Duchesse d'Uzés qui, malgré son statut, a dû batailler pour obtenir officiellement le droit de prendre le volant ? 

Un brin cabotin, plein d'humour, Jean-Louis Debré fait preuve d'une fougueuse énergie lorsqu'il s'agit de pourfendre ces flagrantes injustices. Quant à la gestuelle parfois appuyée de Valérie Bochenek, elle s'explique sans doute par ses années de travail auprès du mime Marceau. On salue le beau moment d'émotion lorsqu'elle déclame le discours de la grande figure de la Commune Louise Michel, au moment de sa condamnation à la réclusion au bagne de Nouvelle-Calédonie. 

(c) Stéphane Kerrad - KBStudios

A l'issue du spectacle, Jean-Louis Debré attend les spectateurs à la sortie pour les remercier et leur demander s'ils ont apprécié le spectacle. A cette inhabituelle et touchante interrogation, on répond que "Ces femmes qui ont réveillé la France" devraient figurer dans les manuels et au programme des prochaines sorties scolaires !

Jusqu'à fin décembre 2021, du mercredi au samedi à 19h,  au Théâtre de la Gaîté Montparnasse, 26, rue de la Gaîté, 75014 Paris. Loc. au 01.43.20.60.56. www.gaite.com 

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11 oct. 2021

Thomas Curbillon: le charme intemporel d'un tendre crooner

(c) Anabelle Tiaffey
Musicien, enseignant, homme de radio... il a même travaillé quelques années au département jazz du label Universal Music. Autant dire que Thomas Curbillon a plus d'une corde à sa guitare. Il manquait encore à sa panoplie un album dans lequel on pourrait découvrir ses talents de compositeur et de tendre crooner.  C'est chose faite depuis le 24 septembre dernier, avec "Place Ste Opportune". Un premier opus, réalisé par Daniel Yvinec (ancien directeur de l'Orchestre National de Jazz), pour lequel il s'est entouré de solides compagnons de route: Pierre Bertrand aux arrangements, Eric Legnini (piano, Fender Rhodes), Thomas Bramerie (contrebasse), Antoine Paganotti (batterie), Stéphane Belmondo (trompette et bugle)... Sans oublier  sa compagne Gaëlle Renard qui a signé les textes. Outre ses chansons originales, Thomas swingue avec bonheur sur "Petite Fleur" de Sidney Bechet,  "Et bailler, et dormir" écrit par Charles Aznavour et immortalisé notamment par Eddie Constantine et "La berceuse à Pépé" de Claude Nougaro.

Un disque au charme intemporel,  entre jazz et chanson française,  qu'il a dédié à ses grands-parents.


- La Place Ste Opportune a une signification particulière pour vous ?

Outre le club de jazz Le Petit Opportun où j'ai assisté à de nombreux concerts, c'est l'endroit où j'ai rencontré ma femme qui a écrit les textes de l'album.  Il y a beaucoup d'autobiographie dans ce disque et beaucoup d'imagination aussi. La chanson "Place Ste Opportune" qui donne son titre au disque est aussi la première que nous avons signée ensemble.

- Travailler avec votre femme Gaëlle Renard était une évidence ?

 En général je pars des mots pour composer. Gaëlle a une façon d'écrire très sonore et musicale. Elle a aussi le sens des voyelles et des consonnes. Cela m'a permis d'imaginer plus facilement des mélodies. Au départ, j'ai une culture jazz et j'adore les standards. L'idée de chanter en français est venue petit à petit. Ce qui me plaît ce sont les histoires, le côté mini scénario.

- Comme le film à sketches "Paris, je t'aime" dans lequel vous avez joué ?

J'ai juste joué de la guitare ! C'était dans la séquence sur Pigalle avec Bob  Hoskins et Fanny Ardant. C'était une jolie expérience mais ça s'est arrêté là...

- Quand on lit votre biographie, on se dit que votre destin était tout tracé ?

Mon grand-père était tromboniste à l'Opéra Comique et il a joué avec de nombreux artistes comme Gilbert Bécaud ou Charles Aznavour. Ma grand-mère était danseuse au Théâtre du Châtelet et mon père  est guitariste. J'ai pris quelques chemins de traverse mais toujours en rapport avec la musique.

(c) Anabelle Tiaffay

- Il paraît que votre prénom fait référence à un guitariste que votre père admirait ?

 Il s'agit de René Thomas, un guitariste belge que mon père admirait et admire toujours. 

Vous vous en sortez bien. Vous auriez pu vous appeler Thelonious (NDLR prénom de Monk, célèbre pianiste et compositeur de jazz américain) 

C'est vrai que cela aurait été un peu moins passe-partout ! A la maison, nous parlions musique dès le petit déjeuner. Même les animaux n'ont pas échappé à cette passion. Nous avons eu des poissons rouges qui s'appelaient Duke et Ellington, Bill et Evans...

- Pouvez-vous nous parler de la reprise de Nougaro ?

Il avait un phrasé particulier, comme un train qui avance. Je suis sensible aux voix. Même quand j'écoute un saxophone, j'entends une voix. Dans cet album, c'est presque la berceuse qui est venue avant Nougaro. Au début, Stéphane Belmondo ne devait pas forcément jouer sur ce titre. Je lui ai raconté l'histoire de mon grand-père qui aimait beaucoup ce morceau. Il m'a répondu qu'il allait y penser... et il a accepté. Quand on écoute sa trompette, c'est comme un dialogue entre un grand-père et son petit-fils. Ce qui est formidable avec cet album, c'est que les chansons sont pleines d'images.

- Et la chanson "Sale gosse" ?

Gaëlle avait écrit quelques textes qui étaient principalement des histoires d'amour mélancoliques et romantiques. J'avais envie d'une chanson plus rythmée, un peu canaille et ribouldingue, avec des petits tiroirs. J'aime cette dualité entre le côté sale gosse faisant le malin et celui qui se rappelle son enfance avec nostalgie et douceur.

- Comment est venu le déclic pour l'enregistrement de "Place Ste Opportune" ?

Je ne sais pas s'il y a eu un déclic. En fait, j'y pensais depuis longtemps. Il y avait une envie, une conviction mais pas encore de certitude.

- Réunir la crème des musiciens de jazz hexagonaux pour un premier album, c'et assez exceptionnel ?

Là encore, c'est une belle histoire. C'est grâce à Daniel Yvinec. Nous sommes proches depuis longtemps. C'est lui qui a suggéré le nom de la plupart des musiciens qui m'accompagnent.

- Le disque a vu le jour grâce à un système de participation ?

Le label "Jazz&People" sur lequel il est sorti porte bien son nom. Il ne fonctionne qu'avec le mode participatif. Il y a quelques années, je n'y aurais même pas songé. Nous avons rassemblé bien plus qu'on ne pouvait l'imaginer. 

- Vous enseignez aussi la guitare ?

Oui. Et l'histoire du jazz qui est à la fois riche et complexe. Ce qui me fascine dans cette musique, c'est l'équilibre entre l'instinct et le savoir. Parce que les deux peuvent co-exister. On a beaucoup mis dans la tête des gens qu'ils devaient comprendre pour ressentir. J'ai toujours été admiratif face à des artistes proposant une musique qui ouvrait les bras. Moi, j'ai envie de créer un lien entre les chansons et le public. J'ai hâte que l'album ne m'appartienne plus...

- Album "Place Ste Opportune" (Jazz&People), disponible depuis le 24 septembre 2021.

- En concert, le 28 octobre 2021, à 20h, au Bal Blomet, 33 rue Blomet 75015 Paris. Loc. sur le site www.balblomet.fr, Fnac et sur place les soirs de concert (pas de réservation par téléphone)

- Retrouvez cet article, ainsi que l'ensemble de l'actualité culturelle (musique, théâtre, festivals, littérature, évasion) sur le site www.weculte.com 

9 oct. 2021

Des contes croustilleux et délicieusement licencieux

(c) Florence Levillain
Dans le cadre des spectacles actuellement à l'affiche pour célébrer le 400ème anniversaire de la naissance du célèbre fabuliste, celui imaginé et interprété par Jean-François Novelli, d'après Jean de La Fontaine a une saveur bien particulière. 
Intitulé "Croustilleux La Fontaine" et sous-titré "Entrez ici et suivez-moi hardiment", il lève en effet le voile sur un pan méconnu de son oeuvre. Plus question ici de grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf, d'insouciante cigale, de fourmi pas prêteuse ou de corbeau dupé, mais plutôt de demoiselles à déniaiser, de nonnes et de curés pour le moins libertins.

Des récits dont on dit qu'ils ont bien failli lui coûter son  entrée à l'Académie Française !
Mis en musique par Antoine Sahler, ces textes délicieusement licencieux sont chantés et joués par le talentueux  Jean-François Novelli  accompagné au piano par Nicolas Royez, (en alternance avec Romain Vaille).  Et le facétieux ténor ne ménage pas les effets pour nous offrir un réjouissant divertissement. Il faut dire que se mettre au service d'une plume aussi leste et inspirée est chose rare !
D'autant plus que la mise en scène de Juliette est une véritable valeur ajoutée. "Si j'ai insisté auprès de Jean-François Novelli et Antoine Sahler pour "en être", c'est que cette idée de spectacle m'a littéralement émoustillée" confie-t-elle. " Ceux qui pensent encore que "La Fontaine c'est pour les enfants" vont avoir des surprises !

(c) Florence Levillain

On suit ainsi la jeune Lise, soucieuse de trouver un peu d'esprit auprès de l'accueillant Père Bonaventure, une nonne à la santé fragile à qui la Faculté recommande de prendre illico un amant, les mésaventures d'Alice dont le futur bébé aurait besoin de "finitions"... On apprend également à confectionner, dans les règles de l'art, un gouteux pâté d'anguilles et on sourit en découvrant la ruse imaginée par une prieure presbyte pour débusquer un intrus dans son couvent.

Pas de morale évidemment à la fin de ce "Croustilleux La Fontaine" mais une petite frustration tout de même. On aurait aimé que le spectacle dure plus d'une heure, histoire de prolonger le plaisir...

Les vendredis et samedis, à 21h, jusqu'au 30 octobre 2021, au Théâtre Les Déchargeurs, salle Vicky Messica, 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris.
Tél.: 01.42.36.00.50.  www.lesdechargeurs.fr
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4 oct. 2021

Estelle Perrault, nouvelle étoile du jazz vocal

(c) Elodie Martial
Quelques mois avant la sortie de "Lots of Love" (en 2020), son premier album de standards en version digitale, elle avait reçu la mention spéciale du jury aux Trophées du Sunside. On ne s'étonnera qu'à moitié que le pianiste Alain Jean-Marie ait eu envie de prendre Estelle Perrault sous son aile et de se produire avec elle dans une série de concerts piano-voix. Avec son phrasé, sa musicalité, son swing et son timbre sensuel, cette jeune artiste de 31 ans apparaît d'ores et déjà comme la nouvelle étoile du jazz vocal.

Il y a quelques jours, elle a sorti "Dare That Dream". Outre deux reprises: "Yesterdays" de Jérome Kern et "You Must Believe in Spring" de Michel Legrand, Estelle a signé tous les textes en anglais et composé quatre mélodies.  

Des chansons qui parlent de nostalgie, d'espoir, mais aussi de ses racines puisque sa mère est taïwanaise et son père français. Dès la première écoute, on est subjugué par la radieuse nostalgie dégagée par ce bel opus. Au point de regretter qu'il ne comporte que huit titres  !

Rencontre avant son concert au Studio de l'Ermitage, le 16 octobre prochain.


- Pouvez-vous nous parler de la reconstitution en 3D du mythique ballroom du Savoy de New York pour le clip de "You Must Believe in Spring"

- C'est une idée du label. J'ai trouvé que c'était une belle opportunité de chanter dans le décor reconstitué de ce club aujourd'hui disparu. J'ai joué sur le côté glam de l'époque.

- "Osez le rêve", c'est un joli titre pour un album enregistré en plein confinement ?

 D'autant plus qu'au début de la conception, je traversais une période difficile. J'ai même songé à tout arrêter. J'ai eu la chance d'être entourée et encouragée par des amis. Ecrire m'a permis d'aller plus loin dans l'introspection. Pour les titres, j'ai procédé par enchainements. Les premiers sont sur la nostalgie car ma famille à Taïwan me manque. Etre partagée entre deux cultures est toujours perturbant. Puis, j'ai voulu cette note d'espoir avec ""Flower Bloom" pour parler d'une jeune femme qui a choisi de faire de la musique. Petit à petit, "Dare That Dream" s'est imposé.  Tout comme le message de "Il faut croire au printemps".

- Pourquoi avez-vous choisi ce titre composé par Michel Legrand ?

 J'ai découvert ses compositions en écoutant des artistes américains comme Bill Evans. Si j'avais pu, j'aurais enregistré tout un album avec des chansons de Michel Legrand !

(c) Ewa Cieszkowska


- Vous avez aussi grandi en écoutant Billie Holiday et Ella Fitzgerald ?

En fait, j'ai découvert le jazz à l'âge de 17 ans. Billie Holiday et Ella Fitzgerald sont devenues des  figures maternelles. En grandissant, on a besoin de trouver son identité. Ces femmes de caractère représentent des exemples que je n'ai pas forcément rencontrés durant mes jeunes années à Taïwan.  

- D'où la chanson "Dreams Comme True" sur le nécessaire combat des femmes ?

Je pense que c'est important d'avoir des chansons engagées. Je le suis politiquement et en ce qui concerne la cause des femmes. C'est aussi une manière pour moi d'annoncer la couleur de la suite... Il faut juste trouver la bonne manière de dire les choses en évitant les clichés. 

- Un souvenir de vos études de droit ?

Mon but n'était pas forcément de devenir avocate mais plutôt d'enseigner. J'ai toujours eu envie d'aider la société. Cela m'a touchée lorsque des amis m'ont dit que ma musique leur apportait quelque chose. Moi, le jazz m'a donné de la stabilité. C'est devenu mon fil conducteur, ma famille !

- Comment avez-vous rencontré le pianiste Alain Jean-Marie ?

C'était dans un café. Il jouait et j'ai osé aller près de lui pour chanter. J'étais très intimidée. Je me disais que je devais être à la hauteur et cela m'a donné une vraie motivation. Le jazz est une musique basée sur le partage, l'échange. Alain Jean-Marie incarne totalement cet état d'esprit. C'est quelqu'un d'une grande humilité et de profondément gentil. J'essaie de ne jamais oublier tout ce qu'il m'a apporté.

- Le choix de l'anglais pour chanter s'est imposé ?

C'est mon côté citoyenne du monde ! Je me retrouve complètement dans cette langue et pour le jazz cela me semble assez évident. Je ne suis toujours pas à l'aise avec le français. Lorsque je suis arrivée ici, je ne parlais pas un mot de votre langue. 

- Vous attachez beaucoup d'importance au phrasé ?

C'est vrai. Il faut trouver le juste milieu entre la technique du jazz vocal et celle de la respiration. Après, il faut aussi laisser parler l'émotion. Mais pas trop ! C'est un challenge pour moi car je suis très émotive. Il m'est déjà arrivé de pleurer  en chantant. Aujourd'hui, on a parfois l'impression que tout le monde chante de la même manière. Or, plus on est soi-même, plus on se démarque. Si vous écoutez bien Carmen McRae et Sarah Vaughan, vous constaterez que leur phrasé est totalement différent mais elles transmettent quelque chose de tellement vrai. C'est ce que j'aime aussi dans le jazz: on raconte une histoire. 



- album "Dare That Dream" (Art District MUSIC/ distribution SOCADISC), disponible depuis le 17 septembre 2021.

- En concert le 16 octobre 2021, à 20h30, au Studio de l'Ermitage, 8, rue de l'Ermitage, 75020 Paris. Tél.: 01.44.62.02.86. www.studio-ermitage.com

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