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(c) Anabelle Tiaffey |
Musicien, enseignant, homme de radio... il a même travaillé quelques années au département jazz du label Universal Music. Autant dire que Thomas Curbillon a plus d'une corde à sa guitare. Il manquait encore à sa panoplie un album dans lequel on pourrait découvrir ses talents de compositeur et de tendre crooner. C'est chose faite depuis le 24 septembre dernier, avec "
Place Ste Opportune". Un premier opus, réalisé par Daniel Yvinec (ancien directeur de l'Orchestre National de Jazz), pour lequel il s'est entouré de solides compagnons de route: Pierre Bertrand aux arrangements, Eric Legnini (piano, Fender Rhodes), Thomas Bramerie (contrebasse), Antoine Paganotti (batterie), Stéphane Belmondo (trompette et bugle)... Sans oublier sa compagne Gaëlle Renard qui a signé les textes. Outre ses chansons originales, Thomas swingue avec bonheur sur "
Petite Fleur" de Sidney Bechet, "
Et bailler, et dormir" écrit par Charles Aznavour et immortalisé notamment par Eddie Constantine et "
La berceuse à Pépé" de Claude Nougaro.
Un disque au charme intemporel, entre jazz et chanson française, qu'il a dédié à ses grands-parents.
- La Place Ste Opportune a une signification particulière pour vous ?
Outre le club de jazz Le Petit Opportun où j'ai assisté à de nombreux concerts, c'est l'endroit où j'ai rencontré ma femme qui a écrit les textes de l'album. Il y a beaucoup d'autobiographie dans ce disque et beaucoup d'imagination aussi. La chanson "Place Ste Opportune" qui donne son titre au disque est aussi la première que nous avons signée ensemble.
- Travailler avec votre femme Gaëlle Renard était une évidence ?
En général je pars des mots pour composer. Gaëlle a une façon d'écrire très sonore et musicale. Elle a aussi le sens des voyelles et des consonnes. Cela m'a permis d'imaginer plus facilement des mélodies. Au départ, j'ai une culture jazz et j'adore les standards. L'idée de chanter en français est venue petit à petit. Ce qui me plaît ce sont les histoires, le côté mini scénario.
- Comme le film à sketches "Paris, je t'aime" dans lequel vous avez joué ?
J'ai juste joué de la guitare ! C'était dans la séquence sur Pigalle avec Bob Hoskins et Fanny Ardant. C'était une jolie expérience mais ça s'est arrêté là...
- Quand on lit votre biographie, on se dit que votre destin était tout tracé ?
Mon grand-père était tromboniste à l'Opéra Comique et il a joué avec de nombreux artistes comme Gilbert Bécaud ou Charles Aznavour. Ma grand-mère était danseuse au Théâtre du Châtelet et mon père est guitariste. J'ai pris quelques chemins de traverse mais toujours en rapport avec la musique.
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(c) Anabelle Tiaffay |
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Il paraît que votre prénom fait référence à un guitariste que votre père admirait ? Il s'agit de René Thomas, un guitariste belge que mon père admirait et admire toujours.
Vous vous en sortez bien. Vous auriez pu vous appeler Thelonious (NDLR prénom de Monk, célèbre pianiste et compositeur de jazz américain)
C'est vrai que cela aurait été un peu moins passe-partout ! A la maison, nous parlions musique dès le petit déjeuner. Même les animaux n'ont pas échappé à cette passion. Nous avons eu des poissons rouges qui s'appelaient Duke et Ellington, Bill et Evans...
- Pouvez-vous nous parler de la reprise de Nougaro ?
Il avait un phrasé particulier, comme un train qui avance. Je suis sensible aux voix. Même quand j'écoute un saxophone, j'entends une voix. Dans cet album, c'est presque la berceuse qui est venue avant Nougaro. Au début, Stéphane Belmondo ne devait pas forcément jouer sur ce titre. Je lui ai raconté l'histoire de mon grand-père qui aimait beaucoup ce morceau. Il m'a répondu qu'il allait y penser... et il a accepté. Quand on écoute sa trompette, c'est comme un dialogue entre un grand-père et son petit-fils. Ce qui est formidable avec cet album, c'est que les chansons sont pleines d'images.
- Et la chanson "Sale gosse" ?
Gaëlle avait écrit quelques textes qui étaient principalement des histoires d'amour mélancoliques et romantiques. J'avais envie d'une chanson plus rythmée, un peu canaille et ribouldingue, avec des petits tiroirs. J'aime cette dualité entre le côté sale gosse faisant le malin et celui qui se rappelle son enfance avec nostalgie et douceur.
- Comment est venu le déclic pour l'enregistrement de "Place Ste Opportune" ?
Je ne sais pas s'il y a eu un déclic. En fait, j'y pensais depuis longtemps. Il y avait une envie, une conviction mais pas encore de certitude.
- Réunir la crème des musiciens de jazz hexagonaux pour un premier album, c'et assez exceptionnel ?
Là encore, c'est une belle histoire. C'est grâce à Daniel Yvinec. Nous sommes proches depuis longtemps. C'est lui qui a suggéré le nom de la plupart des musiciens qui m'accompagnent.
- Le disque a vu le jour grâce à un système de participation ?
Le label "Jazz&People" sur lequel il est sorti porte bien son nom. Il ne fonctionne qu'avec le mode participatif. Il y a quelques années, je n'y aurais même pas songé. Nous avons rassemblé bien plus qu'on ne pouvait l'imaginer.
- Vous enseignez aussi la guitare ?
Oui. Et l'histoire du jazz qui est à la fois riche et complexe. Ce qui me fascine dans cette musique, c'est l'équilibre entre l'instinct et le savoir. Parce que les deux peuvent co-exister. On a beaucoup mis dans la tête des gens qu'ils devaient comprendre pour ressentir. J'ai toujours été admiratif face à des artistes proposant une musique qui ouvrait les bras. Moi, j'ai envie de créer un lien entre les chansons et le public. J'ai hâte que l'album ne m'appartienne plus...
- Album "Place Ste Opportune" (Jazz&People), disponible depuis le 24 septembre 2021.
- En concert, le 28 octobre 2021, à 20h, au Bal Blomet, 33 rue Blomet 75015 Paris. Loc. sur le site www.balblomet.fr, Fnac et sur place les soirs de concert (pas de réservation par téléphone)
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