26 oct. 2021

Stéphane Mondino: "aujourd'hui, j'assume totalement d'être un chanteur de variété"

(c) Lori Besson

Quatre ans après "Les rêves de Babylone", Stéphane Mondino vient de sortir "Sous les abat-jours du soleil". Un nouvel opus dans lequel ce musicien autodidacte a signé toutes les mélodies,  la plupart des textes et assuré les parties clavier et guitares. Comme il l'affirme dans la chanson qui donne son titre à l'album : "On devrait toujours se fredonner une chanson d'amour...". Tout au long des onze chansons qui baignent dans une atmosphère intimiste, le chanteur se prête à l'exercice avec élégance, pudeur et poésie. Entretien avant son prochain concert parisien, le 5 novembre, aux Trois Baudets.

- Pour ce nouvel album, vous parlez d'un retour à la chanson ?
J'ai eu des tentations de rock parce que, plus jeune, j'avais une passion pour les Clash et j'ai beaucoup écouté les groupes anglo-saxons. Mais mes racines premières sont Jacques Higelin, Jean Guidoni, Daniel Balavoine... J'avais une sorte de complexe avec la variété qu'on taxait parfois de variétoche.  C'est une question de forme car j'ai toujours trouvé que Barbara et Brel avaient un côté rock'n'roll. Aujourd'hui, j'assume totalement d'être un chanteur de variété.

- Et de fredonner des chansons d'amour ?
C'est un thème universel mais on en a tellement besoin en ce moment. Quitte à passer pour un bisounours, c'était mon idée lorsque j'ai enregistré  "Les abat-jours sous le soleil". Je me souviens qu'à 20 ans, j'étais passé à côté de Barbara. Quand j'écoute maintenant "Du bout des lèvres", je trouve que c'est très beau. Il n'y a pas que le mal de vivre...

- Vos abordez des thèmes graves, mais vous restez toujours dans la suggestion ?
C'est parfois un piège parce que certaines chansons passent à côté ! Quand j'évoque, par exemple, cette histoire d'amour pendant la déportation dans "Orage", les gens ne saisissent pas forcément le propos. J'ai été inspiré par un reportage que j'ai vu à la télévision. J'ai choisi de ne pas aborder certains sujets de manière frontale parce que je trouve ça trop dur.

(c) Lori Besson

- La photo de la pochette, c'est un clin d'oeil à "L'année des méduses" ?
Pas du tout ! En fait, je n'ai jamais été fan de ma tête sur les pochettes . Il s'agit d'une photo que j'ai prise à l'aquarium de Montpellier. En voyant ces méduses, j'ai trouvé que cela avait un côté abat-jours qui collait bien avec le titre de l'album. J'y vois également quelque chose de spatial, tourné vers le ciel plutôt que vers les profondeurs.

- Vos deux premiers albums ont été produits par Francis Cabrel. Quels souvenirs gardez-vous de votre passage aux fameuses rencontres d'Astaffort ?
Faire tout ce qu'on aime, c'est-à-dire écrire et composer pendant une semaine, c'est un monde merveilleux. J'y suis allé complètement détendu, sans imaginer que Cabrel allait me remarquer. Il m'a même emmené en tournée. Nous nous sommes perdus de vue mais il m'a vraiment mis le pied à l'étrier.

- Romain Roussoulière qui a réalisé l'album n'est pas un inconnu pour vous ?
Il est guitariste et a joué avec moi sur "Les rêves de Babylone". Il a un studio à Paris et lorsque je lui ai fait écouter les nouvelles chansons, il m'a dit qu'il avait envie de travailler sur la réalisation. Ce qui est surprenant, c'est qu'il est guitariste et que le piano est très présent sur les morceaux. Cela me permet d'envisager des concerts en piano-voix, une formule que j'affectionne.

- Pouvez-vous nous parler de la chanson "Uma Thurman" ?
C'est un peu un OVNI sur le disque. Je ne l'ai jamais rencontrée mais je trouve qu'elle dégage une certaine aura. C'était un prétexte pour dire que malgré les périodes difficiles que nous traversons tous, l'art nous libère et nous fait du bien. J'aurais pu tout aussi bien parler d'un tableau de Rubens ou d'un prélude de Chopin.

- Sur l'album, vous remerciez vos parents de vous avoir donné la vie ?
C'est assez fondamental, non ?

- C'est le père qui parle ?
C'est vrai que dans la chanson "Petit royaume", je chante "Moi j'étais le roi avant toi d'un petit royaume: mon égo". J'ai eu une petite fille en 2017 et cela a complètement bouleversé mon univers.

- D'où l'apaisement que l'on ressent à l'écoute de "Sous les abat-jours du soleil" ?
En vieillissant, les choses se simplifient. On ne se prend plus la tête avec des postures. 

- Album "Sous les abat-jours du soleil" (Inouïe Distribution/TeamZic), disponible depuis le 1er octobre 2021.
- En concert, le 5 novembre 2021, à 20 h, aux Trois Baudets, 64, bd de Clichy, 75018 Paris. Tél.: 01.42.62.33.33. www.lestroisbaudets.com
- Retrouvez cet article, ainsi que l'ensemble de l'actualité culturelle (musique, théâtre, festivals, littérature, évasion) sur le site www.weculte.com 

18 oct. 2021

Un vibrant plaidoyer pour rappeler le combat de pionnières

(c) Stéphane Kerrad - KBStudios

Ecrit à quatre mains, en 2012, par Jean-Louis Debré et sa compagne Valérie Bochenek l'ouvrage "Ces femmes qui ont réveillé la France" (Editions Fayard) a inspiré une pièce de théâtre, jouée par les auteurs et mise en scène par Olivier Macé. 

Ancien Ministre de l'Intérieur, Président de l'Assemblée Nationale et du Conseil Constitutionnel, écrivain à succès, Jean-Louis Debré aura attendu l'âge respectable de 77 ans pour monter sur les planches... d'un théâtre ! L'occasion de revêtir sa robe de magistrat pour un vibrant plaidoyer en hommage au combat de femmes dont l'histoire a parfois oublié le nom. 

(c) Stéphane Kerrad - KBStudios

Sur scène, des bustes de Marianne, un bureau, la talentueuse pianiste Valérie Rogozinski et un écran où défilent les portraits de ces pionnières qui ont du bousculer les institutions pour obtenir le droit d'exercer des fonctions jusqu'ici réservées aux hommes. 

Outre Olympes de Gouges, rédactrice en 1791 de "La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" stipulant notamment que "la femme naît libre et demeure égale à l'homme", personne n'a oublié  Simone Veil, Marie Curie, Marguerite Yourcenar, Colette, Louise Michel, George Sand... mais qui se souvient de Jeanne Chauvin, première femme a revêtir la tenue d'avocate, de Madeleine Brès diplômée de médecine,  de la bachelière Julie-Victoire Daubié ou encore de la Duchesse d'Uzés qui, malgré son statut, a dû batailler pour obtenir officiellement le droit de prendre le volant ? 

Un brin cabotin, plein d'humour, Jean-Louis Debré fait preuve d'une fougueuse énergie lorsqu'il s'agit de pourfendre ces flagrantes injustices. Quant à la gestuelle parfois appuyée de Valérie Bochenek, elle s'explique sans doute par ses années de travail auprès du mime Marceau. On salue le beau moment d'émotion lorsqu'elle déclame le discours de la grande figure de la Commune Louise Michel, au moment de sa condamnation à la réclusion au bagne de Nouvelle-Calédonie. 

(c) Stéphane Kerrad - KBStudios

A l'issue du spectacle, Jean-Louis Debré attend les spectateurs à la sortie pour les remercier et leur demander s'ils ont apprécié le spectacle. A cette inhabituelle et touchante interrogation, on répond que "Ces femmes qui ont réveillé la France" devraient figurer dans les manuels et au programme des prochaines sorties scolaires !

Jusqu'à fin décembre 2021, du mercredi au samedi à 19h,  au Théâtre de la Gaîté Montparnasse, 26, rue de la Gaîté, 75014 Paris. Loc. au 01.43.20.60.56. www.gaite.com 

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11 oct. 2021

Thomas Curbillon: le charme intemporel d'un tendre crooner

(c) Anabelle Tiaffey
Musicien, enseignant, homme de radio... il a même travaillé quelques années au département jazz du label Universal Music. Autant dire que Thomas Curbillon a plus d'une corde à sa guitare. Il manquait encore à sa panoplie un album dans lequel on pourrait découvrir ses talents de compositeur et de tendre crooner.  C'est chose faite depuis le 24 septembre dernier, avec "Place Ste Opportune". Un premier opus, réalisé par Daniel Yvinec (ancien directeur de l'Orchestre National de Jazz), pour lequel il s'est entouré de solides compagnons de route: Pierre Bertrand aux arrangements, Eric Legnini (piano, Fender Rhodes), Thomas Bramerie (contrebasse), Antoine Paganotti (batterie), Stéphane Belmondo (trompette et bugle)... Sans oublier  sa compagne Gaëlle Renard qui a signé les textes. Outre ses chansons originales, Thomas swingue avec bonheur sur "Petite Fleur" de Sidney Bechet,  "Et bailler, et dormir" écrit par Charles Aznavour et immortalisé notamment par Eddie Constantine et "La berceuse à Pépé" de Claude Nougaro.

Un disque au charme intemporel,  entre jazz et chanson française,  qu'il a dédié à ses grands-parents.


- La Place Ste Opportune a une signification particulière pour vous ?

Outre le club de jazz Le Petit Opportun où j'ai assisté à de nombreux concerts, c'est l'endroit où j'ai rencontré ma femme qui a écrit les textes de l'album.  Il y a beaucoup d'autobiographie dans ce disque et beaucoup d'imagination aussi. La chanson "Place Ste Opportune" qui donne son titre au disque est aussi la première que nous avons signée ensemble.

- Travailler avec votre femme Gaëlle Renard était une évidence ?

 En général je pars des mots pour composer. Gaëlle a une façon d'écrire très sonore et musicale. Elle a aussi le sens des voyelles et des consonnes. Cela m'a permis d'imaginer plus facilement des mélodies. Au départ, j'ai une culture jazz et j'adore les standards. L'idée de chanter en français est venue petit à petit. Ce qui me plaît ce sont les histoires, le côté mini scénario.

- Comme le film à sketches "Paris, je t'aime" dans lequel vous avez joué ?

J'ai juste joué de la guitare ! C'était dans la séquence sur Pigalle avec Bob  Hoskins et Fanny Ardant. C'était une jolie expérience mais ça s'est arrêté là...

- Quand on lit votre biographie, on se dit que votre destin était tout tracé ?

Mon grand-père était tromboniste à l'Opéra Comique et il a joué avec de nombreux artistes comme Gilbert Bécaud ou Charles Aznavour. Ma grand-mère était danseuse au Théâtre du Châtelet et mon père  est guitariste. J'ai pris quelques chemins de traverse mais toujours en rapport avec la musique.

(c) Anabelle Tiaffay

- Il paraît que votre prénom fait référence à un guitariste que votre père admirait ?

 Il s'agit de René Thomas, un guitariste belge que mon père admirait et admire toujours. 

Vous vous en sortez bien. Vous auriez pu vous appeler Thelonious (NDLR prénom de Monk, célèbre pianiste et compositeur de jazz américain) 

C'est vrai que cela aurait été un peu moins passe-partout ! A la maison, nous parlions musique dès le petit déjeuner. Même les animaux n'ont pas échappé à cette passion. Nous avons eu des poissons rouges qui s'appelaient Duke et Ellington, Bill et Evans...

- Pouvez-vous nous parler de la reprise de Nougaro ?

Il avait un phrasé particulier, comme un train qui avance. Je suis sensible aux voix. Même quand j'écoute un saxophone, j'entends une voix. Dans cet album, c'est presque la berceuse qui est venue avant Nougaro. Au début, Stéphane Belmondo ne devait pas forcément jouer sur ce titre. Je lui ai raconté l'histoire de mon grand-père qui aimait beaucoup ce morceau. Il m'a répondu qu'il allait y penser... et il a accepté. Quand on écoute sa trompette, c'est comme un dialogue entre un grand-père et son petit-fils. Ce qui est formidable avec cet album, c'est que les chansons sont pleines d'images.

- Et la chanson "Sale gosse" ?

Gaëlle avait écrit quelques textes qui étaient principalement des histoires d'amour mélancoliques et romantiques. J'avais envie d'une chanson plus rythmée, un peu canaille et ribouldingue, avec des petits tiroirs. J'aime cette dualité entre le côté sale gosse faisant le malin et celui qui se rappelle son enfance avec nostalgie et douceur.

- Comment est venu le déclic pour l'enregistrement de "Place Ste Opportune" ?

Je ne sais pas s'il y a eu un déclic. En fait, j'y pensais depuis longtemps. Il y avait une envie, une conviction mais pas encore de certitude.

- Réunir la crème des musiciens de jazz hexagonaux pour un premier album, c'et assez exceptionnel ?

Là encore, c'est une belle histoire. C'est grâce à Daniel Yvinec. Nous sommes proches depuis longtemps. C'est lui qui a suggéré le nom de la plupart des musiciens qui m'accompagnent.

- Le disque a vu le jour grâce à un système de participation ?

Le label "Jazz&People" sur lequel il est sorti porte bien son nom. Il ne fonctionne qu'avec le mode participatif. Il y a quelques années, je n'y aurais même pas songé. Nous avons rassemblé bien plus qu'on ne pouvait l'imaginer. 

- Vous enseignez aussi la guitare ?

Oui. Et l'histoire du jazz qui est à la fois riche et complexe. Ce qui me fascine dans cette musique, c'est l'équilibre entre l'instinct et le savoir. Parce que les deux peuvent co-exister. On a beaucoup mis dans la tête des gens qu'ils devaient comprendre pour ressentir. J'ai toujours été admiratif face à des artistes proposant une musique qui ouvrait les bras. Moi, j'ai envie de créer un lien entre les chansons et le public. J'ai hâte que l'album ne m'appartienne plus...

- Album "Place Ste Opportune" (Jazz&People), disponible depuis le 24 septembre 2021.

- En concert, le 28 octobre 2021, à 20h, au Bal Blomet, 33 rue Blomet 75015 Paris. Loc. sur le site www.balblomet.fr, Fnac et sur place les soirs de concert (pas de réservation par téléphone)

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9 oct. 2021

Des contes croustilleux et délicieusement licencieux

(c) Florence Levillain
Dans le cadre des spectacles actuellement à l'affiche pour célébrer le 400ème anniversaire de la naissance du célèbre fabuliste, celui imaginé et interprété par Jean-François Novelli, d'après Jean de La Fontaine a une saveur bien particulière. 
Intitulé "Croustilleux La Fontaine" et sous-titré "Entrez ici et suivez-moi hardiment", il lève en effet le voile sur un pan méconnu de son oeuvre. Plus question ici de grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf, d'insouciante cigale, de fourmi pas prêteuse ou de corbeau dupé, mais plutôt de demoiselles à déniaiser, de nonnes et de curés pour le moins libertins.

Des récits dont on dit qu'ils ont bien failli lui coûter son  entrée à l'Académie Française !
Mis en musique par Antoine Sahler, ces textes délicieusement licencieux sont chantés et joués par le talentueux  Jean-François Novelli  accompagné au piano par Nicolas Royez, (en alternance avec Romain Vaille).  Et le facétieux ténor ne ménage pas les effets pour nous offrir un réjouissant divertissement. Il faut dire que se mettre au service d'une plume aussi leste et inspirée est chose rare !
D'autant plus que la mise en scène de Juliette est une véritable valeur ajoutée. "Si j'ai insisté auprès de Jean-François Novelli et Antoine Sahler pour "en être", c'est que cette idée de spectacle m'a littéralement émoustillée" confie-t-elle. " Ceux qui pensent encore que "La Fontaine c'est pour les enfants" vont avoir des surprises !

(c) Florence Levillain

On suit ainsi la jeune Lise, soucieuse de trouver un peu d'esprit auprès de l'accueillant Père Bonaventure, une nonne à la santé fragile à qui la Faculté recommande de prendre illico un amant, les mésaventures d'Alice dont le futur bébé aurait besoin de "finitions"... On apprend également à confectionner, dans les règles de l'art, un gouteux pâté d'anguilles et on sourit en découvrant la ruse imaginée par une prieure presbyte pour débusquer un intrus dans son couvent.

Pas de morale évidemment à la fin de ce "Croustilleux La Fontaine" mais une petite frustration tout de même. On aurait aimé que le spectacle dure plus d'une heure, histoire de prolonger le plaisir...

Les vendredis et samedis, à 21h, jusqu'au 30 octobre 2021, au Théâtre Les Déchargeurs, salle Vicky Messica, 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris.
Tél.: 01.42.36.00.50.  www.lesdechargeurs.fr
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4 oct. 2021

Estelle Perrault, nouvelle étoile du jazz vocal

(c) Elodie Martial
Quelques mois avant la sortie de "Lots of Love" (en 2020), son premier album de standards en version digitale, elle avait reçu la mention spéciale du jury aux Trophées du Sunside. On ne s'étonnera qu'à moitié que le pianiste Alain Jean-Marie ait eu envie de prendre Estelle Perrault sous son aile et de se produire avec elle dans une série de concerts piano-voix. Avec son phrasé, sa musicalité, son swing et son timbre sensuel, cette jeune artiste de 31 ans apparaît d'ores et déjà comme la nouvelle étoile du jazz vocal.

Il y a quelques jours, elle a sorti "Dare That Dream". Outre deux reprises: "Yesterdays" de Jérome Kern et "You Must Believe in Spring" de Michel Legrand, Estelle a signé tous les textes en anglais et composé quatre mélodies.  

Des chansons qui parlent de nostalgie, d'espoir, mais aussi de ses racines puisque sa mère est taïwanaise et son père français. Dès la première écoute, on est subjugué par la radieuse nostalgie dégagée par ce bel opus. Au point de regretter qu'il ne comporte que huit titres  !

Rencontre avant son concert au Studio de l'Ermitage, le 16 octobre prochain.


- Pouvez-vous nous parler de la reconstitution en 3D du mythique ballroom du Savoy de New York pour le clip de "You Must Believe in Spring"

- C'est une idée du label. J'ai trouvé que c'était une belle opportunité de chanter dans le décor reconstitué de ce club aujourd'hui disparu. J'ai joué sur le côté glam de l'époque.

- "Osez le rêve", c'est un joli titre pour un album enregistré en plein confinement ?

 D'autant plus qu'au début de la conception, je traversais une période difficile. J'ai même songé à tout arrêter. J'ai eu la chance d'être entourée et encouragée par des amis. Ecrire m'a permis d'aller plus loin dans l'introspection. Pour les titres, j'ai procédé par enchainements. Les premiers sont sur la nostalgie car ma famille à Taïwan me manque. Etre partagée entre deux cultures est toujours perturbant. Puis, j'ai voulu cette note d'espoir avec ""Flower Bloom" pour parler d'une jeune femme qui a choisi de faire de la musique. Petit à petit, "Dare That Dream" s'est imposé.  Tout comme le message de "Il faut croire au printemps".

- Pourquoi avez-vous choisi ce titre composé par Michel Legrand ?

 J'ai découvert ses compositions en écoutant des artistes américains comme Bill Evans. Si j'avais pu, j'aurais enregistré tout un album avec des chansons de Michel Legrand !

(c) Ewa Cieszkowska


- Vous avez aussi grandi en écoutant Billie Holiday et Ella Fitzgerald ?

En fait, j'ai découvert le jazz à l'âge de 17 ans. Billie Holiday et Ella Fitzgerald sont devenues des  figures maternelles. En grandissant, on a besoin de trouver son identité. Ces femmes de caractère représentent des exemples que je n'ai pas forcément rencontrés durant mes jeunes années à Taïwan.  

- D'où la chanson "Dreams Comme True" sur le nécessaire combat des femmes ?

Je pense que c'est important d'avoir des chansons engagées. Je le suis politiquement et en ce qui concerne la cause des femmes. C'est aussi une manière pour moi d'annoncer la couleur de la suite... Il faut juste trouver la bonne manière de dire les choses en évitant les clichés. 

- Un souvenir de vos études de droit ?

Mon but n'était pas forcément de devenir avocate mais plutôt d'enseigner. J'ai toujours eu envie d'aider la société. Cela m'a touchée lorsque des amis m'ont dit que ma musique leur apportait quelque chose. Moi, le jazz m'a donné de la stabilité. C'est devenu mon fil conducteur, ma famille !

- Comment avez-vous rencontré le pianiste Alain Jean-Marie ?

C'était dans un café. Il jouait et j'ai osé aller près de lui pour chanter. J'étais très intimidée. Je me disais que je devais être à la hauteur et cela m'a donné une vraie motivation. Le jazz est une musique basée sur le partage, l'échange. Alain Jean-Marie incarne totalement cet état d'esprit. C'est quelqu'un d'une grande humilité et de profondément gentil. J'essaie de ne jamais oublier tout ce qu'il m'a apporté.

- Le choix de l'anglais pour chanter s'est imposé ?

C'est mon côté citoyenne du monde ! Je me retrouve complètement dans cette langue et pour le jazz cela me semble assez évident. Je ne suis toujours pas à l'aise avec le français. Lorsque je suis arrivée ici, je ne parlais pas un mot de votre langue. 

- Vous attachez beaucoup d'importance au phrasé ?

C'est vrai. Il faut trouver le juste milieu entre la technique du jazz vocal et celle de la respiration. Après, il faut aussi laisser parler l'émotion. Mais pas trop ! C'est un challenge pour moi car je suis très émotive. Il m'est déjà arrivé de pleurer  en chantant. Aujourd'hui, on a parfois l'impression que tout le monde chante de la même manière. Or, plus on est soi-même, plus on se démarque. Si vous écoutez bien Carmen McRae et Sarah Vaughan, vous constaterez que leur phrasé est totalement différent mais elles transmettent quelque chose de tellement vrai. C'est ce que j'aime aussi dans le jazz: on raconte une histoire. 



- album "Dare That Dream" (Art District MUSIC/ distribution SOCADISC), disponible depuis le 17 septembre 2021.

- En concert le 16 octobre 2021, à 20h30, au Studio de l'Ermitage, 8, rue de l'Ermitage, 75020 Paris. Tél.: 01.44.62.02.86. www.studio-ermitage.com

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