5 janv. 2018

Stéphane Corbin : "j'aime les artistes qui poétisent le réel"

(c) Vanessa Buhring
Il a décroché son premier contrat à Paris comme pianiste sur la comédie musicale "Chance" d'Hervé Devolder, joué et chanté dans "La vie parisienne" d'Offenbach, mise en scène par Alain Sachs, composé des musiques pour le cinéma et le théâtre, enregistré deux albums sous son nom ("Optimiste" et "Les Murmures du temps"), assuré les premières parties de Juliette, Thomas Fersen, Dick Annegarn et pas moins de 500 concerts en tournées et sur des festivals...
Depuis quelques années Stéphane Corbin s'est lancé dans la belle aventure des Funambules, un collectif qui lutte, en chansons, contre l'homophobie. Il manquait encore une casquette à l'accomplissement de cet artiste, celle de l'écrivain. Une lacune brillamment comblée avec "Nos années parallèles" (Éditions LamaO). Un ouvrage émouvant, d'une tendresse rare qui se présente un peu comme un double journal. "Lui" parle de son enfance solitaire, de ses premiers émois amoureux, de ses débuts dans la musique... "Elle", sa mère, se souvient de ses nuits à refaire le monde en écoutant du rock'n'roll, de ses rêves de devenir Anna Karénine ou Manon Lescaut, de sa maladie...
Entretien avec un homme apaisé qui répond aux préjugés en composant des chansons comme "J'ai rien demandé", "Nos différences","Histoires d'amour"...

Comment est née l'idée de ce livre à deux voix ?
Ma mère est morte il y a déjà 17 ans et je me suis rendu compte qu'il y avait des choses dont on ne parlait plus, que j'avais peur d'oublier. C'est un livre très intime et cela n'était pas évident pour moi mais j'ai ressenti une certaine urgence à le faire. J'ai eu besoin et envie de parler de son enfance à elle. De cette femme pleine de folie qu'elle était plus jeune et que je n'ai pas connue. C'était une chercheuse renommée. J'ai consigné tout ce qui me revenait. Plus tard, après une rupture amoureuse, je suis parti seul à Saint-Malo avec mon ordinateur et j'ai commencé à retranscrire mes notes. Le deuil amoureux m'a permis de me reconnecter. "Nos années parallèles" est une histoire à la fois personnelle et universelle.
Il y a notamment ce moment à la fois drôle et émouvant où tu penses faire ton "coming out" ?
Lorsque j'ai essayé de lui faire cette confidence, elle m'a répondu qu'elle le savait déjà. Et elle a enchaîné en me demandant si je préférais manger des frites ou de la blanquette ! Ou peut-être aussi une tarte aux pommes...
Tu as demandé conseil à ton père et à ton frère ?
Non mais je leur ai fait lire le livre avant d'entamer les démarches pour sa publication. Mon père a apporté quelques précisions sur leur rencontre. C'était important de lui faire honneur à elle mais aussi à eux.
Tu évoques aussi ce "truc injuste qui s'appelle l'enfance" ?
C'est une période durant laquelle on n'a pas de pouvoir, pas de libre arbitre. Les enfants sont impitoyables entre eux. Je n'ai aucune nostalgie de cette période. Aujourd'hui, j'ai 40 ans et ce qui m'obsède, c'est de lutter contre le déterminisme.
D'où l'idée de créer la troupe des Funambules ?
Elle m'est venue pendant les manifestations contre le mariage pour tous. J'ai été tellement choqué par ce qui se passait. C'était la première fois que des gens défilaient dans la rue pour dire qu'ils ne voulaient pas qu'une catégorie d'hommes et de femmes aient les mêmes droits que les autres. J'ai réfléchi à ce que je pouvais faire et le déclic est venu lorsque j'ai regardé le documentaire "Les invisibles" (écrit et réalisé par Sébastien Lifshitz). Moi, j'ai choisi de m'exprimer en musique parce que ce que je sais faire, ce sont des chansons. Aujourd'hui, nous sommes une troupe de 400 personnes.
 Pourquoi ce nom de Funambules ?
Je ne voulais pas choisir un nom stigmatisant. J'aimais bien cette image qui conjugue les notions de danger, de grâce et de détermination qui sont nécessaires pour se déplacer sur un fil.
Le prochain déplacement parisien aura lieu à l'Alhambra ?
Oui. Nous tournons avec deux types de spectacles. Il y a la formule réduite que nous avons présentée dernièrement au Studio Hébertot et une plus importante qui réunit 50 à 60 personnes sur scène. C'est cette dernière qui sera à l'affiche de l'Alhambra en juin prochain. Toutes les chansons sont mises en scène, comme un concert théâtralisé. Chacun raconte une histoire très personnelle sur l'homosexualité.
Contrairement à la violence de certains discours, ta démarche semble plus ouverte, moins revendicatrice ?
Je ne sais faire que dans la douceur. Je suis pour l'inclusion et non pas l'exclusion. Ce que j'aime avant tout, ce sont les artistes qui poétisent le réel. C'est ce que j'essaie de faire...

"Nos années parallèles", Editions LamaO, disponible depuis le 7 novembre 2017
En concert : les 11 et 12 juin 2018, à 20 heures, à l'Alhambra, 21, rue Yves Toudic, 75010 Paris. 
Tél.: 01.40.20.40.25. Places: 25 et 28 €, carré or à 35 €. http://www.alhambra-paris.com/