24 févr. 2022

Marion Rampal: "Avec l'album "Tissé", j'ai le sentiment d'avoir trouvé ma maison"

(c) Alice Lemarin

Son timbre d'une exceptionnelle musicalité lui permet de jouer avec tous les registres.  Marion Rampal a ainsi interprété des airs du cabaret berlinois, Mozart, Duke Ellington, Henri Purcell, Brigitte Fontaine, Blind Lemon Jefferson (considéré comme le père fondateur du blues du Texas)...
Avec "Tissé" qui sort officiellement le 25 février prochain, elle nous offre l'un des albums les plus captivants de ce début d'année. Onze chansons réalisées par Matthis Pascaud (également aux guitares, claviers, percussions et co-compositeur avec Marion sauf "Calling To The Forest") et enregistrés avec un solide combo de musiciens : Pierre-François Blanchard, Sébastien Llado, Raphaël Chassin, Tony Paeleman sans oublier les participations du saxophoniste Archie Shepp, de la batteuse Anne Paceo et du songwriter Piers Faccini.
Au fil de titres comme "A volé", "D'autres soleils", "Maudire", "Blossom", "Où sont passées les roses" (texte anglais de Piers Faccini) ou encore "Still A Bird", son chant, tout en retenue, nous emmène dans un onirique voyage entre folk, musique cajun, blues, maloya...
Rencontre avec une artiste qui échappe à toute étiquette, avant son prochain concert parisien, le 18 mai à la Maison de l'Océan, dans le cadre du Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés.

- Comment pourrait-on définir le titre de l'album ?
A l'origine, je pensais l'appeler "Lovis" qui veut dire jeudi en latin. Un jour, à l'issue d'un concert, une femme est venue me voir en me disant que je rassemblais plein de choses. J'ai aimé cette idée de tisser des liens, avec la trame, le fil, des bouts disparates. Cette notion de travail collectif où s'entremêlent les couleurs, les influences, les énergies.

- Musicalement, vous avez flirté avec tous les genres. Vous étiez même dans un groupe de rock, non ?
 J'ai en effet commencé à chanter et jouer dans un groupe qui s'appelait "Wesh Wesh" avec une guitare acoustique 12 cordes, genre Jimmy Page. A l'époque, je rêvais d'être Jim Morrison ! J'ai longtemps été en recherche. Avec l'album "Tissé", j'ai le sentiment d'avoir trouvé ma maison.

- C'est-à-dire ?
Le confinement m'a été bénéfique car je me suis recentrée sur l'intimité de l'écriture. Il a fallu faire un vrai travail d'épure pour trouver mon style. J'avais une sorte de cahier des charges, tout en sachant qu'il faudrait dégager mes affinités avec le folklore, l'Afrique de l'Ouest, la Nouvelle-Orléans. Toute seule, je ne serais pas arrivée à une ligne aussi claire et aussi riche. Je suis d'un nature assez bordélique et Matthis Pascaud a su mettre de l'ordre dans tout ça,  comme un véritable architecte d'intérieur. D'où l'intérêt de travailler avec un bon réalisateur. 

- Votre séjour à la Nouvelle-Orléans vous a inspirée ?
J'ai surtout acquis un swing que je n'avais pas avant d'aller là-bas. J'ai marché des journées entières derrière des orchestres de rue en bougeant les fesses ! Cette célébration de la musique m'a permis de revenir avec un truc qui relève à la fois de l'instinct et de l'intelligence. 

(c) Alice Lemarin



- Vous avez également évité la démonstration vocale ?
Je souhaitais une vraie mise à nu de la voix. C'était un exercice difficile mais cela m'a apaisée. Comme si je posais mes valises.

- Dans cet album, vous parlez la mort sous une forme assez poétique ?
J'ai un rapport subliminal avec la mort. Une perception que je retrouve  parfois dans des chansons de Léonard Cohen ou des écrits de Virginia Wolf.  Passé un certain âge, on pense au vieillissement, à la mort mais aussi aux relations amoureuses qui peuvent évoluer sans forcément dépérir. A la Nouvelle Orléans on accompagne les enterrements en chantant, en jouant de la musique et en portant des tenues colorées. C'est une manière de célébrer la vie de celui qui part.


- Le titre "L'île aux Chants Mêlés" est également celui d'un spectacle pour jeune public avec lequel vous tournez toujours ?
C'est un spectacle qui s'adresse aux enfants mais aussi aux adultes. J'ai eu envie de raconter ces voyages de musiques, le métissage des cultures, comment les chansons naissent... Avec deux complices, nous partons tels des troubadours, pour trouver cette île aux chants mêlés, sur les traces d'artistes connus ou moins connus. 

- Peut-on dire que "Tissé" est l'album qui vous ressemble le plus ?
C'est ce que je suis maintenant. Mais peut-être aussi celle que j'ai toujours été !


- Album "Tissé" (Les Rivières Souterraines/L'Autre Distribution), disponible le 25 février 2022.
- En tournée avec le spectacle "L'Île aux Chants Mêlés", les 9 et 12 mars 2022 au Théâtre Antoine Vitez d'Ivry-sur-Seine et le 20 mai au Festival "Jazz Sous les Pommiers" (Théâtre de Coutances.
-  En concert: Le 29 avril, au Théâtre du Rocher (La Garde,) le 18 mai 2022, au Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés (avec Naïssam Jalal et Piers Faccini).....
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21 févr. 2022

Agnès Bihl: la gouaille et les révoltes d'une attachante frondeuse

(c) Francis Vernhet

"Etre une femme libérée tu sais c'est pas si facile...
" chantait le groupe Cookie Dingler dans les années 80. Un constat qu'Agnès Bihl confirme, quatre décennies plus tard, avec son dernier album "Il était une femme" (Coup de coeur de l'Académie Charles Cros). 
Des chansons poétiques et politiques,  tendres et ironiques, à l'image de cette artiste qui a travaillé aux côtés d'Anne Sylvestre, Charles Aznavour, Yves Jamait...
Depuis son premier opus "La terre est blonde" (sorti en 2001), l'auteur et interprète creuse le sillon d'un répertoire contestataire et un brin libertaire qui raconte avec une gouaille salutaire les "36 heures de la vie d'une femme" (parce que 24, c'est pas assez !),  "Les p'tites misères" du quotidien, le temps qui passe... tout en s'insurgeant contre les dérives d'un monde qui ne tourne décidément pas très rond. 

(c) Francis Vernhet


Sur la scène des Trois Baudets, il y a quelques jours, elle confessait dans le titre "Ni parfaite, ni refaite" : "Sur les lignes de mon visage on peut bouquiner mon histoire, mes coups de foudre et mes orages...". Un visage étonnamment expressif sur lequel passe toutes les émotions et révoltes qui l'agitent (un peu trop parfois !). 
On peut évidemment préférer les moments plus émouvants de "La plus belle c'est ma mère",  "Les gens bien" ou "SOS bonheur" aux textes "engagés" comme "Ça va Manu ?" (sur l'air du Manu de Renaud) qui affichent bien souvent une date de péremption ! 
Mais on sent bien que cette attachante frondeuse, n'est pas prête à ranger sa plume incisive dans des casiers plus formatés.  Et c'est plutôt rassurant...  

- Album "Il était une femme" (Editeur: Un Week-end à Walden)
- En tournée: Le 19 mars 2022, au Festival "Couleurs chanson" de Murs Erigne (49), le 15 avril à Saint- Maixent-L'Ecole (79), le 29 avril à Blois (41), le 14 mai à Aubagne (13), le 17 juin au Festival Drôles d'Oiseaux, à Avignon...

14 févr. 2022

Luciole: "Je n'écris pas des chansons pour faire des likes, mais parce que j'en ai besoin"

 

(c) Alice Lemarin

Après "Ombres" (en 2009), un premier album prometteur, coup de coeur de l'Académie Charles Cros,  réalisé par Dominique Dalcan, puis le très réussi "Une", Luciole confirme ses talents d'écriture, à la fois sensible et incisive, avec "Un cri" . Un troisième opus, concocté cette fois avec la complicité d'Antoine  Kerminon et Clément Simounet, deux musiciens qui l'accompagnent sur scène. Un  éclatant retour aux textes parlés et chantés, imaginés durant des séminaires et ateliers d'écriture, portés par son timbre mélodieux. Entre les belles et poétiques déclarations d'amour de "L'effet et la cause" ou de "Deux coeurs", elle parle de conquête, de tempêtes, de rencontres furtives, d'insomnies...
Actuellement en tournée, Luciole a pris le temps de répondre à quelques questions, avant son premier concert au Café de la Danse, à Paris,  le  31 mars prochain.

- Dans ce nouvel album, vous revenez aux textes parlés et chantés. Entre slam et chanson, votre coeur balance toujours ?
J'ai l'impression qu'il n'y a pas de choix à faire. Pour l'album précédent, j'avais assumé le côté chansons sur scène. J'ai toujours le désir d'alterner. Je ne suis pas instrumentiste, j'écris à voix haute.

- C'et vrai que vous avez été championne de France de slam ?
Oui. En 2005 et 2006. Un peu avant de prendre la décision de sauter le pas et de faire de la scène mon métier. 

- C'est à cette période que vous avez adopté le nom de Luciole ?
Dans le slam, tout le monde a un pseudo. Je me souviens que quelqu'un avait suggéré d'ajouter un o à mon prénom Lucile en disant que cela faisait plus poétique. Je  ne suis pas certaine que je m'appellerai Luciole toute ma vie mais, pour l'instant, je ne suis pas prête à la laisser derrière moi. 

-  Dans l'album "Une", vous chantiez "je ne suis pas plusieurs, je suis une qui ne ressemble à aucune autre" mais aujourd'hui, vous écrivez: "J'ai deux coeurs, je suis plusieurs" ?
C'est comme ça que j'ai annoncé ma grossesse sur les réseaux sociaux. Je suis toujours une, mais je me suis décuplée !

- Dans "Il est temps", vous parlez d'écrire des chansons pour se relever ?
J'ai toujours eu une écriture très exutoire, cathartique. J'écris beaucoup à la première personne mais jamais lorsque je suis au creux de la vague. J'attends de sortir la tête de l'eau. C'est un métier que je trouve fascinant mais qui est aussi très dur. Il m'a causé parfois de grandes crises de doutes, de tempêtes. J'ai eu envie et besoin de les assumer en chansons.

(c) Alice Lemarin


- Dans la bio qui accompagne l'album, vous citez Patti Smith parmi vos sources d'inspiration ?
Je la connaissais mais je me suis vraiment intéressée à elle lorsque j'ai enregistré l'album. C'est une artiste qui ne vit et respire que pour créer. Cela force mon admiration. On est tellement dans une époque d'images, de codes, d'algorithmes... Moi, je n'écris pas des chansons pour faire des likes mais parce que j'en ai besoin. Je me sers des réseaux sociaux pour communiquer sur mon projet artistique.

- En parlant de communiquer, vous animez toujours des ateliers d'écriture ?
 Je participe à des ateliers, des actions culturelles. Depuis 2 ou 3 ans, je suis artiste associée avec les Francofolies. Nous rencontrons des élèves de collèges, de lycées et nous allons aussi dans les prisons. Ce sont des actions que je ne dissocie pas de mon métier.

- Vous avez fait appel aux participations pour enregistrer "Un cri" ?
 C'est un album auto-produit. Je n'avais pas songé à cette démarche au début. Au bout du compte, je n'ai pas trouvé illogique de dire aux gens "si vous souhaitez acheter l'album, achetez-le maintenant". 

- Sur scène, vous avez toujours votre grelot baptisé Michel ?
Ce n'est plus moi qui en joue mais il est encore là et il s'appelle toujours Michel.

- Sur l'album précédent, vous terminiez vos concerts en sortant d'un chapeau des petits bateaux en papier. Qu'allez-vous sortir de votre chapeau au Café de la Danse ?
J'ai un peu laissé tomber les origamis. Mais je les conserve précieusement. Il y en avait un nouveau à chaque date. J'ai pas mal tourné et la flotte s'est bien agrandie ! Sur ce spectacle, j'avais envie qu'il y ait un fil conducteur. Cela reste un concert, mais il y a aussi l'idée d'un spectacle-conférence autour du cri. 

- Un cri qui ne doit pas seulement être un écho ?
Je crois que c'est Einstein qui a dit: "sois une voix, pas un écho" ! Dans la chanson "Avec mes crocs"", la phrase "Car aujourd'hui je veux être une voix, pas un écho" est sortie toute seule... 


- Album "Un cri" (Label Attends-moi/Inouïe Distribution), disponible depuis le 28 janvier 2022
- Concert à Paris, le 31 mars, à 20 heures, au Café de la Danse, 5, Passage Louis-Philippe, 75011 Paris. Loc. points de vente habituels et sur le site www.cafedeladanse.com.
- En tournée: le 10 mars 2022 à Nantes (44), le 11 mars à Pornichet (44), le 12 mars à Chaponnes-sur-Loire (49), le 13 mars à Challans (85), le 15 mars à Sotteville-lès-Rouen (76), le 16 mars à Passais-la-Conception (61), le 17 mars au Havre (76), les 24 et 25 mars à La Souterraine (23), le 31 mars au Café de la Danse à Paris, le 10 juillet à Albi (81), le 2 août à Barjac (Festival Barjac m'en chante)...
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13 févr. 2022

La délicate mélancolie d'Alexia Gredy

(c) Virgile Guinard

En 2017, son EP "L'habitude" produit par Baxter Dury et Geoff Barrow ( de Portishead) n'était pas passé inaperçu puis Alexia Gredy avait disparu du paysage... pour mieux revenir avec le superbe "Hors Saison". Un premier album pop aux accents électro, réalisé par Benjamin Lebeau (ex membre de The Shoes) qui remporte déjà tous les suffrages. Il faut dire que cette jolie trentenaire, originaire de Mulhouse, maîtrise l'art de raconter des histoires intemporelles autour du sentiment amoureux: de l'attente à la déception en passant par le désir, les obsessions... "Je fais des chansons pour me cacher derrière" confiait-t-elle lors d'une interview. 
Ce qui séduit d'emblée chez la discrète Alexia, c'est le contraste entre une silhouette qui semble à peine sortie de l'adolescence et la maturité de l'écriture, ses textes à la fois intimes et pudiques, ce timbre doux porté par des mélodies entêtantes, cette manière de conjuguer le passé et le présent.
"De la douceur de tes mots, j'ai gardé juste le meilleur. Pour mes erreurs les jours de trop, je n'ai jamais été à l'heure... parfois je pleure en décalage..." chante-t'elle dans "Vertigo", le titre avec lequel elle a débuté son concert parisien (complet),  il y a quelques jours, à la Boule Noire. 



Presque timidement, accompagnée de deux musiciens (à la batterie et à la basse) elle s'installe aux claviers ou prend sa guitare pour interpréter "Mon rêveur", "Diabolo menthe", "Balader dans les roses", "Beau masque", "Hors saison", "L'amoureuse" (sur un poème de Paul Éluard)... et une belle relecture de "Aïcha", la chanson écrite par Jean-Jacques Goldman pour Khaled. Un titre qu'elle démarre a cappella et que le public reprend volontiers avec elle.
Comme pour bon nombre de jeunes artistes, elle n'échappe pas aux comparaisons et certains n'hésitent pas à voir en elle quelque chose de François Hardy. Mais Alexia Grey a un univers bien à elle, empreint d'une délicate mélancolie, où le temps semble suspendu, comme en apesanteur...

- Album "Hors saison" (Universal Music/Polydor), disponible depuis le 21 janvier 2022

- En concert: le 1er mars 2022, à 20 heures, à La Boule Noire, 120, Bd de Rochechouart, 75018 Paris. Loc. points de vente habituels. Tarif unique à 13,80 Euros. www.laboule-noire.fr

- En tournée: le 19 mars 2022 au Festival Nouvelles Scènes à Niort, le 24 juin, La Crème Festival à Villefranche sur Mer, le 17 juillet au Festival Conç'Air en Alsace.

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6 févr. 2022

Yara Lapidus: "Back To Colors est un album qui me ressemble"

(c) Alfredo Piola 

Après "Indéfiniment" réalisé par Gabriel Yared, qui contenait notamment un duo avec Iggy Pop (dans la version deluxe), Yara Lapidus sort le 18 février prochain le bien-nommé "Back To Colors". Cette fois, l'ex- égérie d'Olivier Lapidus et créatrice de mode,  venue tardivement (et avec bonheur !) à la chanson, a enregistré sous la houlette de Jean-Louis Piérot (Alain Bashung, Jane Birkin, Etienne Daho..), avec la complicité de compositeurs tels que son compatriote Bachar Mal-Khalifé, Craig Walker (ancien chanteur du groupe Archive),  Fyfe Dangerfield (membre fondateur du groupe de rock indépendant Guillemots) ou encore Jim Bauer (remarqué dans la dernière édition de The Voice). 

Une foisonnante palette de sons et de couleurs, dans laquelle l'artiste franco-libanaise donne la réplique à Chico César dans "L'amor c'est la vie"", fustige avec humour les usages intempestifs du fameux "RIP" sur les réseaux sociaux, évoque la puissance des liens du sang avec "Brotherhood", nous entraîne au gré des balancements de "Rocking Chair" tout en rendant un vibrant hommage à sa ville de naissance dans l'émouvant "Oumi Ya Beyrouth".  Entretien avant son concert le 2 mars prochain, aux Trois Baudets.

- Ce disque est moins mélancolique que le précédent ?

"Back To Colors" est un album qui me ressemble. Il y a à la fois le côté parisien, le côté world puisque je chante en libanais, en portugais, en anglais et en français.  Et j'avais envie de quelque chose qui sonne pop-rock. 

- Il y a aussi un côté vintage, notamment dans le clip qui accompagne  le titre "Oumi Ya Beyrouth" ?

Oui, il y a dans l'album de vieux claviers. Quant au clip, j'ai voulu montrer le Liban que je n'ai pas connu. J'ai contacté le centre des archives là-bas et ils ont bien voulu me prêter des documents. Ils ont compris ma démarche et l'importance de véhiculer les images d'un pays en paix et de gens heureux. C'était un échange compliqué sur fond de coupures de réseau internet et d'électricité.

- Il paraît que votre premier rendez-vous avec Jean-Louis Piérot s'est déroulé à une date que vous ne pourrez pas oublier ? 

 Lorsque nous nous sommes rencontrés, j'avais mis mon portable sur silencieux. J'ai remarqué qu'il n'arrêtait pas de vibrer mais je l'ai ignoré, par courtoisie  A la fin de notre échange, j'ai lu tous les messages qui m'informaient des deux explosions successives dans le port de Beyrouth. Nous étions effectivement le 4 août 2020. Lorsque je suis rentrée chez moi, j'ai écrit le texte de "Oumi Ya Beyrouth" tout naturellement dans ma langue natale.



- Le thème de la chanson "RIP" est assez inattendu ?

Je tournais autour depuis 2 ou 3 ans ! Au moment du décès d'Azzedine Alaïa, une personne de mon entourage avait écrit: "que ferais-je sans toi, mon ami, mon maître...". On voyait presque les larmes sortir de son post. Le lendemain, elle s'affichait avec une grande tablée, en train de rire. Je me suis dit, c'est donc ça ! J'avais enfin trouvé le bon angle et le bon refrain. 

- Chico César n'est pas un inconnu pour vous ?

Nous avions déjà collaboré dans l'album précédent. C'est un être exquis, un poète qui a conservé son âme d'enfant. Là, j'ai eu envie de partir d'une page blanche avec lui. Il a lancé quelques notes de musique et j'ai mis un texte dessus. Lorsqu'il est venu à Paris, nous avons dîné ensemble et il m'a dit: "Et si on faisait un clip ensemble ? et il a ajouté: "je pars dans 4 jours". Nous nous sommes retrouvés sur un toit de Paris pour tourner ce clip qui sortira prochainement.

Pouvez-vous nous parler de "Just A Dream Away", un disque réservé au marché américain dans lequel vous avez adapté un titre de John Lennon en libanais ?

C'était juste avant la crise sanitaire. Les titres ont reçu un bon accueil et une tournée était même prévue là-bas. Quant à la chanson de Lennon, j'avais choisi "How" qui n'était pas la plus populaire de l'album "Imagine". Tout monde m'avait découragée. J'avais notamment vu le nom d'une star qui n'a jamais pu obtenir d'autorisation. En plus, chanter Lennon en libanais, c'était vraiment audacieux. Mais il suffit qu'on me dise que quelque chose est impossible pour que je me lance. C'est trop ennuyeux de rester dans les clous. J'aime aller dans des zones de non confort. J'ai donc préparé une maquette, je l'ai envoyée et ça a marché.  J'ai eu raison de faire confiance à ma bonne étoile !

- Vous avez réalisé vos deux rêves: la mode et la musique ?

 Le premier était avoué, l'autre non. Pour mon père,  être styliste passait beaucoup mieux. Cela ne m'a pas empêchée de faire de la guitare, du piano et d'écumer tous les cours de théâtre. J'ai aussi appris à poser ma voix. Je me voyais sur scène mais je ne savais pas vraiment ce que je voulais y faire. Il a fallu un accident pour que je renonce à la mode et à la guitare. C'est Olivier (Lapidus) qui m'a encouragée. J'ai commencé ce métier à 37 ans, c'est de la folie !  
 

- album "Back To Colors (label Yara Music, distribution Kuroneko/Believe), disponible le 18 février 2022.

- En concert, le 2 mars 2022, à 20h30, aux Trois Baudets, 64, Boulevard d de Clichy, 75018 Paris. Tél.: 01.42.62.33.33. www.lestroisbaudets.com

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