(c) E. Segelle |
Vous ne trouverez pas forcément "Éponyme" en tête de gondole, comme on dit, mais ce nouvel opus est l'un de ceux qu'il faut écouter d'urgence.
Une oeuvre dense et sombre, traversée de lumineuses fulgurances dont cet auteur-compositeur a également assuré les parties guitares, basses, piano, la programmation, l'enregistrement et le mixage.
Des chansons qui parlent de soleil voilé, de montagnes franchies et de déserts sans eau, d'une fille dans un train, mais aussi de couleurs pour colorier le monde autrement...
- Vous étiez en panne d'inspiration pour trouver un titre à cet album ?
Il aurait pu s'appeler "Des à-pics des fadaises" mais c'est parfois réducteur de choisir le titre d'une chanson. Et là, franchement, j'avoue que j'étais en manque d'idée.
- Est-ce parce que c'est aussi celui qui vous ressemble le plus ?
Tout ce que j'écris n'est pas forcément vécu. Il s'agit surtout de ressenti, de regards que je croise. Ma vis est assez banale. Je crée personnages parce que ça me dédouane.
- C'est-à-dire ?
Il faudrait être idiot ou aveugle pour ne pas percevoir la merde qui nous entoure, la perte de certaines valeurs, mais je ne vois pas l'intérêt de le chanter de manière frontale. Cela va sans doute avec l'âge.
- Ou la sagesse ?
Oui et non. Si je vois un moine bouddhiste, je me dis que c'est une forme de sagesse. Mais il vit en reclus...
- Les références récurrentes à Arthur H, Arno ou Brel vous agacent ?
Ça va mieux. Je trouve cela évidemment très flatteur. Un journal américain a même évoqué le "frenchy Leonard Cohen" !
- Pouvez-vous nous parler du morceau instrumental que vous avez intitulé "Raphaël" ?
Il évoque un ami. Dans la vie, j'ai du mal à exprimer mes sentiments. Raphaël est quelqu'un qui a mené une carrière classique tout en ayant une incroyable folie en lui. Ce morceau est la représentation que je me fais du personnage et ma manière de lui rendre hommage.
(c) N. Ragu |
J'adore ça ! Ce n'est pas du tout un travail pour moi. J'apporte ma vision des choses, le rythme de la narration. Il suffit que je puise dans ma petite bibliothèque musicale pour que l'inspiration coule à flot. Je ne me retrouve jamais devant une page blanche.
- L'exercice est plus douloureux pour la chanson ?
Oui et non. On doit parfois se plonger dans certains états pour aller chercher une émotion ou une image.
- Des états qui expriment un certain désespoir, non ?
Mais dans la vie, je peux être très léger ! S'il fallait envisager sérieusement la réalité des choses, le quotidien serait plombant. Les révoltes nourrissent pendant un certain nombre d'années. Après, on s'aperçoit qu'elles sont un peu vaines...
- Donc, vous écrivez ce qui vous perturbe ?
Oui, parce que je ne veux pas que ça germe en moi.
- Avec la chanson "Des couleurs", vous vous êtes autorisé un peu de légèreté ?
J'ai voulu écrire quelque chose de simple, de basique. Elle semble légère et lumineuse parce qu'elle est enfantine.
- Elle exprime peut-être votre part de fragilité ?
On n'a jamais la certitude que ce qu'on fait est bien. A mes débuts, j'ai fait du punk, du rock... J'ai commencé à aimer ce que je fais depuis 3 ou 4 albums. Mais je me sens privilégié parce que je vis de ma musique. Cela ne m'empêche pas de me remettre souvent en question. En fait, je pense que la clef d'une forme de jeunesse intellectuelle, elle est là. J'espère que ce que je dis ne paraît pas trop prétentieux ?
- Album "Éponyme" (Balandras Éditions), disponible depuis le 11 octobre dernier.
En concert: le 22 novembre 2019, Espace Matthieu Côte, à Rompon (07), le 24 novembre, "Chant'Appart", à Marseille (13), le 29 novembre, Le Gueulard à Nilvange (57), le 8 mars 2020, Festival "Chantons sous les pins" à Pomarez (40), le 27 mars à la Médiathèque de Toul (54), le 15 juillet, Fish'n Blues" à Munich...