22 nov. 2022

Christian Vander: "Magma n'a jamais composé en fonction des modes"

 

(c) Christophe Abramowitz

Fondé par Christian Vander, il y a plus de 50 ans, Magma s'est imposé d'emblée comme un groupe hors normes, dont l'univers musical s'est toujours affranchi des modes et des conventions. Après "Zëss", un album plutôt sombre, sorti en 2019, il revient avec "Kartëhl". enregistré entre mars et juin 2022. 
Soutenus par des choeurs masculins et féminins, et des musiciens virtuoses, les huit titres, dont deux bonus datant de 1978,  font toujours la part belle à la musique classique moderne et au jazz mais s'enrichissent aussi de sonorités brésiliennes avec "Irena Balladina". Un album que les néophytes jugeront sans doute plus "accessible" mais qui  trouvera évidemment un large écho auprès des fidèles de la première heure.
Rencontre avec Christian Vander, toujours farouchement attaché à sa liberté de création, avant un prestigieux concert avec l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, à l'Opéra de Monte-Carlo le 27 novembre prochain et une tournée.

- Certains prétendent que votre musique s'adresse aux initiés. Qu'en pensez-vous ?
Je ne veux pas dire du mal de la variété mais certaines oreilles ne sont peut-être pas prêtes à écouter autre chose. C'est parfois une question de moment. Il y a des gens qui m'ont dit qu'ils avaient eu du mal avec notre musique et qu'un jour, ils ont pu entrer. C'est souvent le cas lorsque le public nous découvre en concert.

- Avec ce nouvel album, votre musique semble plus "accessible" ?
Nous avons toujours été ouverts ! On peut apprécier les oeuvres de Ravel ou de Debussy en étant totalement novice en matière de musique classique. Ce sont les gens qui s'enferment parce qu'il leur manque la clef. Il  suffit de chercher un peu pour la trouver.

- Stella Vander tient un rôle essentiel à vos côtés ?
Elle fait un magnifique boulot, en amont, avec les choeurs. Elle me libère et me permet de ne penser qu'à la musique. C'est une chance inouïe. Les choeurs sont importants, parce que le chant est important. Sur cet album, nous avons notamment découvert que Thierry Eliez qui assure les claviers est également un très bon chanteur. 

- "Kartëhl" est aussi un retour au groupe ?
C'est vrai. Avec Stella, nous avons décidé de faire un album de groupe. Ce que nous n'avions pas fait depuis "Üdü Wüdü" en 1977. Pour ce nouvel album, chacun a apporté sa contribution.

- Vous avez inventé un langage, le kobaïen. Une manière de ne pas parasiter la musique ?
Je n'ai jamais cherché à inventer un langage. Ce sont juste des sons qui viennent comme ça. Chaque morceau amène son lot d'expressions. C'est vrai que nous n'imposons pas une histoire aux gens. Nous laissons à chacun le soin de faire travailler son imaginaire et de créer la sienne.

- Cela permet aussi d'éviter la barrière de la langue lorsque vous vous produisez à l'étranger ?
Absolument. Seule, l'émotion subsiste. Nous avons récemment joué au Japon et le public chantait les sons avec nous. En France, on nous fait parfois ce reproche mais lorsqu'on écoute un saxo, cela n'empêche pas d'être touché, si la musique est suffisamment expressive.

- Mais vous avez quand même donné un titre à l'album ?
Forcément. Parce qu'en le réalisant, j'ai toujours l'idée de l'histoire que je vais raconter. Après, je laisse la musique parler. C'est ce que je travaille avec Magma. Il ne faut jamais chercher à faire de la musique.  C'est elle qui demande et on répond...


(c) Kamal Bahloul

 
- Les deux bonus composés en 1978, ne semblent pas datés ?
Tout simplement parce que Magma n'a jamais composé en fonction de l'époque et des modes !

- "Irena Balladina" est un titre en hommage à votre mère ?
Tout-à-fait. Elle adorait la musique brésilienne. J'ai composé ce morceau en pensant à elle.

- Il paraît que vous avez eu votre première batterie à 12 ans ?
Oui, grâce à Chet Baker. Nous avions eu l'occasion de faire des échanges sur des papiers buvard avec des balais ! Il trouvait que j'étais doué et il a décrété qu'il me fallait une batterie. A l'époque, il jouait dans un endroit qui s'appelait "Le chat qui pêche" et il m'a proposé de venir le rejoindre en taxi. Là, il a chargé une batterie dans le coffre. J'ai joué pendant deux ans, jusqu'à ce que des huissiers viennent frapper à notre porte car c'était une batterie de location ! A 14 ans, je suis passé au tribunal pour recel de batterie.  Cela ne s'est pas trop mal passé mais j'ai quand même été condamné à rembourser les traites...

- Pouvez-vous nous parler de votre prochain concert avec l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo ?
Je trouve cela fantastique et, en même temps, je suis un peu angoissé car nous n'avons que deux jours de répétitions. Ces musiciens sont des virtuoses capables d'interpréter tous les répertoires, mais là, ils arrivent avec une partition qu'ils ne connaissent pas. De toute manière, nous allons nous adapter car lorsqu'on est dirigé par un chef, il ne faut pas le contrarier ! 


- Album "Kartëhl" (Seventh Records-Bertus), disponible depuis le 30 septembre 2022.
En tournée: le 27 novembre 2022 à l'Opéra de Monte-Carlo, le 1er février 2023 à Cholet, les 3 et 4 février à Bordeaux, le 16 février à Enghien-les-Bains, le 23 mai à Saint-Nazaire...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire